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08/07/2024 | FRANCE | N°470155

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 08 juillet 2024, 470155


Vu la procédure suivante :



La société Vermilion Moraine et la société Hess Oil France, aux droits de laquelle est venue en cours d'instance la société Vermilion Louise, ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre du redressement productif ont rejeté leurs demandes de mutation et de prolongation du permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis de Leudon-en-

Brie " dont était titulaire la société Toréador Energy France et d'enjoindr...

Vu la procédure suivante :

La société Vermilion Moraine et la société Hess Oil France, aux droits de laquelle est venue en cours d'instance la société Vermilion Louise, ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre du redressement productif ont rejeté leurs demandes de mutation et de prolongation du permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis de Leudon-en-Brie " dont était titulaire la société Toréador Energy France et d'enjoindre aux ministres d'autoriser la mutation et la prolongation du permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux sollicitées.

Par un jugement n° 1700215 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et enjoint à l'administration d'accorder la prolongation du permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux au profit de la seule société Vermilion Moraine pour une durée de cinq ans, à compter du 8 août 2012.

Par un arrêt n°s 20BX00940, 20BX01019 du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les appels formés, d'une part, par le ministre de la transition écologique et solidaire, d'autre part, par les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise, contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 2 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition énergétique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code minier ;

- la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 ;

- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Vermilion Moraine et autre ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 juin 2024, présentée par la société Vermilion Moraine et autre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 23 juillet 2008, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a accordé à la société Toreador Energy France le permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis de Leudon-en-Brie ", pour une superficie de 105 km2 portant sur les départements de la Marne et de la Seine-et-Marne, et une durée de quatre ans. Par une lettre du 21 octobre 2010, la société Toreador Energy France, devenue postérieurement la société Zaza Energy France puis la société Vermilion Moraine, et la société Hess Oil France, devenue postérieurement la société Vermilion Louise, ont demandé, conjointement et solidairement, la mutation de ce permis exclusif de recherche à leur profit. Par une lettre du 5 avril 2012, ces mêmes sociétés ont sollicité, conjointement et solidairement, la prolongation de ce permis exclusif de recherche pour une durée de cinq ans. Par un arrêté du 19 décembre 2013, le ministre du redressement productif et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ont rejeté ces demandes. Par un jugement du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté et enjoint à l'administration de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une décision de prolongation de ce permis exclusif de recherches au profit de la société Vermilion Moraine pour une période de cinq ans à compter du 8 août 2012. Par un arrêt du 8 novembre 2022, contre lequel la ministre de la transition énergétique se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les appels formés, d'une part, par le ministre de la transition écologique et solidaire et, d'autre part, par les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise contre ce jugement. Par la voie du pourvoi incident, les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise demandent l'annulation de cet arrêt en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de leurs demandes.

Sur le pourvoi principal de la ministre de la transition énergétique :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 143-1 du code minier : " La mutation d'un permis exclusif de recherches de mines ou d'une concession de mines est autorisée par l'autorité administrative sans mise en concurrence (...) ". Aux termes de l'article L. 143-2 du même code : " Nul ne peut être autorisé à devenir par mutation titulaire d'un titre minier s'il ne satisfait aux conditions exigées pour obtenir un titre de même nature ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. / Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes ". Les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 163-1 à L. 163-9 de ce code sont, notamment, la sécurité et la salubrité publiques, la protection de l'environnement et du patrimoine et les intérêts agricoles des sites et lieux affectés par les travaux et installations afférents à la recherche minière qui fait l'objet de la demande.

3. D'autre part, aux termes de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain : " Afin de justifier de ses capacités techniques, le demandeur d'un titre fournit à l'appui de sa demande, outre les documents mentionnés, selon le cas, aux articles 17 ou 24 : / a) Les titres, diplômes et références professionnelles des cadres de l'entreprise chargés de la conduite et du suivi des travaux d'exploration ou d'exploitation de mines ou de la conduite des travaux de recherches, de création, d'essais, d'aménagement et d'exploitation de stockage souterrain ; / b) La liste des travaux d'exploration ou d'exploitation de mines ou des travaux de recherches, de création, d'essais, d'aménagement et d'exploitation de stockage souterrain auxquels l'entreprise a participé au cours des trois dernières années, accompagnée d'un descriptif sommaire des travaux les plus importants ; / c) Un descriptif des moyens humains et techniques envisagés pour l'exécution des travaux. / d) En Guyane, lorsque la demande porte sur un espace compris dans les zones 1 ou 2 du schéma départemental d'orientation minière, la justification de l'adhésion à une charte des bonnes pratiques approuvée par le représentant de l'Etat et du respect de celle-ci. / Le demandeur peut être invité à apporter des précisions complémentaires sur les éléments d'information et les pièces mentionnés au présent article ". Les dispositions du a) de cet article visent le personnel que la société ou le groupement candidats à la délivrance ou à la mutation d'un permis exclusif de recherches emploient directement ou qu'un engagement de leur maison mère ou d'une société tierce met à leur disposition.

4. Pour juger que la société Hess Oil France devait être regardée comme justifiant des capacités techniques requises pour que soit autorisée la mutation à son profit du permis exclusif de recherches en litige, la cour administrative d'appel a notamment relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le dossier de demande détaillait les compétences et carrières de dix salariés de la société Hess Corporation, société mère de la société Hess Oil France, immatriculée aux Etats-Unis, et les travaux d'exploration et de production auxquels cette dernière société avait participé au cours des trois années passées, qu'il ressortait de l'avis du directeur régional et interdépartemental de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France du 22 juin 2012 que la société Hess Oil France disposait de personnels faisant montre de compétences techniques évidentes et qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait que la société pétitionnaire dût justifier, dans le cadre d'une demande de mutation d'un permis exclusif de recherches, des contrats de travail de ces personnels, ni n'imposaient qu'ils soient employés en propre et non par la société mère. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En deuxième lieu, si la cour s'est notamment fondée, ainsi qu'il vient d'être dit, sur l'avis du directeur régional et interdépartemental de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France du 22 juin 2012 pour juger que la société Hess Oil France devait être regardée comme justifiant des capacités techniques requises pour que soit autorisée la mutation à son profit du permis exclusif de recherches en litige, elle ne s'est pas pour autant méprise sur la compétence de l'autorité ministérielle chargée de statuer sur la demande de mutation du permis exclusif de recherche. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que la cour aurait entaché son arrêt d'une erreur de droit, d'une inexacte qualification juridique des faits de l'espèce et de dénaturation des pièces du dossier en se fondant principalement sur cet avis pour juger que la société Hess Oil France disposait des capacités techniques suffisantes ne peuvent qu'être écartés.

6. En troisième lieu, après avoir retenu, comme il vient d'être dit, que la société Hess Oil France devait être regardée comme justifiant des capacités techniques requises pour que soit autorisée la mutation à son profit du permis exclusif de recherches en litige, la cour, statuant sur les conclusions à fin d'injonction, a pu juger, sans entacher son arrêt de contradiction de motifs, que les éléments versés au dossier, insuffisamment probants ou relatifs à la société Hess Oil France, ne permettaient pas de retenir que la société Vermilion Louise justifiait pour sa part des capacités techniques et financières pour se voir attribuer le bénéfice du permis exclusif de recherches en litige.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Lorsque l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt implique normalement, eu égard aux motifs de ce jugement ou de cet arrêt, une mesure dans un sens déterminé, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions sur le fondement des dispositions précitées, de statuer sur ces conclusions en tenant compte, le cas échéant après une mesure d'instruction, de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si, au vu de cette situation de droit et de fait, il apparaît toujours que l'exécution du jugement ou de l'arrêt implique nécessairement une mesure d'exécution, il incombe au juge de la prescrire à l'autorité compétente.

8. Pour juger que c'était à bon droit que le tribunal administratif de Pau avait enjoint à l'administration de délivrer une prolongation du permis exclusif de recherches en litige à la seule société Vermilion Moraine et rejeté les demandes tendant à la délivrance d'une autorisation de mutation et de prolongation de ce permis exclusif de recherches au profit de la société Vermilion Louise, la cour a notamment retenu qu'il ne résultait pas de l'instruction que cette dernière société justifiait, à la date du jugement attaqué, des conditions requises par l'article L. 122-2 du code minier et que le tribunal ne pouvait ignorer, en statuant sur la demande d'injonction à la date à laquelle il se prononçait, la circonstance qu'à cette date une des deux sociétés pétitionnaires n'existait plus en tant que telle. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En outre, s'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Toreador Energy France, devenue postérieurement la société Vermilion Moraine, et la société Hess Oil France, devenue postérieurement la société Vermilion Louise, ont, par courrier du 5 avril 2012, sollicité, conjointement et solidairement, la prolongation du permis exclusif de recherches en litige, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que c'était à bon droit que le tribunal administratif de Pau, ayant retenu que la société Vermilion Moraine remplissait seule les conditions posées par l'article L. 142-1 du code minier pour obtenir la prolongation de droit de ce permis, avait enjoint à l'administration de délivrer la prolongation à cette seule société.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la transition énergétique n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur le pourvoi incident des sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise :

11. Pour juger que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau avait rejeté la demande tendant à la délivrance d'une autorisation de mutation du permis exclusif de recherches en litige au profit de la société Vermilion Louise, la cour a souverainement retenu, ainsi qu'il a été dit, que les éléments avancés par ces sociétés et tenant à la justification des capacités techniques et financières de la société Vermilion Louise, qui avait succédé à la société Hess Oil France, étaient insuffisants pour établir que cette société satisfaisait, à la date du jugement attaqué, aux conditions posées par l'article L. 122-2 du code minier pour se voir attribuer le bénéfice du permis exclusif de recherches en litige. En statuant ainsi, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point sans l'entacher d'une contradiction de motifs, n'a pas commis d'erreur de droit.

12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions incidentes des sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise doivent être rejetées.

Sur les conclusions des sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la ministre de la transition énergétique et le pourvoi incident des sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées par les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la société Vermilion Moraine et à la société Vermilion Louise.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 8 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470155
Date de la décision : 08/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

40-01-01 MINES ET CARRIÈRES. - MINES. - RECHERCHE DES MINES. - MUTATION D’UN PERMIS EXCLUSIF DE RECHERCHES – CONDITION TENANT À CE QUE LE BÉNÉFICIAIRE POSSÈDE LES CAPACITÉS TECHNIQUES ET FINANCIÈRES NÉCESSAIRES POUR MENER À BIEN LES TRAVAUX (ART. L. 122-2 DU CODE MINIER) – PORTÉE.

40-01-01 Aucune disposition législative ou règlementaire n’impose qu’une société sollicitant la mutation à son profit d’un permis exclusif de recherches minières justifie, pour établir qu’elle dispose des capacités techniques requises pour que cette mutation soit autorisée, des contrats de travail des personnels ayant ces compétences ou qu’ils soient employés en propre et non par sa société mère.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2024, n° 470155
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470155.20240708
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