Vu la procédure suivante :
Mme D... B..., M. A... B... et M. E... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de la décision du 30 janvier 2024 portant arrêt des thérapeutiques actives dont bénéficie leur mère, Mme C... B..., prise par l'équipe médicale du service de réanimation de l'hôpital Tenon, établissement relevant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), au sein duquel cette dernière est hospitalisée, et la poursuite des thérapeutiques actives, en deuxième lieu, d'ordonner une expertise médicale portant sur l'état de santé de Mme C... B..., en troisième lieu, d'ordonner à l'AP-HP la communication de l'entier dossier médical de Mme C... B... à la personne de confiance, Mme D... B..., dans un délai de huit jours à compter de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, en dernier lieu, d'écarter des débats la pièce n° 19 produite par l'AP-HP. Par une ordonnance n° 2402714 du 31 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif a, d'une part, rejeté les conclusions aux fins de suspension et d'injonction de la requête et, d'autre part, mis à la charge définitive de Mme D... B..., M. A... B... et M. E... B... les frais de l'expertise médicale portant sur l'état de santé de Mme C... B....
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 et 17 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 31 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance.
Elle soutient que :
- l'ordonnance du 31 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est entachée d'irrégularité dès lors que le rapport d'expertise ne comporte pas l'expertise d'un médecin réanimateur permettant d'apporter un éclairage médical suffisant sur la situation de Mme C... B... ;
- la condition d'urgence est satisfaite ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie, au droit au respect de la vie privée, à la liberté de pensée, de conscience et de religion et au droit de consentir un traitement médical de Mme C... B... ;
- la procédure d'arrêt des thérapeutiques méconnaît l'article R. 4127-37-2 du code de la santé publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2024, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme D... B... et, d'autre part, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 19 juin 2024, à 10 heures :
- Mme B... ;
- la représentante de Mme B... ;
- les représentantes de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B..., fille de Mme C... B..., relève appel de l'ordonnance du 31 mai 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en formation collégiale, a, d'une part, rejeté les conclusions aux fins de suspension de l'exécution de la décision du 30 janvier 2024 portant arrêt des thérapeutiques actives dont bénéficie Mme C... B..., prise par l'équipe médicale du service de réanimation de l'hôpital Tenon, établissement relevant de l'Assistance-publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), au sein duquel cette dernière est hospitalisée, et la poursuite des thérapeutiques actives et tendant à ce qu'il soit ordonné à l'AP-HP la communication de l'entier dossier médical de Mme C... B... à Mme D... B... et, d'autre part, mis à la charge définitive de Mme D... B..., M. A... B... et M. E... B... les frais de l'expertise médicale portant sur l'état de santé de Mme C... B....
Sur l'office du juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. " Ces dispositions législatives confèrent au juge des référés, qui statue, en vertu de l'article L. 511-1 du même code par des mesures qui présentent un caractère provisoire le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d'évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales.
3. Toutefois, il appartient au juge des référés d'exercer ses pouvoirs de manière particulière lorsqu'il est saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une décision, prise par un médecin, dans le cadre défini par le code de la santé publique, et conduisant à arrêter ou à ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement qui apparaît inutile ou disproportionné ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, dans la mesure où l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Il doit alors prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, qui sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable.
Sur le cadre juridique du litige :
4. Aux termes de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique : " Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. (...) " L'article L. 1110-2 de ce code dispose que : " La personne malade a droit au respect de sa dignité. "
5. Aux termes de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. (...) " Aux termes de l'article L. 1110-5-1 du ce code : " Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire. (...) " Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 1110-5-2 du même code : " (...) Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l'obstination déraisonnable mentionnée à l'article L. 1110-5-2, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie. (...) " Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 1111-4 du même code : " (...) Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. (...) "
6. Par ailleurs, l'article L. 1111-11 du même code dispose que : " Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'acte médicaux. / À tout moment et par tout moyen, elles sont révisables et révocables. Elles peuvent être rédigées conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu'elle se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle les rédige. / Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. / La décision de refus d'application des directives anticipées, jugées par le médecin manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, est prise à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire et est inscrite au dossier médical. Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches. (...) "
7. Enfin, selon l'article R. 4127-37-1 du même code : " I. - Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin en charge du patient est tenu de respecter la volonté exprimée par celui-ci dans des directives anticipées, excepté dans les cas prévus aux II et III du présent article. / II.- En cas d'urgence vitale, l'application des directives anticipées ne s'impose pas pendant le temps nécessaire à l'évaluation complète de la situation médicale. / III.- Si le médecin en charge du patient juge les directives anticipées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale, le refus de les appliquer ne peut être décidé qu'à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1111-11. Pour ce faire, le médecin recueille l'avis des membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et celui d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, avec lequel il n'existe aucun lien de nature hiérarchique. Il peut recueillir auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient. / IV. - En cas de refus d'application des directives anticipées, la décision est motivée. Les témoignages et avis recueillis ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient. / La personne de confiance, ou, à défaut, la famille ou l'un des proches du patient est informé de la décision de refus d'application des directives anticipées. " Aux termes de l'article R. 4127-37-2 du même code : " I. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement respecte la volonté du patient antérieurement exprimée dans des directives anticipées. " Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés, au titre du refus d'une obstination déraisonnable, ne peut être prise qu'à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1110-5-1 et dans le respect des directives anticipées et, en leur absence, après qu'a été recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient. / II. - Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. (...) / La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale. / III. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. / Lorsque la décision de limitation ou d'arrêt de traitement concerne un mineur ou une personne faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, le médecin recueille en outre l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou de la personne chargée de la mesure, selon les cas, hormis les situations où l'urgence rend impossible cette consultation. / IV. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est motivée. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. La volonté de limitation ou d'arrêt de traitement exprimée dans les directives anticipées ou, à défaut, le témoignage de la personne de confiance, ou de la famille ou de l'un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient ". Selon l'article R. 4127-42 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement. Si le mineur est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision, son consentement doit également être recherché. (...) "
8. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, ainsi que de l'interprétation que le Conseil constitutionnel en a donnée dans sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, qu'il appartient au médecin en charge d'un patient, lorsque celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté, d'arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu'à l'issue d'une procédure collégiale, destinée à l'éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d'un arrêt du traitement.
9. Pour l'application de ces dispositions, la ventilation mécanique ainsi que l'alimentation et l'hydratation artificielles sont au nombre des traitements susceptibles d'être arrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable. Cependant, la seule circonstance qu'une personne soit dans un état irréversible d'inconscience ou, à plus forte raison, de perte d'autonomie la rendant tributaire d'un tel mode de suppléance des fonctions vitales ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l'obstination déraisonnable.
10. Pour apprécier si les conditions d'un arrêt des traitements de suppléance des fonctions vitales sont réunies s'agissant d'un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu'en soit l'origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscience minimale le mettant hors d'état d'exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend de ce mode d'alimentation et d'hydratation, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité. Les éléments médicaux doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état depuis la survenance de l'accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique.
