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23/07/2024 | FRANCE | N°496208

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 juillet 2024, 496208


Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de A..., statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise à son encontre le 2 juillet 2024 par le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Par une ordonnance n° 2402156 du 5 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de A... a rejeté sa demande.



Par une requête, enregistrée le 22

juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au...

Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de A..., statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prise à son encontre le 2 juillet 2024 par le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Par une ordonnance n° 2402156 du 5 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de A... a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 5 juillet 2024 du juge des référés du tribunal administratif de A... ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 juillet 2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'arrêté contesté l'empêche de mener une vie professionnelle et familiale normale ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, à sa liberté d'entreprendre, à la liberté d'enseignement ainsi qu'à son droit à l'égal accès à l'instruction, dès lors que la mesure contestée l'empêche de rendre visite à sa famille, de poursuivre normalement ses études et d'exercer un emploi estival ;

- il ne constitue plus une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et n'entretient aucune relation avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ;

- la mesure contestée est disproportionnée dès lors que le contrôle judiciaire dont il fait l'objet satisfait déjà l'objectif de sauvegarde de l'ordre public poursuivi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. 2. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation. (...) Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre (...) ".

3. Il résulte de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de A... que, par une décision du 2 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pris à l'encontre de M. C... B..., sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance aux termes de laquelle celui-ci a interdiction de se déplacer sans autorisation préalable en dehors de la métropole de A... pendant trois mois excepté sur autorisation préalable écrite, et l'astreint à se présenter quotidiennement au commissariat de police de A..., d'autre part, lui interdit de paraître dans certains quartiers de A... les 4 et l2 juillet 2024 à partir de midi, en raison, respectivement, de l'arrivée d'une étape du Tour de France et du passage de la flamme olympique.

4. Pour rejeter les conclusions présentées par M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de lever cette mesure, le juge des référés du tribunal administratif a estimé que l'intéressé, né en 2004, présentait une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics, en relevant qu'il s'est manifesté dès l'âge de seize ans sur les réseaux sociaux par des messages exprimant son adhésion à la doctrine de l'islam radical et des mouvements djihadistes, qu'ont été découverts à son domicile en juin 2023 des couteaux et des répliques d'armes à feu, et, sur son téléphone et son ordinateur, des vidéogrammes montrant des crimes et sévices perpétrés par les membres de l'organisation de l'Etat islamique ou célébrant le meurtrier de Samuel Paty. M. B... a partagé ces contenus dans des groupes de discussion et s'est lui-même mis en scène dans deux vidéogrammes, l'un proférant des menaces de mort à l'encontre des juifs, des " croisés " et des " mécréants ", l'autre expliquant, sous forme de tutoriel, comment procéder à un égorgement. Le juge des référés a également relevé que le requérant, qui avait revendiqué un niveau élevé de radicalisation lors de son interpellation en novembre 2023 et était par ailleurs entré en contact avec des individus actifs dans la propagation des thèses islamistes a été reconnu coupable d'apologie publique de terrorisme entre novembre 2021 et juin 2022 par jugement du tribunal pour enfants de A... du 1er février 2024.

5. Les moyens présentés à l'appui de la présente requête, tirés de la jeunesse de l'intéressé qui expliquerait un comportement de révolte et de confrontation à l'interdit, de sa prise de conscience à la suite de la procédure pénale et, du caractère relativement ancien des faits ne permettent pas de remettre en cause ces constatations. Par suite, il est manifeste que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant la mesure litigieuse, dont la durée, dans un contexte marqué par un risque élevé d'attentat terroriste pendant la période des jeux olympiques et paralympiques mais également par la montée de la menace terroriste en raison du conflit israélo-palestinien, n'est pas disproportionnée, le ministre de l'intérieur et des outre-mer aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir ou au droit au respect de sa vie privée et familiale, sans que l'existence d'une mesure de contrôle judiciaire comportant une obligation de présentation seulement hebdomadaire soit suffisante pour remettre en cause cette appréciation. Il n'est pas plus fondé à soutenir que la mesure contestée, dont il est lui est possible de demander un aménagement, porterait une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'entreprendre ainsi qu'à son droit de poursuivre des études.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de M. B... doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... B....

Fait à Paris, le 23 juillet 2024

Signé : Nicolas Boulouis


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 496208
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2024, n° 496208
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:496208.20240723
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