La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2024 | FRANCE | N°494948

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 14 juin 2024, 494948


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Essonne, à titre principal, de ne pas procéder à son éloignement et de mettre fin à sa rétention administrative et, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait éloigné du territoire français avant l'intervention du juge des référés, d'organiser par tout moyen son retour en France sans d

élai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astrei...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Essonne, à titre principal, de ne pas procéder à son éloignement et de mettre fin à sa rétention administrative et, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait éloigné du territoire français avant l'intervention du juge des référés, d'organiser par tout moyen son retour en France sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2413211 du 25 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 25 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision d'éloignement du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères d'organiser par tout moyen son retour sur le territoire français à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard aux risques de mauvais traitements auxquels il est exposé en Tunisie, du fait des accusations de terrorisme portées contre lui ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- il subit des traitements inhumains et dégradants depuis son incarcération en Tunisie ;

- la décision contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il a établi en France le centre de ses intérêts matériels et moraux ;

- elle porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir, en le contraignant illégalement à se rendre en Tunisie, ainsi qu'à son droit à la sûreté dès lors que sa rétention en centre administratif était injustifiée ;

- elle est illégale et méconnaît son droit à un recours effectif en ce qu'elle fait obstacle à l'exécution de l'ordonnance n° 2411934 du 24 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ayant suspendu l'exécution de la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer portant interdiction administrative du territoire à son encontre.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 11 juin 2024, le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti), l'association La Cimade et La Ligue des droits de l'Homme demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de la requête. Ils soutiennent que leur intervention est recevable et s'associent aux moyens exposés dans la requête de M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile :

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) " En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte de l'instruction menée devant le juge des référés du tribunal administratif que M. B..., ressortissant tunisien né le 14 août 1986, est entré une première fois en France, selon ses dires, fin 2018. Interpellé le 12 avril 2021, alors qu'il faisait l'objet d'un signalement pour terrorisme, il a été éloigné à destination de la Tunisie le 23 avril 2021, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français prise le 15 avril 2021. Il affirme avoir été emprisonné et subi de mauvais traitements lors de son retour dans son pays, en raison des accusations de terrorisme portées à son encontre par les autorités françaises. Revenu en France en décembre 2022, il a été interpelé lors d'un contrôle routier le 26 avril 2024, à la suite de quoi il a de nouveau été éloigné vers la Tunisie où il aurait de nouveau été emprisonné et en butte à de mauvais traitements. Par une ordonnance n° 2411934 du 24 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu, à la demande de l'intéressé, la décision d'interdiction administrative du territoire prononcée à son encontre par le ministre de l'intérieur le 10 juin 2021. Toutefois, par une ordonnance n° 2413211 du 25 mai 2024, le même juge des référés a rejeté la demande de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer d'organiser son retour en France. M. B... fait appel de cette dernière ordonnance. Le Groupe d'intervention et de soutien des immigrés (Gisti), l'association La Cimade et la Ligue des droits de l'homme, qui ont intérêt à l'annulation de l'ordonnance attaquée, présentent au soutien de cette requête une intervention en demande qui est recevable et doit être admise.

3. D'une part, à supposer que la décision d'éloigner M. B... vers la Tunisie ait été prise en méconnaissance de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 24 mai 2024 qui a suspendu la mesure d'interdiction administrative du territoire prise à l'encontre de l'intéressé, celui-ci ne peut demander au juge des référés la suspension de cette décision, qui a été entièrement exécutée.

4. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration serait tenue d'organiser le retour de M. B... en France, alors qu'il n'a jamais été autorisé à séjourner régulièrement sur le territoire, et ne saurait, dès lors, se prévaloir de sa liberté d'aller et de venir pour y revenir, qu'il n'y dispose d'aucunes attaches familiales et personnelles notables, en dehors de la présence d'une sœur, et que, contrairement à ce qu'il affirme, il n'est pas établi qu'il est en butte, dans le pays dont il a la nationalité, à des traitements inhumains et dégradants.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition d'urgence, la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce qu'il y a lieu de faire selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'intervention du Groupe d'intervention et de soutien des immigrés (Gisti), de l'association La Cimade et de la Ligue des droits de l'homme est admise.

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B..., au Groupe d'intervention et de soutien des immigrés (Gisti), premier intervenant dénommé, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 14 juin 2024

Signé : Alain Seban


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494948
Date de la décision : 14/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 2024, n° 494948
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494948.20240614
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award