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18/06/2024 | FRANCE | N°494781

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 juin 2024, 494781


Vu la procédure suivante :

La Section française de l'observatoire international des prisons (OIP-SF) et l'Association pour la défense des droits des détenus (A3D) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre sous astreinte de 500 euros par jour de retard, au garde des sceaux, ministre de la justice ou à toute autre autorité administrative compétente :

- d'assurer au sein du centre pénitentiaire de Saint-Etienne - La Talaudiè

re un cloisonnement conforme aux standards de taille retenus dans le cad...

Vu la procédure suivante :

La Section française de l'observatoire international des prisons (OIP-SF) et l'Association pour la défense des droits des détenus (A3D) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre sous astreinte de 500 euros par jour de retard, au garde des sceaux, ministre de la justice ou à toute autre autorité administrative compétente :

- d'assurer au sein du centre pénitentiaire de Saint-Etienne - La Talaudière un cloisonnement conforme aux standards de taille retenus dans le cadre de ses programmes de rénovation, en matériau léger mais rigide, dans l'ensemble des cellules du bâtiment A du quartier de la maison d'arrêt des hommes pour lesquelles les travaux de rénovation ne sont pas prévus à court terme ;

- de doter immédiatement les toilettes qui en sont dépourvues d'une porte fonctionnelle et garante de l'intimité des personnes détenues ainsi que de procéder immédiatement à la réparation de toutes les cloisons de toilettes détériorées ;

- de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un nettoyage et un entretien réguliers et suffisants des cours de promenade du bâtiment A de la maison d'arrêt et de leurs abords ;

- de prendre toutes les dispositions pour équiper immédiatement les cours principales de promenade d'abris, de bancs et d'installations légères d'exercice physique ;

- de procéder à la fermeture du quartier disciplinaire de l'établissement dans l'attente de sa réhabilitation ou, à défaut, de prendre immédiatement, en fonction de l'état de chaque cellule, les mesures nécessaires et adéquates pour garantir un nettoyage régulier et suffisant des sols, murs, plafonds, fenêtres et sanitaires et, si besoin, entreprendre des travaux de réfection de tout ou partie desdites cellules et installations sanitaires pour assurer leur conformité avec le principe de dignité humaine ;

- de procéder au recensement et à la vérification des appareils et équipements défectueux dans chaque cellule et procéder, si besoin, à leur réparation ou à leur remplacement dans les plus brefs délais ;

- de procéder, en priorité, au remplacement ou au traitement des objets et équipements dangereux se trouvant en cellule (mobilier ou équipements cassés) et engager les travaux de sécurisation nécessaires à la protection de la vie et de la santé des personnes détenues ;

- de faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et de procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et, dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues ;

- de procéder à la réparation ou au changement des fenêtres défectueuses des cellules, en particulier celles du bâtiment A et celles du quartier maison d'arrêt des femmes ;

- de prendre toute mesure pour garantir le bon fonctionnement du chauffage dans toutes les cellules de l'établissement ;

- de procéder à des opérations de rénovation rapide et de nettoyage dans les cellules dont les murs et plafonds sont massivement et fortement détériorés ou insalubres ;

- de prendre, dans les plus brefs délais, des mesures d'organisation du service, ou toute autre mesure, permettant aux personnes détenues d'accéder à des installations sanitaires lorsqu'elles sont placées dans les salles d'attente de l'unité sanitaire ;

- de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la propreté des installations sanitaires collectives du bâtiment A ;

- de procéder à la rénovation durable des locaux de douches collectives du quartier maison d'arrêt des femmes et du " petit quartier " et de procéder à leur entretien et nettoyage régulier ;

- d'équiper la cour de promenade du quartier des arrivants d'un abri, de bancs, d'installations permettant l'exercice physique et de téléphones en état de fonctionnement ;

- de notifier à toute personne soumise à un régime exorbitant de fouilles intégrales la décision écrite de lui appliquer un tel régime ;

- de prendre toutes mesures pour faire immédiatement cesser les comportements contraires à la déontologie observés chez certains membres du personnel ;

- de faire diligenter une enquête interne de l'établissement sur le comportement des surveillants ;

- de modifier l'aménagement des locaux de parloirs, notamment ceux du quartier des femmes, afin de garantir des conditions minimales d'intimité aux personnes détenues qui reçoivent des visites ;

- de mettre fin au refus systématique du chef d'établissement de délivrer un permis de visite aux victimes de violences intrafamiliales ainsi qu'à l'interdiction de tout contact épistolaire ou téléphonique, en l'absence de décision judiciaire d'interdiction de contact, et de procéder à un examen individualisé de ces demandes ;

- de réviser et de clarifier le régime d'autorisation du téléphone afin de garantir un traitement identique et égal entre les hommes et les femmes, exempt de toute condition non exigée par la législation.

Par une ordonnance n° 2403507 du 15 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, après avoir admis l'intervention du Syndicat des avocats de France, a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice d'équiper dans les meilleurs délais la cour de promenade du quartier des arrivants du centre pénitentiaire de Saint-Etienne - La Talaudière de bancs et d'abris permettant aux détenus de se protéger des intempéries et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OIP-SF et l'A3D demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte, au garde des sceaux, ministre de la justice, toute mesure de nature à sauvegarder les droits fondamentaux des personnes détenues au centre pénitentiaire de Saint-Etienne - La Talaudière, et notamment de :

- assurer un cloisonnement conforme aux standards de taille retenus dans le cadre de ses programmes de rénovation, en matériau léger mais rigide, dans l'ensemble des cellules du bâtiment A du QMAH pour lesquelles les travaux de rénovation ne sont pas prévus à court terme ;

- doter immédiatement les toilettes qui en sont dépourvues d'une porte fonctionnelle et garante de l'intimité des personnes détenues ainsi que procéder immédiatement à la réparation de toutes les cloisons de toilettes détériorées ;

- prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un nettoyage et un entretien réguliers et suffisants des cours de promenade du bâtiment A de la maison d'arrêt et de leurs abords ;

- prendre, toutes les dispositions pour équiper immédiatement les cours principales de promenade d'abris, de bancs et d'installations légères d'exercice physique ;

- procéder à la fermeture du quartier disciplinaire de l'établissement dans l'attente de sa réhabilitation ou, à défaut, de prendre immédiatement, en fonction de l'état de chaque cellule, les mesures nécessaires et adéquates pour garantir un nettoyage régulier et suffisant des sols, murs, plafonds, fenêtres et sanitaires et, si besoin, entreprendre des travaux de réfection de tout ou partie de ces cellules et installation sanitaires pour assurer leur conformité avec le principe de dignité humaine ;

- procéder à la réparation ou au changement des fenêtres défectueuses des cellules, en particulier celles du bâtiment A et celles du quartier maison d'arrêt des femmes ;

- prendre, dans les plus brefs délais, des mesures d'organisation du service, ou toute autre mesure, permettant aux personnes détenues d'accéder, en cas de besoin, à des installations sanitaires lorsqu'elles sont placées dans les salles d'attente de l'unité sanitaire ;

- procéder à la rénovation durable des locaux de douches collectives du quartier maison d'arrêt des femmes et du petit quartier et procéder à leur entretien et nettoyage régulier ;

- équiper la cour de promenade du quartier des arrivants notamment d'un abri, de bancs, d'installations permettant l'exercice physique, et de téléphones en état de fonctionnement ;

- modifier l'aménagement des locaux de parloirs, notamment ceux du quartier des femmes, afin de garantir des conditions minimales d'intimité aux personnes détenues qui reçoivent des visites ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit des personnes détenues à la vie, au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants ainsi qu'au droit au respect de la vie privée ;

- deux injonctions formulées par l'ordonnance du 15 mai 2024 du juge des référés du Conseil d'Etat, relatives au cloisonnement provisoire des toilettes du bâtiment A et à l'installation d'abris dans les cours de promenades principales du centre pénitentiaire de Saint-Etienne - La Talaudière, n'ont pas été entièrement exécutées par l'administration, plus d'un an après leur prononcé ;

- la séparation entre l'espace sanitaire et le reste de la cellule n'est garantie que par une cloison ou une porte-battante mi-hauteur dans le bâtiment A et dans les cellules du quartier des femmes, en méconnaissance des exigences découlant de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales imposant un cloisonnement total garantissant l'intimité des personnes détenues ;

- les cours de promenade présentent un état de saleté préoccupant ;

- les cellules et les sanitaires du quartier disciplinaire sont insalubres alors même qu'ils accueillent des détenus vulnérables ;

- les fenêtres de certaines cellules, particulièrement vétustes, sont en mauvais état d'entretien, portant ainsi atteinte à la santé et au confort des personnes détenues ;

- les locaux de la salle d'attente de l'unité sanitaire sont, en dépit d'une rénovation, sales et mal entretenues ;

- le déplacement aux toilettes des personnes installées en salle d'attente n'est pas assuré de manière satisfaisante par l'administration ;

- les douches collectives du quartier des femmes et du " petit quartier ", mal entretenues, vétustes et dysfonctionnelles, doivent être rénovées ;

- les parloirs du quartier des femmes ne permettent aucune intimité lorsque les personnes détenues reçoivent de la visite.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code pénitentiaire ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. La Section française de l'Observatoire international des prisons (SF-OIP) et l'Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, d'ordonner diverses mesures pour faire cesser des atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au centre pénitentiaire de Saint-Etienne - La Talaudière. Par une ordonnance nos 2403507 du 15 mai 2024, le juge des référés de ce tribunal a fait très partiellement droit à leur demande en enjoignant au garde des sceaux, ministre de la justice, d'équiper, dans les meilleurs délais, la cour de promenade du quartier des arrivants du centre pénitentiaire de bancs et d'abris permettant aux détenus de se protéger des intempéries et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La SF-OIP et l'A3D relèvent appel de cette ordonnance en ce qu'elle n'a pas intégralement fait droit à leur demande et demandent qu'il soit ordonné, au garde des sceaux, ministre de la justice, sous astreinte, toute mesure de nature à sauvegarder les droits fondamentaux des personnes détenues au centre pénitentiaire de Saint-Etienne - La Talaudière, notamment des mesures destinées à assurer le cloisonnement des sanitaires dans certaines cellules, l'installation de divers équipements dans les cours de promenade, la lutte contre l'amoncellement des déchets aux abords des cours de promenade, la réparation ou le remplacement de fenêtres dans certaines cellules, le nettoyage et l'entretien des salles d'attente de l'unité sanitaire, l'amélioration des conditions matérielles de détention dans les cellules du quartier disciplinaire, la rénovation des douches collectives du quartier maison d'arrêt des femmes (QMAF) et du " petit quartier " et l'aménagement des locaux du parloir du QMAF.

3. Les conclusions présentées par les associations requérantes sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en dépit de la référence qui est faite à l'inexécution ou au retard d'exécution de la décision n° 472994 du 15 mai 2023 par laquelle le juge des référés du Conseil d'Etat a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de prendre diverses mesures provisoires destinées à l'amélioration des conditions de détention au sein du centre pénitentiaire de Saint-Etienne - La Talaudière afin de faire cesser des atteintes graves et manifestement illégales à des libertés fondamentales, ne constituent pas une demande d'exécution de cette ordonnance mais doivent être regardées comme tendant à ce que cessent de nouvelles atteintes à ces libertés ou la réitération d'atteintes antérieures.

Sur le cloisonnement des sanitaires dans les cellules du quartier hommes du bâtiment A et du quartier des femmes :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction conduite par le juge du référé du tribunal administratif que, dans l'attente de la rénovation complète des quelque 84 cellules restantes du quartier maison d'arrêt des hommes (QMAH) du bâtiment A, réparties sur trois étages, l'administration pénitentiaire, en exécution d'ailleurs de la précédente décision du 15 mai 2023 du juge des référés du Conseil d'Etat, a entrepris d'assurer l'intimité des sanitaires avec des cloisons provisoires et des portes dans les cellules non encore rénovées du bâtiment A. Il résulte également de cette instruction que n'ont pas été ou n'ont pu être aménagées, même à titre provisoire, les cellules des auxiliaires à chacun des étages, deux cellules du 3ème étage en raison de leur configuration et la cellule 309 occupée par un seul détenu. Si les associations requérantes critiquent en appel le caractère partiel et insatisfaisant des aménagements mis en place, les éléments photographiques et les témoignages qu'elles produisent ne permettent pas de constater, au regard des moyens dont elle dispose et du caractère provisoire de ces aménagements dans l'attente de la rénovation des cellules, une carence de l'administration qui exposerait, de manière caractérisée, les personnes détenues à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté fondamentale.

