Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 14 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Boëge demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus né du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à l'abrogation ou à la modification du décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts, en tant qu'il l'a inscrite sur la liste des communes, mentionnée au 1° du I de cet article, sur le territoire desquelles cette taxe est applicable ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du I de l'article 232 du code général des impôts : " I. - La taxe annuelle sur les logements vacants est applicable : / 1° Dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social ; (...) / Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée ".
2. La commune de Boëge demande l'annulation du refus implicite opposé par la Première ministre à sa demande tendant à l'abrogation ou à la modification du décret du 25 août 2023 pris pour l'application de ces dispositions, en tant que celui-ci l'a incluse dans la liste des communes, mentionnée au 1° du I de l'article 232 du code général des impôts, sur le territoire desquelles la taxe annuelle sur les logements vacants est applicable.
3. Il ressort des pièces du dossier que pour procéder à la délimitation des zones d'urbanisation continue mentionnées au 1° du I de l'article 232 du code général des impôts, l'administration se fonde sur la méthode retenue par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour délimiter les zones dites " unités urbaines ", laquelle repose sur un critère de distance maximale séparant deux constructions, fixé à 200 mètres, la continuité de l'urbanisation étant appréciée en tenant compte de la présence d'éventuelles coupures topographiques telles que, notamment, des cours d'eau non franchissables au moyen d'un pont.
4. Alors que, selon ce qu'a indiqué l'administration, le classement par le décret attaqué de la commune de Boëge dans la liste en litige résulte de l'existence entre cette commune et les autres communes de l'unité urbaine Annemasse-Genève à laquelle elle a été rattachée par ce décret, d'une zone d'urbanisation dont le caractère continu découle exclusivement de la présence d'une construction située sur une déchetterie, il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un courrier de l'Insee du 12 septembre 2023 dont les constats ne sont pas contestés par le ministre, qu'est seulement implantée sur cette déchetterie une construction légère. Une telle construction ne permettant pas, à elle seule, d'assurer la continuité d'une zone d'urbanisation, c'est en méconnaissance des dispositions du 1° du I de l'article 232 du code général des impôts que la commune de Boëge a été classée par le décret attaqué dans la liste des communes répondant aux critères que ces dispositions fixent.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, la commune de Boëge est fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé d'abroger ou de modifier le décret attaqué en tant qu'il l'a incluse dans la liste mentionnée au 1° du I de l'article 232 du code général des impôts.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Boëge au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé d'abroger ou de modifier le décret du 25 août 2023 modifiant le décret du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts en tant qu'il a inscrit la commune de Boëge sur la liste mentionnée au 1° du I de cet article, est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à la commune de Boëge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Boëge, au Premier ministre, à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre auprès de Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.