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19/12/2024 | FRANCE | N°493107

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 19 décembre 2024, 493107


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 avril et 19 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation, d'une part, de l'article 28 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, en tant qu'

il impose une durée maximale de séjour à ceux de ces personnels appelés à servir outr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 avril et 19 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation, d'une part, de l'article 28 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, en tant qu'il impose une durée maximale de séjour à ceux de ces personnels appelés à servir outre-mer et, d'autre part, de l'article 1er de l'arrêté du 20 octobre 1995 pris pour son application ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de modifier le décret du 9 mai 1995 et l'arrêté du 20 octobre 1995 pris pour son application ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 78-399 du 20 mars 1978 ;

- l'arrêté interministériel du 20 octobre 1995 pris pour l'application de l'article 28 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Erwan Le Bras, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 414-4 du code général de la fonction publique : " En raison du caractère particulier de leurs missions et des responsabilités exceptionnelles qu'ils assument, les fonctionnaires actifs de la police nationale constituent dans la fonction publique une catégorie spéciale. / Le statut spécial de ces fonctionnaires peut déroger aux dispositions du présent code, afin d'adapter l'organisation des corps et des carrières aux missions spécifiques de la police nationale. ". Aux termes de l'article L. 414-6 du même code : " Compte tenu de la nature de leurs missions, les fonctionnaires actifs de la police nationale sont soumis à des obligations particulières de disponibilité, de durée d'affectation, de mobilité et de résidence, compte tenu de la nature des missions de la police nationale. " Aux termes de l'article L. 512-19 du même code : " Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et sous réserve des priorités instituées au chapitre II du titre IV du livre IV, les affectations prononcées tiennent compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. / Les demandes de mutation sont examinées en donnant priorité aux fonctionnaires de l'Etat relevant de l'une des situations suivantes : / (...) 4° Justifier du centre de ses intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie. "

2. Aux termes de l'article 28 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " La durée maximale de séjour des personnels actifs de la police nationale appelés à servir outre-mer est fixée par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, du ministre du budget et du ministre des départements et territoires d'outre-mer ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 20 octobre 1995, pris pour son application : " I.- La durée de séjour des personnels actifs de la police nationale appelés à servir outre-mer est fixée comme suit : / Trois ans en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion, dont une durée minimale de deux ans pour le corps de conception et de direction de la police nationale ; / Quatre ans en Guyane, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ; / (...) II.- La durée de séjour n'est pas applicable : / (...) 2. Aux fonctionnaires affectés dans les départements et collectivités d'outre-mer s'ils en sont originaires ; / 3. Aux fonctionnaires mariés ou liés par un pacte civil de solidarité à un originaire depuis un an à la date du dépôt de la demande de mutation. Ils sont considérés comme ayant la qualité d'originaire. / III.- Il peut être dérogé à la durée de séjour, après avis des commissions administratives paritaires compétentes, pour des fonctionnaires servant outre-mer en cas : / 1. De mariage ou de pacte civil de solidarité contracté avec un originaire au moins un an avant la date du dépôt de la demande de dérogation. Cette demande doit être formulée au plus tard six mois avant la date d'expiration du séjour ; / 2. De circonstances graves ou exceptionnelles ; (...) / IV.- La qualité d'originaire s'apprécie à la date du dépôt de la demande de mutation en fonction du lieu de résidence habituelle, tel que défini par le décret du 20 mars 1978 susvisé. ". Il résulte de ces dernières dispositions, combinées avec celles de l'article 3 du décret du 20 mars 1978 relatif à la prise en charge des frais de voyage du congé bonifié accordé aux magistrats, aux fonctionnaires civils de l'Etat et aux agents publics de l'Etat recrutés en contrat à durée indéterminée, que doit être regardé comme étant originaire d'un département ou d'une collectivité d'outre-mer, au sens de cet arrêté, le fonctionnaire dont le centre des intérêts moraux et matériels se trouve dans ce département ou cette collectivité.

3. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de refus née du silence gardée par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation de l'article 28 du décret du 9 mai 1995 en tant qu'il impose une durée maximale de séjour aux personnels actifs de la police nationale appelés à servir outre-mer et de l'article 1er de l'arrêté du 20 octobre 1995.

4. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

5. Eu égard, d'une part, à la spécificité des conditions de service dans les départements et collectivités d'outre-mer ainsi qu'à l'intérêt d'y assurer, sur des postes peu nombreux réclamant des compétences particulières, la mobilité des fonctionnaires de l'Etat et, d'autre part, à la spécificité des missions, responsabilités et obligations des fonctionnaires de police, le pouvoir réglementaire a pu sans méconnaître le principe d'égalité imposer une durée maximale d'affectation aux personnels actifs de la police nationale exerçant outre-mer. Par ailleurs, les fonctionnaires exerçant dans des conditions différentes selon qu'ils ont ou non le centre de leurs intérêts matériels et moraux sur le lieu de leur affectation, il a pu, sans méconnaître davantage ce principe, exempter d'une telle mesure les fonctionnaires dont le centre des intérêts matériels et moraux correspond à leur lieu d'affectation, la circonstance que les fonctionnaires originaires des départements et collectivités d'outre-mer pourraient exercer en métropole sans limitation de durée étant sans incidence à cet égard. Eu égard à l'objectif d'intérêt général auquel elle répond, la différence de traitement ainsi instituée, en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit, n'introduit pas de disproportion manifeste au regard des motifs qui la justifient.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée. Ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 décembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Erwan Le Bras, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 19 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Erwan Le Bras

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 493107
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2024, n° 493107
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Erwan Le Bras
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493107.20241219
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