Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui fournir un hébergement sans délai à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2403296 du 27 septembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 12 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Dijon du 27 septembre 2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a considéré que la condition d'urgence n'était pas remplie alors qu'elle est actuellement sans hébergement avec ses trois filles mineures et qu'elle ne dispose pas d'un hébergement pérenne ;
- il existe une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à un hébergement d'urgence ;
- l'ordonnance contestée est insuffisamment motivée ;
- l'ordonnance méconnaît le principe du contradictoire dès lors que les pièces relatives à l'état de saturation du parc d'hébergement ne lui ont pas été communiquées, bien qu'elles aient été transmises à la préfecture ;
- la carence des services de l'état est caractérisée dès lors qu'elle est une femme isolée privée d'hébergement avec ses filles, dont la plus jeune est âgée de seulement deux ans, à l'approche de la saison hivernale ;
- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a considéré le parc d'hébergement d'urgence comme saturé alors que l'administration ne le démontre pas par les pièces versées au débat.
Par une décision du 18 octobre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle établi près le Conseil d'Etat, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2024, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A... et, d'autre part, la DIHAL ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 26 novembre 2024, à 14 heures :
- Me Zribi, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de Mme A... ;
- les représentantes de la DIHAL ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse (...) ". L'article L. 345-2-2 du même code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) ". Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L 345-1 à L. 345-3 (...) ".
3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 2, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.
4. Pour rejeter la demande de Mme A..., le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance qu'après avoir vu leur demande d'asile rejetée définitivement par le préfet de l'Yonne, Mme A... et ses enfants, qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire français, se sont rendus en Côte d'Or où ils ont trouvé une solution d'hébergement provisoire chez des proches. Il a également relevé l'état de saturation du parc d'hébergement d'urgence de la Côte d'Or.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'audience tenue en appel le 26 novembre 2024 que, les 21 et 24 novembre 2024, les services préfectoraux ont pris l'attache de Mme A... pour lui proposer un hébergement adapté pour elle et ses trois enfants, permettant notamment la scolarisation organisée sur place, au sein même de la structure d'hébergement concernée, de ses deux enfants d'âge scolaire, et que Mme A... n'a pas souhaité donner suite à cette demande.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper d'une carence de l'Etat dans l'accomplissement de la mission que lui confient les articles L. 345-2 et suivants du code de la famille et de l'aide sociale et que sa requête d'appel doit être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A... et à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL).
Copie en sera adressée au Préfet de la Côte d'Or.
Fait à Paris, le 2 décembre 2024
Signé : Cyril Roger-Lacan