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27/06/2024 | FRANCE | N°494809

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 juin 2024, 494809


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin, 10 juin et 14 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision prise lors de la session du 20 et 21 mars 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des vétérinaires (CNOV) a rejeté son recours formé contre la décis

ion du 23 novembre 2023 du conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin, 10 juin et 14 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision prise lors de la session du 20 et 21 mars 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des vétérinaires (CNOV) a rejeté son recours formé contre la décision du 23 novembre 2023 du conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires (CROV) décidant que la suspension d'exercice de sa profession interviendrait du 28 juillet 2024 au 30 avril 2025 ;

2°) de mettre à la charge du CNOV la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée le prive de son droit d'exercer sa profession à compter du 28 juillet 2024 jusqu'au 30 avril 2025 et, par suite, de tout revenu professionnel, ce qui l'empêchera de faire face à ses charges fixes tant personnelles que professionnelles et aura d'importantes répercussions sur le fonctionnement et la viabilité de sa société vétérinaire ainsi que sur la continuité des soins aux animaux ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée, faute de répondre à ses demandes tendant, d'une part, à ce que la décision du conseil régional de l'ordre des vétérinaires d'Occitanie soit suspendue dans l'attente de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, saisie de la question de la révocation automatique du sursis en matière disciplinaire vétérinaire, et d'autre part, à ce que la période de suspension soit décalée au 1er janvier 2025 afin de lui permettre de disposer d'un délai pour céder sa clinique vétérinaire ;

- elle a été rendue en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations orales devant le CNOV lors de sa session des 20 et 21 mars 2023 ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que la durée de la suspension fixée ne prend pas en compte la période de suspension déjà exécutée ;

- elle méconnaît le droit à un recours effectif, le droit à un tribunal, le principe de légalité des délits et des peines et le principe d'individualisation des peines dès lors qu'il n'est pas procédé à un examen des circonstances propres à sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le CNOV a refusé de différer la période d'exécution de la suspension alors que, d'une part, la Cour européenne des droits de l'homme a admis la recevabilité de son recours et, d'autre part, un délai supplémentaire lui est nécessaire pour organiser la cession de sa clinique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2024, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-1017/1018 du 21 octobre 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B... et, d'autre part, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 14 juin 2024, à 11 heures :

- Me Colin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;

- Me Rousseau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des vétérinaires ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au mardi 18 juin à 18 heures.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes de l'article L. 242-7 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction alors applicable : " I.- La chambre de discipline peut appliquer aux personnes physiques les sanctions disciplinaires suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° La réprimande ; / 3° La suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans sur tout ou partie du territoire national, assortie ou non d'un sursis partiel ou total. Cette sanction entraîne l'inéligibilité de l'intéressé à un conseil de l'ordre pendant toute la durée de la suspension ; / 4° La radiation du tableau de l'ordre. / La chambre de discipline peut, à titre complémentaire, interdire à la personne sanctionnée de faire partie d'un conseil de l'ordre pendant un délai qui ne peut excéder dix ans. / (...) / III.- Si, dans un délai de cinq ans à compter de la date de la notification d'une sanction assortie d'un sursis, dès lors que cette sanction est devenue définitive, la chambre de discipline prononce une nouvelle suspension du droit d'exercer la profession, la sanction assortie du sursis devient exécutoire sans préjudice de l'application de la nouvelle sanction. / (...) ".

3. Aux termes des III et V de l'article R. 242-89 du code rural et de la pêche maritime : " III- La décision prononçant l'omission temporaire ou la radiation est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou par tout moyen présentant des garanties équivalentes, à l'intéressé (...). / La notification mentionnée au précédent alinéa précise que la décision peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil national de l'ordre des vétérinaires dans un délai de deux mois à compter de sa notification " et " V- Le recours mentionné au deuxième alinéa du III est suspensif. Le Conseil national statue dans les conditions prévues au IV de l'article R. 242-88 ". Le IV de l'article R. 242-88 dispose que " dès l'enregistrement du recours, le président du conseil national le communique au conseil régional, qui lui adresse sans délai la décision contestée, le dossier complet sur lequel il s'est prononcé ainsi que ses observations écrites. / Le président désigne un rapporteur parmi les membres du conseil national et en informe l'auteur du recours et le conseil régional intéressé ainsi que, le cas échéant, toute autre personne intéressée. Ceux-ci sont également informés des dates auxquelles ils peuvent consulter le dossier au siège du conseil national. Ils sont invités à présenter leurs explications écrites ou orales au rapporteur, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui doit leur parvenir quinze jours au moins avant la date fixée par celui-ci pour la réception ou l'audition de ces observations. Cette lettre indique qu'ils peuvent se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix, le conseil régional ne pouvant être représenté que par un de ses membres ou par un avocat. / Le conseil statue dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande ". Aux termes de l'article R. 242-109 du même code : " Lorsqu'une décision de suspension du droit d'exercer est devenue définitive, le conseil régional de l'ordre dans le ressort duquel se trouve le domicile professionnel administratif du vétérinaire ou des sociétés vétérinaires sanctionnées détermine les conditions d'exécution de cette décision et en particulier les dates de cette suspension, et en informe sans délai les personnes énumérées à l'article R. 242-108. / Pendant la période de suspension, le vétérinaire ne peut se faire remplacer, sauf : / - dans les conditions de remplacement prévues aux articles R. 5142-24 à R. 5142-28 du code de la santé publique et à l'article R. 5142-60 du même code ; / - ou dans les conditions prévues par une décision spéciale et motivée du conseil de l'ordre chargé de déterminer les conditions d'exécution de la décision de la chambre de discipline ".

4. Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2022-1017/1018 du 21 octobre 2022, il résulte des dispositions de l'article L. 242-7 du code rural et de la pêche maritime citées au point 2 que le sursis partiel ou total qui peut assortir une sanction de suspension du droit d'exercer la profession de vétérinaire prononcée, en cas de manquement aux obligations légales, réglementaires et déontologiques auxquelles est soumise cette profession, par la juridiction disciplinaire des vétérinaires constitue une mesure de suspension de l'exécution de la peine. La sanction de suspension du droit d'exercer cette profession assortie en totalité d'un sursis ou la partie de la sanction de suspension assortie d'un tel sursis devient automatiquement exécutoire, sauf à ce qu'elle ne soit pas définitive, lorsque la juridiction disciplinaire des vétérinaires prononce, au cours du délai d'épreuve de cinq ans, une nouvelle sanction de suspension. En ce cas, il appartient, en application des dispositions de l'article R. 242-109 du code rural et de la pêche maritime citées au point 3, au conseil régional de l'ordre des vétérinaires dans le ressort duquel se trouve le domicile professionnel administratif du vétérinaire en cause et, s'il est saisi d'un recours administratif contre la décision du conseil régional, au Conseil national de l'ordre des vétérinaires, de déterminer les conditions d'exécution de la partie assortie du sursis de la première sanction de suspension, en particulier les dates de cette suspension.

Sur le litige en référé :

5. Il résulte de l'instruction que la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires a, par une décision du 23 octobre 2019 devenue définitive, infligé à M. B... la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une durée d'un an sur tout le territoire national assortie d'un sursis partiel pour neuf mois, puis, par une décision du 14 avril 2021, également devenue définitive, infirmant en partie la mesure prise par la chambre de discipline régionale, lui a infligé une nouvelle peine de suspension temporaire d'exercer la profession pour une durée de trois mois, dont deux assortis du sursis. Par une décision du 20 janvier 2022, le conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires a fixé les dates d'exécution de la sanction de la suspension du droit d'exercer la profession de vétérinaire infligée par la décision du 14 avril 2021 de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires et a retenu, à ce titre, après avoir également pris en compte la révocation de la partie assortie d'un sursis de la sanction de suspension infligée par la décision du 23 octobre 2019, que son droit d'exercer sa profession serait suspendu du 1er juillet 2022 au 30 avril 2023. Par une décision du 26 avril 2022, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires, statuant sur le recours formé par M. B... contre la décision du conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires, a confirmé les dates de suspension fixées par ce dernier. A la suite de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 464975 du 4 octobre 2023 rejetant sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, prise lors de sa session du 26 avril 2022, rejetant son recours contre la décision du 20 janvier 2022 du conseil régional d'Occitanie, ce dernier a, par décision du 23 novembre 2023, fixé une nouvelle fois les dates de suspension d'exercice de l'intéressé, en tenant compte de l'exécution partielle de la sanction, à la durée complémentaire de 9 mois et 4 jours du 28 juillet 2024 au 30 avril 2025. M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision prise lors de la session du Conseil national de l'ordre des vétérinaires des 20 et 21 mars 2024 par laquelle cette instance ordinale a rejeté son recours formé contre la décision du 23 novembre 2023 du conseil régional d'Occitanie de l'ordre des vétérinaires.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M. B..., la décision en litige du Conseil national de l'ordre des vétérinaires comporte l'énoncé de l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquels s'est fondé le Conseil national de l'ordre. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'un défaut de motivation n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité.

7. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction que, par courrier du 21 février 2024, le rapporteur du Conseil national de l'ordre des vétérinaires a invité M. B... et son avocat à lui faire parvenir des observations avant le 12 mars 2024 et a informé l'appelant de la possibilité de faire part de ses observations orales lors d'une réunion qui se tiendra à cette même date par visioconférence. Lors de cette réunion, le conseil de M. B... a indiqué ne pas avoir d'éléments supplémentaires à verser au dossier. Si l'intéressé a par ailleurs demandé à pouvoir présenter des observations orales devant le Conseil national de l'ordre des vétérinaires, les dispositions applicables à la procédure en cause, notamment l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, ne l'imposent pas lorsque, comme en l'espèce, l'autorité investie du pouvoir de décision, avant de se prononcer, a pris connaissance de l'ensemble des observations formulées par le requérant. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire, faute pour ce dernier d'avoir pu être entendu par l'instance ordinale nationale, n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité.

8. En troisième lieu, la décision attaquée se borne à déterminer les dates d'exécution de la sanction de suspension d'exercice de la profession de médecin vétérinaire infligée par les décisions de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires des 23 octobre 2019 et 14 avril 2021. Dès lors qu'elle n'inflige pas une sanction à M. B..., les moyens tirés de ce qu'elle aurait été prise en méconnaissance des principes de légalité des délits et d'individualisation des peines, faute pour le Conseil national de l'ordre des vétérinaires d'avoir procédé à un examen des circonstances propres à la situation du requérant ne sont, en tout état de cause, pas de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité.

9. En quatrième et dernier lieu, si M. B... reproche au Conseil national de l'ordre des vétérinaires d'avoir entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de différer la période d'exécution de la sanction de suspension d'exercice de son activité de vétérinaire alors que, d'une part, il avait demandé un report de la suspension dans l'attente de l'arrêt de la Cour européenne statuant sur le recours formé contre la sanction qui lui a été infligée et, d'autre part, il avait sollicité un différé de la période d'exécution de la sanction afin de pouvoir céder sa clinique vétérinaire, ce moyen n'est pas davantage de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que les conclusions de la requête de M. B... doivent être rejetées, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.

Fait à Paris, le 27 juin 2024

Signé : Benoît Bohnert


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494809
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2024, n° 494809
Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494809.20240627
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