Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... et B... A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mai 2024 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a rejeté leur demande tendant à l'abrogation du paragraphe n° 250 des commentaires administratifs publiés le 20 décembre 2019 au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP) sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-20-30-10 ;
2°) d'annuler le paragraphe n° 250 de ces commentaires administratifs ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alianore Descours, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mai 2024 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a rejeté leur demande tendant à l'abrogation du paragraphe n° 250 des commentaires administratifs publiés le 20 décembre 2019 au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP) sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-20-30-10 relatif à l'abattement proportionnel pour durée de détention renforcé applicable aux gains de cession de titres d'une petite ou moyenne entreprise (PME) qualifiée de holding animatrice, lequel réitère les dispositions de l'avant-dernier alinéa du 2° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts. Au soutien de leur requête, ils soulèvent un unique moyen, présenté dans un mémoire distinct, tiré de l'absence de conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions législatives.
2. Le 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts prévoit que les plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux acquis ou souscrits antérieurement au 1er janvier 2018 et imposés, sur option, au barème de l'impôt sur le revenu font l'objet d'un abattement dit " renforcé " lorsque, notamment, conformément au 2° de son B, la société émettrice des actions, parts ou droits cédés est une petite ou moyenne entreprise exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, à l'exclusion d'une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier, et ayant son siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Aux termes des dispositions de l'avant-dernier alinéa de ce 2°, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2018 : " Lorsque la société émettrice des droits cédés est une société holding animatrice qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le respect des conditions mentionnées au présent 2° s'apprécie au niveau de la société émettrice et de chacune des sociétés dans laquelle elle détient des participations ".
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
4. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
5. Les dispositions critiquées du 2° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts introduisent une différence de traitement entre les contribuables cédant des actions, parts ou droits de PME holdings animatrices ayant leur siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, selon que les filiales de ces holdings animatrices sont toutes ou non des PME exerçant des activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles et ayant leur siège dans ces mêmes Etats.
6. Toutefois, cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objectif poursuivi par la loi, laquelle tend notamment à favoriser l'investissement et à concentrer l'épargne soit de manière directe, soit au travers de certaines sociétés holdings, dans les petites et moyennes entreprises françaises et européennes exerçant une activité opérationnelle, et repose en outre sur des critères objectifs et rationnels au regard du but poursuivi par le législateur. Il en est de même de la différence de traitement entre contribuables selon qu'ils cèdent des PME européennes répondant à la définition de holdings animatrices ou des PME européennes exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, résultant de ce que seules les holdings animatrices sont soumises à l'exigence que l'ensemble de leurs filiales exercent ces mêmes types d'activités et aient leur siège dans l'Union européenne ou les autres Etats européens citées au point précédent. Par suite, ne peuvent être regardés comme sérieux les griefs tirés de ce que les dispositions en litige méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
7. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Il n'y a dès lors pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Sur le recours pour excès de pouvoir :
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A..., qui ne soulèvent à l'appui de leur requête aucun moyen autre que celui tiré de ce que les commentaires administratifs attaqués réitèreraient une disposition législative portant atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision de refus d'abrogation de ces commentaires.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A....
Article 2 : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C... et B... A..., au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.