Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière (SCI) Florriane a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison d'un immeuble dont elle est propriétaire au sein de la zone d'activités légères (ZAL) de la commune de Baralle (Pas-de-Calais). Par un jugement n° 2002342 du 30 juin 2023, ce tribunal a prononcé la réduction de la valeur locative à retenir pour l'établissement de la cotisation relative à cet immeuble et la décharge correspondante à l'imposition en litige.
Par un pourvoi, enregistré le 7 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er à 3 de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter la demande de la société Florriane.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société civile immobilière (SCI) Florriane est propriétaire d'un bâtiment constitué de plusieurs cellules indépendantes abritant des commerces, ainsi qu'une auto-école exploitée par la société Idées Concept Formations. Les locaux affectés à l'activité de cette auto-école sont composés d'une salle de cours, de bureaux, de sanitaires et d'une piste d'initiation à la conduite d'une surface de près de 1 500 m². La société Florianne a formé une réclamation auprès de l'administration fiscale en demandant que, pour l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison de ces locaux, leur valeur locative soit fixée sur la base des tarifs applicables aux établissements d'enseignement à but lucratif (catégorie " ENS 2 ") en lieu et place de ceux, appliqués par l'administration, relatifs aux locaux utilisables pour la vente, une activité commerciale ou de service et disposant d'une vitrine ou d'un accès sur la rue dont la surface principale est inférieure à 400 m² (catégorie " MAG 1 "). L'administration a partiellement fait droit à cette demande en admettant l'application des tarifs relatifs aux locaux à usage de bureaux d'aménagement récent (catégorie " BUR 2 ") et a réduit, dans la mesure correspondante, la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties établie au titre de l'année 2018. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 du jugement du 30 juin 2023 par lesquels le tribunal administratif de Lille a prononcé la réduction de cette cotisation à concurrence de l'application, pour la détermination de la valeur locative des locaux litigieux, dont il a jugé qu'ils devaient être regardés comme constituant une unique fraction de propriété, des tarifs relatifs aux établissements d'enseignement à but lucratif (catégorie " ENS 2 ").
2. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : " I. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues au II ou III du présent article. / Les propriétés mentionnées au premier alinéa sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, elles sont classées par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance. Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. / II. - A. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie mentionnée au I (...) est obtenue par application d'un tarif par mètre carré déterminé conformément au 2 du B du présent II à la surface pondérée du local définie au C du présent II. / B. - (...) / 2. Les tarifs par mètre carré sont déterminés sur la base des loyers moyens constatés dans chaque secteur d'évaluation par catégorie de propriétés. (...) / C. - La surface pondérée d'un local est obtenue à partir de la superficie de ses différentes parties, réduite, le cas échéant, au moyen de coefficients fixés par décret, pour tenir compte de leur utilisation et de leurs caractéristiques physiques respectives. (...) ". Aux termes de l'article 310 Q de l'annexe II à ce code, les locaux professionnels sont classés " selon les sous-groupes et catégories suivants : (...) Sous-groupe II : bureaux et locaux divers assimilables : (...) Catégorie 2 : locaux à usage de bureaux d'agencement récent (...) / Sous-groupe VII : établissements d'enseignement et locaux assimilables : / Catégorie 1 : écoles et institutions privées exploitées dans un but non lucratif. / Catégorie 2 : établissements d'enseignement à but lucratif. (...)". Aux termes de l'article 324 Z de l'annexe III au même code : " Pour l'application du C du II de l'article 1498 du code général des impôts, la surface pondérée d'un local est la somme, le cas échéant arrondie au mètre carré inférieur, des superficies de ses différentes parties, affectées, le cas échéant, du coefficient mentionné au troisième alinéa. (...) / Lorsque l'une de ces parties a une valeur d'utilisation réduite par rapport à l'affectation principale du local, la superficie de cette partie est réduite par application d'un coefficient fixé à 0,5 lorsque cette partie est couverte et à 0,2 dans le cas contraire ". Il résulte notamment de ces dispositions que, pour le calcul de la valeur locative d'une propriété bâtie relevant de l'article 1498 du code général des impôts, les coefficients de pondération de superficie mentionnés à l'article 324 Z de l'annexe III précité ne sont pas applicables aux surfaces utilisées pour une activité correspondant à l'affectation principale de ce local, appréciée au regard de la catégorie dans laquelle il est classé.
3. Après avoir relevé par des motifs non contestés en cassation que les locaux en litige, constitués pour l'essentiel d'une salle de cours et d'une piste d'initiation à la conduite dotée d'un marquage au sol permanent, étaient directement destinés à l'enseignement de la conduite de véhicules à moteur qui y était pratiqué et qu'ils étaient utilisés par une société d'auto-école exerçant cette activité de façon lucrative, la cour a pu, sans entacher son arrêt d'insuffisance de motivation ni méconnaître les dispositions du second alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts, dont les critères doivent être mis en œuvre successivement pour déterminer le sous-groupe puis, en son sein, la catégorie dans lesquels les locaux doivent être classés, juger que la valeur locative de ces locaux devait être fixée par application des tarifs relatifs au sous-groupe des établissements d'enseignement et locaux assimilables puis, en son sein, à la catégorie des établissements d'enseignement à but lucratif. Le tribunal n'avait, à cet égard, à tenir compte, contrairement à ce qui est soutenu, ni du niveau des loyers pratiqués par la société Florriane ni de l'activité exercée par la société preneuse à l'extérieur de ces locaux.
4. Toutefois, le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen, soulevé par l'administration à titre subsidiaire, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que dans l'hypothèse où les locaux seraient regardés comme affectés à l'enseignement de la conduite, la surface de la piste d'apprentissage, dès lors que son utilisation correspondrait à l'affectation des locaux, ne devrait pas être affectée d'un coefficient de pondération pour la détermination de l'assiette de l'impôt.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation des articles 1er à 3 du jugement qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement du tribunal administratif de Lille du 30 juin 2023 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Lille.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics et à la société civile immobilière Florriane.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 septembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, M. Jean-Marc Vié, conseillers d'Etat et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 14 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Ferrari
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle