La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°473965

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 19 juin 2024, 473965


Vu la procédure suivante :



La société à responsabilité limitée Les Jardins Fleury a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Donnery (Loiret) à lui verser la somme de 2 716 656 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune. Par un jugement n° 1801266 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.



Par un arrêt n°

20VE03262 du 9 mars 2023, la cour administrative de Versailles a rejeté l'appel formé par l...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée Les Jardins Fleury a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Donnery (Loiret) à lui verser la somme de 2 716 656 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune. Par un jugement n° 1801266 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 20VE03262 du 9 mars 2023, la cour administrative de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Les Jardins Fleury contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mai et 10 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Jardins Fleury demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Donnery la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Les Jardins Fleury et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la commune de Donnery ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 octobre 2008, le maire de Donnery a délivré à la société Les Jardins Fleury un permis d'aménager un lotissement destiné à la construction de quinze maisons d'habitation sur des parcelles situées en zone AUg du plan local d'urbanisme. Après acquisition des terrains le 5 mars 2009, la société a déposé le 21 avril 2010 une déclaration d'achèvement des travaux d'aménagement. Par un jugement du 25 mai 2010, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la délibération du 22 novembre 2007 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Donnery au motif que la création d'un sous-secteur AUg en limite de la zone Ng, à la seule fin d'accueillir un lotissement, était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un courrier du 22 décembre 2017, la société Les Jardins Fleury a demandé au maire de Donnery, qui lui a opposé un refus le 6 février 2018, de l'indemniser du préjudice financier résultant selon elle de l'illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 et tenant aux dépenses engagées pour l'aménagement du lotissement et à l'impossibilité de procéder à la valorisation des terrains par leur vente, du fait de leur caractère inconstructible. Par un jugement du l6 octobre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société Les Jardins Fleury tendant à la condamnation de la commune à la réparation de ce préjudice. La société Les Jardins Fleury se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le fait générateur de la créance dont la société requérante se prévalait était l'illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Donnery. En jugeant que ni les courriers, au demeurant antérieurs au 1er janvier 2011, date à laquelle la prescription quadriennale a recommencé à courir à la suite du jugement du 25 mai 2010 annulant cette délibération, par lesquels le maire de la commune puis le préfet ont pris position sur la possibilité, notamment au bénéfice de la cristallisation pendant cinq ans des dispositions d'urbanisme prévue par l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme en cas d'autorisation de lotissement, de délivrer des permis de construire en dépit de cette annulation, lesquels se bornent à évoquer les conséquences de cette annulation sans mentionner une quelconque créance, ni les différents arrêtés par lesquels le maire a, entre 2011 et 2013, délivré ou refusé de délivrer des permis de construire sur ces terrains et les courriers de 2011 par lesquels le préfet a fait connaître les suites qu'il entendait y donner dans le cadre du contrôle de légalité ne pouvaient être regardés comme se prononçant, au sens de l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1968, sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement de la créance litigieuse et ainsi comme ayant été susceptibles d'avoir interrompu le cours de la prescription quadriennale en application de ces dispositions, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le seul fait générateur de sa créance invoqué par la société requérante devant le tribunal administratif était l'illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 approuvant le plan local d'urbanisme de Donnery, les prises de position du maire et du préfet quant à la constructibilité des terrains du lotissement n'étant invoquées qu'à l'appui de son moyen tiré de l'absence de prescription de sa créance. Par suite, en jugeant que la société requérante ne pouvait se prévaloir d'un nouveau fait générateur constitué par le caractère fluctuant de ces prises de positions, qu'elle invoquait pour la première fois en appel, la cour, qui s'est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation, ne s'est pas méprise sur la portée de ses écritures de première instance et n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En troisième lieu, la cour ayant, comme il a été dit, jugé que la créance dont se prévalait la société requérante était prescrite, cette dernière ne saurait utilement soutenir que la cour aurait inexactement qualifié les faits de la cause en jugeant, de façon surabondante, qu'elle ne justifiait pas d'un lien de causalité direct et certain entre son préjudice et l'illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 dont elle se prévalait.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les Jardins Fleury n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Les Jardins Fleury une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Donnery au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Donnery, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Les Jardins Fleury est rejeté.

Article 2 : La société Les Jardins Fleury versera à la commune de Donnery une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Les Jardins Fleury et à la commune de Donnery.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 juin 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 19 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473965
Date de la décision : 19/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

18-04-02 COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET. - DETTES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE. - RÉGIME DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1968. - INTERRUPTION PAR UNE COMMUNICATION ÉCRITE D’UNE ADMINISTRATION SE PRONONÇANT SUR LE FAIT GÉNÉRATEUR, L'EXISTENCE, LE MONTANT OU LE PAIEMENT DE LA CRÉANCE (ART. 2) [RJ1] – CAS D’UNE CRÉANCE DONT LE FAIT GÉNÉRATEUR EST L’ILLÉGALITÉ DE LA DÉLIBÉRATION APPROUVANT LE PLU – COURRIERS FAISANT ÉTAT DE LA POSSIBILITÉ DE DÉLIVRER DES PERMIS MALGRÉ L’ANNULATION DU PLU AINSI QUE DES SUITES DONNÉES AU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ – ABSENCE – ARRÊTÉS ACCEPTANT OU REFUSANT DE DÉLIVRER DES PERMIS – ABSENCE.

18-04-02 Société se prévalant d’une créance dont le fait générateur est l’illégalité fautive d’une délibération approuvant le plan local d’urbanisme (PLU) d’une commune. ...Une cour administrative d’appel ne qualifie pas inexactement les faits qui lui étaient soumis en jugeant que ni les courriers, au demeurant antérieurs à la date à laquelle la prescription quadriennale a recommencé à courir à la suite du jugement ayant annulé cette délibération, par lesquels le maire de la commune puis le préfet ont pris position sur la possibilité, notamment au bénéfice de la cristallisation pendant cinq ans des dispositions d’urbanisme prévue par l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme en cas d’autorisation de lotissement, de délivrer des permis de construire en dépit de cette annulation, lesquels se bornent à évoquer les conséquences de cette annulation sans mentionner une quelconque créance, ni les différents arrêtés par lesquels le maire a délivré ou refusé de délivrer des permis de construire sur ces terrains et des courriers par lesquels le préfet a fait connaître les suites qu’il entendait y donner dans le cadre du contrôle de légalité ne peuvent être regardés comme se prononçant, au sens de l’article 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, sur le fait générateur, l’existence, le montant ou le paiement de la créance litigieuse et ainsi comme ayant été susceptibles d’avoir interrompu le cours de la prescription quadriennale en application de ces dispositions.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2024, n° 473965
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473965.20240619
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award