Vu la procédure suivante :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 2001834 du 16 mars 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22PA02243 du 22 septembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 novembre 2023, 22 février 2024 et 13 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., époux de Mme D... A..., s'était vu attribuer des options sur titres de la société américaine Otis UTC. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a, notamment, estimé que la quote-part revenant à Mme A... et à sa fille, Mme C... A..., alors rattachée à son foyer fiscal, du gain résultant de la levée de ces options postérieurement au décès de M. A..., survenu le 11 novembre 2011, suivi de leur cession, aurait dû être incluse dans les revenus déclarés par elle au titre de l'année 2012. L'intéressée a en conséquence été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 septembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 mars 2022 rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) / Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles 123 bis, 209 B, 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du même code n'ont pas été respectées. (...) Le droit de reprise de l'administration concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n'ont pas été respectées ".
3. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la procédure en litige : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ". Aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts dans cette même rédaction : " " I. - Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / (...) III. - La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident. "
4. Il ressort des travaux préparatoires de la loi de finances pour 1990 dont sont issues les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts que le législateur, en mettant en place une obligation de déclarer les comptes bancaires utilisés à l'étranger, a entendu instaurer une procédure de déclaration des mouvements de fonds sur de tels comptes afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, s'agissant de contribuables qui ne sont pas astreints à la tenue d'une comptabilité et d'opérations bancaires pour lesquelles l'administration ne peut se faire communiquer les relevés en exerçant le droit de communication qui lui est ouvert par l'article L. 83 du livre des procédures fiscales. Eu égard à l'objet des dispositions en cause, un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé par un contribuable pour une année donnée que si ce dernier a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur le compte.
5. Il résulte en outre des dispositions précitées de l'article 1649 A du code général des impôts et de l'article 344 A de l'annexe III à ce code, dans leur version applicable au litige, que l'obligation de déclaration ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire ou sur lesquels il dispose d'une procuration, mais sur tous les comptes qu'il a utilisés.
6. La cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que Mme A... avait, postérieurement au décès de son époux, donné à la société Otis UTC l'ordre de procéder à la levée des options sur titres détenues par celui-ci, puis à la cession des titres correspondants, et qu'elle avait eu connaissance avant la fin de l'année 2012 du compte bancaire, ouvert auprès d'une banque située aux Etats-Unis, sur lequel avaient été versés les produits de cession, ainsi qu'elle l'avait elle-même indiqué à l'administration fiscale dans ses observations des 18 février 2016 et 22 juin 2017. En la regardant comme ayant utilisé ce compte et comme étant en conséquence soumise à l'obligation déclarative prescrite par les articles 1649 A du code général des impôts et 344 A de l'annexe III à ce code, alors même qu'elle n'en était pas le titulaire et qu'elle n'avait pas agi par procuration, la cour n'a pas méconnu ces dispositions.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 225-183 du code de commerce, relatif aux options de souscription ou d'achat d'actions : " En cas de décès du bénéficiaire, ses héritiers peuvent exercer l'option dans un délai de six mois à compter du décès. " Il résulte de ces dispositions que les héritiers du bénéficiaire des options de souscription ou d'achat d'actions sont présumés, lorsque l'option a été exercée postérieurement au décès de celui-ci, avoir appréhendé, à concurrence de leurs droits dans la succession, l'avantage né de l'exercice de ces options ainsi que, le cas échéant, le gain de cession des titres et que ces revenus sont taxables entre leurs mains selon les règles qui auraient été applicables à ce bénéficiaire.
8. Aux termes de l'article 80 bis du code général des impôts : " I. L'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option accordée dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce, et le prix de souscription ou d'achat de cette action constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire (...) ". L'article 163 bis C du même code prévoit que cet avantage est imposé lors de la cession des titres selon un régime d'imposition forfaitaire spécifique, aux taux prévus par les dispositions du 6 de l'article 200 A de ce code, lorsque le bénéficiaire respecte un délai légal d'indisponibilité avant la cession et que les actions acquises revêtent la forme nominative. Aux termes de l'article 200 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 6. Sauf option du bénéficiaire pour l'imposition à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires, l'avantage mentionné au I de l'article 163 bis C, le cas échéant diminué du montant mentionné au II de l'article 80 bis imposé selon les règles applicables aux traitements et salaires, est imposé au taux de 30 % à concurrence de la fraction annuelle qui n'excède pas 152 500 euros et de 41 % au-delà (...) ".
9. Contrairement à ce que soutient Mme A..., l'article 8 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat n'a eu ni pour objet ni pour effet de modifier le régime et les taux spécifiques d'imposition applicables, en vertu des dispositions citées au point précédent, aux gains résultant de la levée d'option sur titres lorsqu'elle est suivie d'une cession à titre onéreux. Elle ne peut, par suite, utilement se prévaloir de ce que les dispositions de cet article 8 ne sont applicables qu'aux gains afférents aux options attribuées postérieurement au 20 juin 2007 pour soutenir que les gains en litige auraient dû être imposés au taux forfaitaire de 24 % applicable, en vertu du 2 de l'article 200 A, aux gains de cession de valeurs mobilières entrant dans le champ de l'article 150-0 A du code général des impôts réalisés en 2012 et que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en jugeant applicables les dispositions précitées du 6 de l'article 200 A du code général des impôts.
10. En dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ".
11. En jugeant, après avoir relevé que le courrier du 14 avril 2017 par lequel l'administration fiscale a indiqué à la contribuable qu'elle renonçait à donner suite à la proposition de rectification qu'elle lui avait notifiée le 16 décembre 2015 se bornait à indiquer qu'elle avait pris connaissance de ses observations, que ce courrier ne constituait pas une prise de position formelle sur la situation de fait de Mme A..., invocable sur le fondement de ces dispositions, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 septembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, M. Jean-Marc Vié, conseillers d'Etat et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 14 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Ferrari
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle