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09/07/2024 | FRANCE | N°495089

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 juillet 2024, 495089


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat professionnel Mobilians demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2024-444 du 17 mai 2024 portant application de l'article 3 de la loi n° 2023-479 du 21 juin 2023 visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat professionnel Mobilians demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2024-444 du 17 mai 2024 portant application de l'article 3 de la loi n° 2023-479 du 21 juin 2023 visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, le décret contesté préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts des professionnels des secteurs de la moto, du contrôle technique, de l'enseignement de la conduite et de la sécurité routière ainsi qu'à la situation des salariés-bénéficiaires du compte personnel de formation (CPF) et, d'autre part, il porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à l'intérêt général en matière de sécurité routière ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- le décret contesté est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas été pris sur le rapport ou avec l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 518-3 du code monétaire et financier ;

- en limitant la mobilisation du CPF à l'obtention du seul premier permis de conduire en matière de véhicules terrestres à moteur du groupe léger, ce décret méconnaît des dispositions de l'article 3 de la loi n° 2023-479 du 21 juin 2023 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il prévoit une telle limite, dès lors, d'une part, que l'ampleur des demandes de mobilisation du CPF au début de l'année 2024 est conjoncturelle et, d'autre part, qu'il n'y a aucun risque sérieux de déstabilisation du dispositif du CPF ;

- il méconnaît le principe d'égalité et le principe de non-discrimination en ce qu'il interdit le financement d'un second permis de conduire créant une rupture d'égalité entre les salariés-bénéficiaires du CPF avant et après le 19 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2023-479 du 21 juin 2023 ;

- le code monétaire et financier ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. Mobilians demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution du décret du 17 mai 2024 portant application de l'article 3 de la loi n° 2023-479 du 21 juin 2023 visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire, qui modifie l'article D. 6323-8 du code du travail, en y insérant des dispositions qui définissent les conditions et les modalités d'éligibilité au compte personnel de formation (CPF) de la préparation aux épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire.

4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache à suspendre le décret contesté, le syndicat professionnel requérant fait valoir que ce décret, en ce qu'il subordonne la mobilisation des droits inscrits sur le CPF pour le financement d'une préparation aux épreuves d'un permis de conduire des véhicules terrestres à moteur du groupe léger autre que le permis de la catégorie BE à la condition que le titulaire du compte ne dispose pas d'un permis de conduire en cours de validité sur le territoire national, préjudicie de manière grave et immédiate, en premier lieu, aux intérêts des professionnels du secteur de l'enseignement de la conduite et de la sécurité routière, qui vont selon lui faire face à des abandons de candidats inscrits alors qu'ils avaient fait des investissements parfois lourds pour répondre à la demande créée par ce mode de financement. La formulation de cette hypothèse et la production d'attestations de ces professionnels relatives aux investissements qu'ils ont effectués pour la préparation du permis moto, sans autre précision sur les risques financiers allégués, ne sauraient caractériser l'existence d'une situation d'urgence. Il en va de même des allégations générales selon lesquelles, d'une part, le fait de ne pas permettre le financement par le CPF d'un second permis de conduire porterait une atteinte grave et immédiate à la situation des salariés bénéficiaires, en entravant leur reconversion professionnelle, d'autre part, le fait de ne pas exclure du dispositif les salariés dont un permis de conduire a été retiré pour perte de points serait contraire à l'intérêt public en matière de sécurité.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué, que la condition d'urgence ne peut être regardée, en l'espèce, comme remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de Mobilians, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 de ce code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mobilians est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mobilians.

Copie en sera adressée au Premier ministre et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 495089
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2024, n° 495089
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:495089.20240709
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