Vu la procédure suivante :
La société Résidence Aloha a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 novembre 2018 par laquelle le préfet de police, agissant au nom de la ville de Paris, a maintenu un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de son établissement hôtelier dans l'attente d'une déclaration d'exploitation détaillant les effectifs reçus dans l'établissement, établie conformément à la réglementation applicable aux établissements de type O et lui a demandé la communication d'une attestation de conformité aux règles d'accessibilité des personnes handicapées ou un agenda d'accessibilité programmée, la décision du 25 janvier 2019 rejetant son recours gracieux et la décision du 14 octobre 2019, qui s'est partiellement substituée en cours d'instance à la décision du 22 novembre 2018, en tant qu'elle lui interdit de proposer des lits à la location dans des chambres collectives.
Par un jugement n° 1905636 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a déclaré n'y avoir lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions des 22 novembre 2018 et 25 janvier 2019 en tant qu'elles maintiennent un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement exploité par la société requérante et lui font obligation de déposer une déclaration d'exploitation et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par un arrêt n° 20PA02434 du 25 mai 2022, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Résidence Aloha, annulé ce jugement et annulé la décision du 22 novembre 2018, la décision du 25 janvier 2019 et la décision du 14 octobre 2019 en tant qu'elles interdisent l'exploitation de l'établissement Aloha Hostel en proposant des lits à la location dans des chambres collectives.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 juillet et 26 octobre 2022 et le 30 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le préfet de police, agissant au nom de la ville de Paris, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Résidence Aloha ;
3°) de mettre à la charge de la société Résidence Aloha la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- l'arrêté du 25 juin 1980 modifié portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la Préfecture de police et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Résidence Aloha.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Résidence Aloha exploite à Paris (15e arrondissement) un établissement qu'elle a déclaré en préfecture le 13 juillet 2006, au titre de la réglementation des établissements recevant du public, comme un hôtel d'une capacité d'accueil globale de 57 personnes. Par un courrier du 22 novembre 2018, le préfet de police, agissant en tant qu'autorité de la Ville de Paris, lui a indiqué, au vu des résultats de contrôles effectués par la délégation permanente de la commission de sécurité et d'accessibilité, d'une part, que son établissement ne pouvait être exploité en auberge de jeunesse, faute de répondre aux exigences de sécurité propres à de tels établissements, d'autre part, que la location par lit au sein de chambres collectives n'était pas autorisée aux hôtels, dans la catégorie desquels cet établissement avait été déclaré, et qu'il maintenait son avis défavorable à la poursuite de son exploitation dans l'attente d'une déclaration d'exploitation détaillant les effectifs qui y étaient reçus. Sur recours gracieux de la société, il lui a précisé, dans un courrier du 25 janvier 2019, qu'il maintenait cet avis défavorable dans l'attente d'éléments nouveaux établissant le respect de la capacité d'accueil de l'établissement. Par un courrier du 14 octobre 2019, il l'a informée de la levée de l'avis défavorable à la poursuite de son exploitation, tout en lui rappelant l'interdiction de procéder à une location au lit au sein de chambres collectives. Par un jugement du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Paris, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées par la société Résidence Aloha contre les décisions des 22 novembre 2018 et 25 janvier 2019 en tant que ces décisions émettaient un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement et lui faisaient obligation de déposer une déclaration d'exploitation, d'autre part, rejeté les conclusions dirigées par la société contre les décisions des 25 janvier et 14 octobre 2019 en tant qu'elles lui interdisent de procéder à la location au lit au sein de chambres collectives. Par un arrêt du 25 mai 2022, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Résidence Aloha, annulé ce jugement et annulé les décisions attaquées en tant qu'elles maintiennent l'interdiction faite à la société de louer au lit au sein de chambres collectives. Le préfet de police agissant au nom de la ville de Paris demande l'annulation de cet arrêt.
2. Il ressort du dossier de la cour administrative d'appel et des visas de l'arrêt attaqué que le second mémoire en défense produit par le préfet de police devant la cour le 7 avril 2022, avant clôture de l'instruction, a été communiqué aux parties sans être visé ni analysé, et sans que les motifs de l'arrêt répondent à l'élément nouveau que constituait l'argumentation tirée de ce que l'établissement en litige relevait de la catégorie R au sens des dispositions du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, approuvé par arrêté du 25 juin 1980.
3. L'arrêt attaqué est par suite entaché d'une irrégularité qui justifie son annulation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
5. En premier lieu, il est constant que les décisions des 22 novembre 2018 et 25 janvier 2019 par lesquelles le préfet de police a émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement de la société Résidence Aloha et a fait obligation à cette société de déposer une déclaration d'exploitation ont été retirées postérieurement à l'introduction de son recours. Les conclusions aux fins d'annulation dirigées par la société contre ces décisions sont, dans cette mesure, devenues sans objet. La société Aloha n'est, par suite, et en tout état de cause, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par un jugement suffisamment motivé, jugé qu'il n'y avait plus lieu d'y statuer.
6. En second lieu, aux termes de l'article GN1 du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) approuvé par arrêté du 25 juin 1980 : " § 1. Les établissements sont classés en types, selon la nature de leur exploitation : / a) Etablissements installés dans un bâtiment : / (...) O Hôtels et pensions de famille ; (...) R Etablissements d'éveil, d'enseignement, de formation, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement ; " En application de l'article R1 du même règlement, relèvent, entre autres, de la catégorie R " ...les auberges de jeunesse comprenant au moins un local collectif à sommeil " dans lesquelles " l'effectif total des utilisateurs (enfants, élèves, stagiaires, étudiants) est supérieur ou égal à l'un des chiffres suivants : (...) c) Locaux réservés au sommeil : 30. "
7. Il ressort des pièces du dossier et des éléments produits par le préfet de police en réponse à une mesure supplémentaire d'instruction que la société exploitante qualifie elle-même l'établissement en cause, qui est susceptible d'accueillir plus de trente utilisateurs, d'auberge de jeunesse, ou le désigne par le mot anglais, synonyme, d' " hostel ", qu'il est voué en priorité à l'accueil d'une clientèle jeune à laquelle il offre des espaces communs de récréation ainsi qu'une ambiance musicale et festive et qu'il propose principalement, sinon exclusivement, des couchages en lits superposés, en chambres ou dortoirs. Ces éléments sont de nature à le faire regarder comme relevant de la catégorie R au sens des dispositions citées ci-dessus du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public. Il ressort au demeurant de ces mêmes pièces que l'établissement ne respecte pas les normes définies par le chapitre 4 du titre II du livre II du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP), qui lui sont applicables en vertu des dispositions citées ci-dessus de l'article R1 de ce chapitre. Sa déclaration, le 13 juillet 2006, dans la catégorie des établissements de type O, " Hôtels et pensions de famille ", ne pouvait dès lors donner lieu à une ouverture régulière au public. La société requérante ne peut, par suite, utilement soutenir que les décisions du préfet de police lui interdisant de pratiquer la location au lit au sein de chambres collectives seraient entachées d'illégalité. Il en résulte qu'elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de ces décisions.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que les sommes demandées par la société Résidence Aloha au titre de l'instance de cassation et de l'instance d'appel soient mises à la charge de l'Etat, qui ne présente pas la qualité de partie à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Résidence Aloha la somme de 3 000 euros à verser au préfet de police, agissant au nom de la ville de Paris, au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 25 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la requête d'appel de la société Résidence Aloha sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au préfet de police et à la société Résidence Aloha.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 20 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Pascal Trouilly
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras