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25/06/2024 | FRANCE | N°494876

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 juin 2024, 494876


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Savencia Ressources Laitières et la société Savencia SA demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger le point I de l'article D. 551-34 du code rural et de la pêche maritime ;



2°)

d'enjoindre au Premier ministre, d'une part, de réexaminer, à la lumière des motifs de l'ordon...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Savencia Ressources Laitières et la société Savencia SA demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger le point I de l'article D. 551-34 du code rural et de la pêche maritime ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre, d'une part, de réexaminer, à la lumière des motifs de l'ordonnance à intervenir, la demande des sociétés Savencia Ressources Laitières et Savencia SA et, d'autre part, de suspendre l'application de ces dispositions jusqu'au prononcé de la décision au fond ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'en contraignant les producteurs à ne pouvoir démissionner de l'organisation de producteurs à laquelle ils adhérent que dans les conditions prévues par les statuts de celle-ci et à ne pas pouvoir la quitter lorsqu'ils le souhaitent, les dispositions de l'article D. 551-34 du code rural et de la pêche maritime, d'une part, sont manifestement contraires à la liberté d'association reconnue par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et, d'autre part, portent atteinte aux intérêts économiques des sociétés Savencia Ressources Laitières et Savencia SA ainsi qu'à leur liberté contractuelle ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- les dispositions de l'article D. 551-34 du code rural et de la pêche maritime, en tant qu'elles privent les producteurs membres d'une organisation de producteurs organisée sous la forme d'une association de présenter leur démission avant l'expiration d'un délai minimal de cinq ans, portent atteinte à la liberté d'association dès lors qu'aucune disposition du droit interne ou du droit de l'Union européenne n'écarte l'application du principe de liberté d'association ou y prévoit des dérogations en ce qui concerne les organisations de producteurs constituées sous la forme d'association.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Les sociétés requérantes demandent à titre principal au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger le point I de l'article D. 551-34 du code rural et de la pêche maritime aux termes duquel " La durée minimale d'adhésion des membres producteurs de l'organisation de producteurs ou de l'association d'organisations de producteurs est de cinq ans renouvelables. " et d'enjoindre au Premier ministre de suspendre l'application de cette disposition jusqu'au prononcé d'une décision au fond.

3. Les sociétés requérantes, qui ne sont ni producteur, ni organisation de producteurs ou association d'organisation de producteurs au sens de cet article, font valoir que le comité de règlement des différends commerciaux agricoles prévu par l'article L. 631-28-1 du même code a, par une décision du 19 février 2024 dans un différend qui les oppose à l'association d'organisation de producteurs de lait Sunlait, d'une part, interprété l'article D. 551-34 comme prévoyant que les producteurs ne peuvent démissionner de l'organisation de producteurs à laquelle ils adhèrent que dans les conditions prévues par les statuts de celle-ci, et d'autre part, ordonné le maintien du contrat conclu entre Savencia et les organisations de producteurs de l'association Sunlait au-delà de son terme. Elles soutiennent que cette prolongation par le comité de règlement des différends serait illégale, que l'article D. 551-34 ainsi interprété serait également illégal et que la situation qui en découle porte atteinte à leurs intérêts économiques et aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne dans des conditions telles que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative serait satisfaite.

4. Toutefois, les éléments mis en avant par les sociétés requérantes, de nature selon elles à voir remplie la condition d'urgence, ne sont pas liés au refus d'abroger l'article D. 551-34 dont elles demandent la suspension mais aux effets de la décision de règlement de différend du 19 février 2024 précitée. Or, conformément à l'article L. 631-28-4 du code rural et de la pêche maritime, une décision du comité de règlement des différends commerciaux agricoles est susceptible de recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris, et le premier président de la cour d'appel de Paris peut ordonner son sursis à exécution notamment si elle est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué, que la condition d'urgence ne peut être regardée, en l'espèce, comme remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête des Savencia Ressources Laitières et Savencia SA, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 de ce code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société Savencia Ressources Laitières et de la société Savencia SA est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Savencia Ressources Laitières et à la société Savencia SA.

Fait à Paris, le 25 juin 2024

Signé : Stéphane Hoynck


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494876
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2024, n° 494876
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494876.20240625
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