11. Une attention particulière doit être accordée à la volonté que le patient peut avoir exprimée, par des directives anticipées ou sous une autre forme. A défaut de directives anticipées, le médecin doit prendre sa décision après consultation de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille et de ses proches ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs.
Sur le litige en référé :
12. Il résulte de l'instruction que Mme C... B..., âgée de soixante-cinq ans, qui est atteinte d'un cavernome cérébral diagnostiqué en 2022, a été prise en charge le 2 novembre 2023 aux urgences de l'hôpital Tenon, établissement relevant de l'AP-HP, pour des vertiges associés à des céphalées et des vomissements ainsi qu'une dysarthrie. Elle y a subi plusieurs examens médicaux, dont un angioscanner cérébral, révélant de multiples lésions du parenchyme cérébral, avant d'être transférée en unité d'hospitalisation de courte durée. Le 2 novembre 2023, à 22 heures 38, Mme C... B... a été victime d'un arrêt cardio-respiratoire, lequel a nécessité, après sédation, la réalisation d'une intubation orotrachéale, avec sonde d'intubation, ventilation mécanique et support vasopresseur, avant son admission au sein du service de " médecine intensive réanimation " de l'hôpital Tenon. Le 21 novembre 2023, en l'absence d'évolution clinique favorable, elle a été transférée dans le service de neuro-réanimation de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour une évaluation neuro-pronostique, laquelle a mis en évidence qu'elle était consciente malgré une tétraparésie sévère. Durant son séjour à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Mme C... B... n'a montré aucun signe de ventilation spontanée. Le 4 décembre 2023, elle a été de nouveau transférée au sein du service de " médecine intensive réanimation " de l'hôpital Tenon. Le 12 décembre 2023, un bilan diagnostique et pronostique a été réalisé et a conclu que Mme C... B... présentait à cette date un lourd déficit neurologique à la fois moteur, sensoriel et très vraisemblablement cognitif persistant plus de trois semaines après son arrêt cardio-respiratoire. Mme C... B... étant toujours intubée près de quatre-vingt-dix jours après son admission au sein du service de réanimation de l'hôpital Tenon, l'équipe médicale a décidé, le 30 janvier 2024, lors d'une réunion collégiale pluridisciplinaire selon la procédure prévue à l'article R. 4127-37-2 du code de la santé publique, de l'arrêt des thérapeutiques actives avec extubation sans réintubation ni trachéotomie, après avoir relevé son évolution défavorable sur le plan neurologique, avec un état de handicap lourd et une dépendance complète liée à un état de conscience minimal sans code de communication, l'absence de ventilation spontanée prolongée avec une dépendance complète au ventilateur et une spasticité musculaire majeure des quatre membres en rapport avec le syndrome tétrapyramidal compliquée de douleurs lors des mobilisations et les multiples complications de décubitus liées au séjour prolongé en réanimation, et notamment des infections, des escarres et un état de dénutrition. Cette décision, dont la mise en œuvre était initialement prévue le 9 février 2024, a été portée à la connaissance de la famille le 2 février 2024.
13. Il résulte également de l'instruction, et des échanges intervenus au cours de l'audience publique tenue par le juge des référés du Conseil d'Etat, que les enfants de Mme B... s'opposent à la mise en œuvre de cette décision. Ils font valoir que les examens pratiqués ont révélé que leur mère demeure consciente, malgré sa perte de motricité, et qu'ils ont mis en place un système de codes qui leur permet de communiquer avec elle. Ils soutiennent qu'elle est capable de répondre à diverses commandes, notamment de bouger les mains et de hocher la tête, et qu'elle serait en mesure d'être plus réactive encore, n'était le protocole de prise en charge de la douleur lourd qui lui est appliqué par l'équipe médicale. Ils font valoir que Mme B... a clairement manifesté son opposition à l'arrêt de la ventilation artificielle et que son état de douleur est en voie d'amélioration.
14. En l'état de l'instruction il est nécessaire avant que le Conseil d'Etat statue sur l'appel dont il est saisi, que soit ordonnée une expertise médicale, confiée à deux praticiens disposant de compétences reconnues l'un en neurosciences et l'autre en médecine physique et de réadaptation, aux fins de se prononcer, après avoir examiné la patiente, rencontré l'équipe médicale et le personnel soignant en charge de cette dernière ainsi que ses proches, sur l'état actuel de Mme B..., et de donner au Conseil d'Etat toutes indications utiles, en l'état de la science, sur les perspectives d'évolution qu'il pourrait connaître. Ces experts seront désignés par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
15. L'exécution de la décision du 30 janvier 2024 d'arrêt des traitements est suspendue jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé, une fois la mesure d'instruction énoncée au point précédent mise en œuvre. Les autres conclusions en demande et en défense sont réservées.
O R D O N N E :
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Article 1er : Avant de statuer sur la requête, il sera procédé par deux médecins, désignés par le président de la section du contentieux, à une expertise, diligentée de manière contradictoire, aux fins :
- de décrire l'état clinique actuel de Mme C... B... ;
- de déterminer si cette patiente est susceptible de percevoir la douleur hors traitement et d'évaluer ses perspectives d'évolution vers un état de conscience moins altéré ;
- de se prononcer sur le caractère irréversible de ses lésions cérébrales et sur le pronostic clinique.
Article 2 : Les experts devront procéder à l'examen de Mme B..., rencontrer l'équipe médicale et le personnel soignant en charge de cette dernière ainsi que sa famille, et prendre connaissance de l'ensemble de son dossier médical. Ils pourront consulter tous documents, procéder à tous examens ou vérifications utiles et entendre toute personne compétente. Ils accompliront leur mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative et rendront leur rapport commun avant le 5 juillet 2024.
Article 3 : La décision du 30 janvier 2024 de limitation des soins apportés à Mme B... est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... B... et à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 juin 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Nathalie Escaut et M. Alain Seban, conseillers d'Etat, juges des référés.
Fait à Paris, le 19 juin 2024
Signé : Rémy Schwartz