Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2024 par lequel le ministre de l'intérieur a prolongé pour trois mois, à compter du 7 novembre 2024, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance prises à son encontre par un arrêté du 7 février 2024, renouvelées les 7 avril 2024 et 30 juillet 2024, consistant en une interdiction de se déplacer en dehors du territoire de la ville de Marseille et en la fixation des modalités d'exécution de cette mesure, à savoir l'obligation de se présenter tous les jours à 9 heures au commissariat de police du quinzième arrondissement de Marseille et de déclarer et justifier son lieu d'habitation et tout changement de ce lieu, et l'interdiction de se trouver en relation directement ou indirectement avec trois personnes. Par une ordonnance n° 2411407 du 12 novembre 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... doit être regardé comme demandant au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 12 novembre 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2024 du ministre de l'intérieur prolongeant pour une durée de trois mois à compter du 7 novembre 2024 les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance prises à son encontre ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à une médiation.
Il soutient que :
- le renouvellement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance prises à son encontre n'est pas justifié en l'absence d'éléments nouveaux produits par le ministre de l'intérieur et dès lors que les expertises psychologiques et judiciaires font état de son absence de dangerosité, alors qu'il dispose d'un emploi stable et contribue à l'éducation et l'entretien de ses enfants ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir, à son droit au respect de la vie privée et familiale et à sa liberté de travailler.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête a été portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., et d'autre part, le ministre de l'intérieur ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 6 décembre 2024, à 11 heures :
- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;
- la représentante du ministre de l'intérieur ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. " Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation. / L'obligation prévue au 1° du présent article peut être assortie d'une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés se trouvant à l'intérieur du périmètre géographique mentionné au même 1° et dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste. Cette interdiction tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. Sa durée est strictement limitée à celle de l'événement, dans la limite de trente jours. Sauf urgence dûment justifiée, elle doit être notifiée à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur. / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites. / (...) La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, ou à compter de la notification de chaque renouvellement lorsqu'il n'a pas été fait préalablement usage de la faculté prévue au huitième alinéa, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine. Ces recours, dont les modalités sont fixées au chapitre III ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative, s'exercent sans préjudice des procédures prévues au huitième alinéa du présent article ainsi qu'aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code. "
3. Il résulte de l'instruction que M. A..., ressortissant djiboutien déchu de la nationalité française par décret du 4 octobre 2024, s'est vu notifier des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) par un arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 7 février 2024, lui prescrivant de se présenter chaque jour à 9 heures au commissariat de police du 15ème arrondissement de Marseille et lui interdisant, d'une part, de se déplacer en dehors du territoire de la ville de Marseille et d'autre part, d'entrer en contact avec certaines personnes. Ces mesures ont été renouvelées pour une durée de trois mois à compter du 7 avril 2024, du 31 juillet 2024 et du 7 novembre 2024. M. A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer, sur le fondement du 7ème alinéa de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 31 octobre 2024 prolongeant pour une durée de trois mois les MICAS dont il a fait l'objet à compter du 7 novembre 2024. Il relève appel de l'ordonnance du 12 novembre 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure citées au point 2 que le recours formé devant un tribunal administratif par une personne qui a fait l'objet d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, tendant à l'annulation des obligations qui lui ont été prescrites sur le fondement des 1° à 3° de ce même article, présente le caractère d'un recours pour excès de pouvoir. Il s'ensuit que l'appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif statuant sur une telle demande ne peut être formé que devant la cour administrative d'appel territorialement compétente.
5. Il résulte de ce qui précède que, dès lors que la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille était fondée sur les dispositions du 7ème alinéa de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, sa requête d'appel dirigée contre l'ordonnance attaquée, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Fait à Paris, le 10 décembre 2024
Signé : Benoît Bohnert