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09/07/2024 | FRANCE | N°494806

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 juillet 2024, 494806


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui attribuer, ainsi qu'à sa famille, un hébergement, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2402518 du 16 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Par une requête, enregistrée le 4 juin 2024 au secrétariat ...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui attribuer, ainsi qu'à sa famille, un hébergement, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2402518 du 16 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de réformer l'ordonnance du 16 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui attribuer ainsi qu'à sa famille un hébergement d'urgence, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- que sa requête est recevable ;

- que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, elle est contrainte de vivre à la rue dans une extrême précarité avec son conjoint et ses deux enfants mineurs en bas-âge et, d'autre part, elle souffre de plusieurs affections longue durée invalidantes nécessitant la poursuite d'un traitement sans interruption et un suivi médical régulier ;

- qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de sa famille à l'hébergement d'urgence, à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, au droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants ainsi qu'au droit au respect de la dignité humaine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2024, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement conclut au non-lieu à statuer. Elle indique que la requérante et sa famille se maintiennent, depuis la notification de la fin de leur prise en charge, dans l'hébergement où ils avaient été mis à l'abri.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B... et, d'autre part, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 18 juin 2024, à 15 heures :

- Me Robillot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... ;

- les représentantes de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 19 juin 2024 à 12 heures puis au 20 juin 2024 à 12 heures.

Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2024, présenté par la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, qui persiste dans ses conclusions à fin de non-lieu.

Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2024, présenté par Mme B..., qui, dans l'hypothèse d'un non-lieu, persiste dans ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse ". Ce dispositif de veille sociale est, en Île-de-France, en vertu de l'article L. 345-2-1, mis en place à la demande et sous l'autorité du représentant de l'Etat dans la région sous la forme d'un dispositif unique. Aux termes de l'article L. 345-2-2 : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. / Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. / L'hébergement d'urgence prend en compte, de la manière la plus adaptée possible, les besoins de la personne accueillie (...) ". Aux termes de l'article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) / 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 3, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée

4. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'attestation, en date du 19 juin 2024, émanant de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités des Alpes-Maritimes, que, conformément aux déclarations, lors de l'audience, des représentantes de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, Mme B... est à nouveau hébergée, depuis le 18 juin 2019, avec ses deux enfants et leur père, dans les conditions définies aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code, dans les lieux où ils s'étaient maintenus depuis la notification de la fin de leur prise en charge au 8 mai 2024, et où ils pourront demeurer jusqu'à ce qu'une nouvelle orientation adaptée à leur situation et à leurs besoins puisse leur être proposée, en fonction des résultats de l'accompagnement social que la famille s'est engagée à suivre. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... dirigées contre l'ordonnance attaquée, qui tendaient à la reprise, dans les conditions ainsi décrites, de cet hébergement d'urgence.

5. Il y a toutefois lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... dirigées contre l'ordonnance du 16 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Nice.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... ainsi qu'à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494806
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2024, n° 494806
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494806.20240709
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