5. En second lieu, les associations font état de ce qu'à la suite d'une visite du centre pénitentiaire, le 24 mai dernier, soit postérieurement à l'ordonnance attaquée, la députée de la circonscription a constaté une insuffisance du cloisonnement des sanitaires dans certaines cellules du quartier maison d'arrêt des femmes (MAQF), lequel se trouve par ailleurs situé dans un bâtiment distinct du bâtiment A. Toutefois, le juge des référés du tribunal administratif n'ayant pas été saisi d'une demande d'injonction sur ce point, ces conclusions présentées pour la première fois en appel sont, en tout état de cause, irrecevables.

Sur l'installation d'équipements dans les cours de promenade :

6. En premier lieu, les associations requérantes soutiennent que les cours principales de promenade ne sont toujours pas équipées d'abris en cas d'intempéries, alors même que ces équipements, commandés par l'administration, auraient été reçus. Toutefois, ces circonstances ne suffisent pas à révéler que le retard allégué dans la pose des abris constituerait une carence de l'administration, - laquelle s'est d'ailleurs engagée à les installer prochainement -, qui, dans les circonstances de l'espèce, exposerait, de manière caractérisée, les personnes détenues à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté fondamentale. Par ailleurs, ces associations n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause les appréciations du premier juge qui, pour écarter l'existence d'une carence de l'administration dans la pose de bancs ou d'équipements légers d'exercice physique dans les cours de promenade principales, a constaté qu'ils y avaient été installés.

7. En second lieu, s'agissant plus spécifiquement de la cour de promenade du quartier des arrivants, si l'ordonnance attaquée a fait droit à la demande d'injonction relative à l'installation de bancs et d'abris, elle a rejeté celle relative à l'installation d'équipements légers d'exercice physique et de téléphones compte tenu en particulier de la courte durée de la détention dans ce quartier. En se bornant à soutenir en appel, de manière générale, que de tels équipements seraient néanmoins nécessaires pour atténuer " le choc carcéral " et que la période de détention dans ce quartier peut atteindre, en dépit de son caractère temporaire, dans certains cas 21 jours, les associations requérantes n'apportent pas d'élément de nature à remettre en cause les appréciations retenues par le premier juge sur ce point.

Sur la lutte contre l'amoncellement des déchets aux abords des cours de promenade :

8. Il résulte de l'instruction qu'en dépit des efforts déployés par l'administration, conformément d'ailleurs à l'injonction qui lui en avait été faite dans la précédente décision du juge des référés du Conseil d'Etat du 15 mai 2023, non seulement pour mettre à la disposition des personnes détenues des sacs poubelles relevés quotidiennement et les informer de la nécessité de ne pas jeter leurs détritus par les fenêtres dans les lieux de vie et de promenade, mais aussi pour procéder de manière renforcée chaque semaine à un nettoyage des cours de promenade et de leurs abords les plus accessibles ainsi que, de manière plus exceptionnelle, à un nettoyage des dispositifs les plus difficiles d'accès, les pratiques de jets d'immondices se poursuivent spécialement dans les cours du bâtiment A, compte tenu en particulier du profil de la population qui y est détenue, ainsi que cela avait déjà été noté dans l'ordonnance précitée du 15 mai 2023. Si, lors de sa visite en mai dernier, la députée de la circonscription a pu constater le renouvellement d'un amoncellement de déchets aux abords des cours de promenade en dépit des travaux de nettoyage effectués peu de temps auparavant, cette seule circonstance, quoique particulièrement déplorable, ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge et à révéler, compte tenu des moyens dont elle dispose face à une population carcérale en partie réfractaire, une carence de l'administration qui exposerait, dans les circonstances de l'espèce, de manière caractérisée, les personnes détenues à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Sur le remplacement ou la réparation des fenêtres des cellules :

9. Il résulte de l'instruction menée devant le juge des référés du tribunal administratif que l'administration pénitentiaire procède, en tant que de besoin, au remplacement des fenêtres défectueuses ou cassées à la demande des personnes détenues en faisant notamment appel à un prestataire et que les autres fenêtres des cellules sont remplacées dans le cadre du programme de rénovation en cours des cellules. S'il est constant, ainsi qu'en témoignent notamment les pièces produites par les associations requérantes devant le juge d'appel, que certaines fenêtres notamment du quartier des femmes présentent un état de vétusté avéré, en revanche, les associations requérantes n'apportent pas d'éléments de nature à remettre en cause les appréciations du premier juge et à révéler, compte tenu des moyens dont elle dispose, une carence de l'administration qui exposerait, dans les circonstances de l'espèce, de manière caractérisée, les personnes détenues notamment dans le bâtiment A et le quartier des femmes à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté fondamentale.

Sur les salles d'attente de l'unité sanitaire :

10. Il ne résulte ni de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif ni des pièces nouvelles produites en cause d'appel, en particulier à la suite de la visite en mai dernier de la députée de la circonscription, que l'état d'entretien de la salle d'attente de l'unité sanitaire serait tel qu'il exposerait, de manière caractérisée, les personnes détenues devant y patienter à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté fondamentale. Les associations requérantes n'apportent, en outre, aucun élément de nature à remettre en cause les appréciations portées par le premier juge s'agissant des mesures prises par l'administration pour assurer que les personnes détenues installées dans la salle d'attente de l'unité sanitaire puissent, le cas échéant, être conduites aux sanitaires.

Sur les conditions matérielles de détention dans les cellules du quartier disciplinaire :

11. En premier lieu, ainsi que l'a retenu le premier juge, il n'entre pas dans l'office du juge du référé, qui ne peut, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, prendre que des mesures présentant un caractère provisoire, de prononcer une mesure de fermeture du quartier disciplinaire de l'établissement dans l'attente de sa réhabilitation, laquelle se rattache, en l'espèce, à une mesure d'ordre structurel insusceptible d'être mise en œuvre à très bref délai.

12. En second lieu, il résulte de l'instruction conduite par le juge du référé du tribunal administratif que les 8 cellules du quartier disciplinaire ont été rénovées entre février et avril 2024 ainsi qu'en attestent les photographies produites. Il ressort également des pièces produites à la suite de la visite du centre pénitentiaire par la députée de la circonscription postérieurement à l'ordonnance attaquée, que l'état d'hygiène de ces cellules se dégrade du fait de leur fréquentation par les personnes qui y sont détenues. Toutefois, ce constat ne suffit pas à révéler l'existence d'une carence caractérisée de l'administration dans la remise de ces cellules dans un état satisfaisant d'entretien et de propreté avant toute nouvelle occupation. Les associations requérantes n'apportent ainsi, en l'état de l'instruction, aucun élément de nature à remettre en cause les appréciations portées par le premier juge pour écarter l'existence d'une carence de l'administration susceptible d'exposer, de manière caractérisée, les personnes qui sont détenues dans les cellules du quartier disciplinaire à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté fondamentale.

Sur les douches collectives du quartier des femmes et du " petit quartier " :

13. Il ne résulte ni de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif ni des pièces nouvelles produites en cause d'appel, en particulier à la suite de la visite en mai dernier de la députée de la circonscription, qu'en dépit de l'état de vétusté de certaines douches collectives, notamment au quartier des femmes et dans le " petit quartier ", leur entretien serait tel qu'il exposerait, de manière caractérisée, les personnes détenues qui les utilisent à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté fondamentale. En outre, et ainsi que l'a retenu le premier juge, leur rénovation durable relève de mesures structurelles qu'il n'appartient pas, eu égard à son office, au juge du référé de pouvoir prononcer sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

Sur l'aménagement des locaux du parloir du quartier des femmes :

14. Les associations requérantes n'apportent, en cause d'appel, aucun élément de nature à remettre en cause les appréciations qui ont conduit le premier juge à rejeter leur demande injonction relative à l'aménagement des locaux du parloir du quartier des femmes.

15. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, il apparaît manifeste, au vu de la requête, que celle-ci est mal fondée. Celle-ci doit, par suite, être rejetée sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, ainsi que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la Section française de l'observatoire international des prisons et de l'Association pour la défense des droits des détenus est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Section française de l'observatoire international des prisons, première requérante dénommée.

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice.

Fait à Paris, le 18 juin 2024

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494781
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2024, n° 494781
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494781.20240618
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