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12/06/2024 | FRANCE | N°488306

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 12 juin 2024, 488306


Vu la procédure suivante :



Par une ordonnance n° 2200103 du 14 septembre 2023, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le dossier de la requête présentée à ce tribunal par le syndicat CGT FNTE Nord-Est.



Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 19 janvier 2022, et trois nouve

aux mémoires, enregistrés le 10 octobre 2023 et les 19 et 25 avril 2024 au secrétaria...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2200103 du 14 septembre 2023, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le dossier de la requête présentée à ce tribunal par le syndicat CGT FNTE Nord-Est.

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 19 janvier 2022, et trois nouveaux mémoires, enregistrés le 10 octobre 2023 et les 19 et 25 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat CGT FNTE Nord-Est demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 20 du décret n° 2016-1994 du 30 décembre 2016 relatif à certains éléments de rémunération des personnels à statut ouvrier relevant du ministère de la défense ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service n° 401/ARM/SGA/DEH-MD/SRHC/GPC/DGM/BGM/FOE du 14 février 2020 du ministère des armées ;

3°) d'ordonner le paiement à tous les ouvriers de sécurité et de surveillance et les pompiers qui n'en auraient pas bénéficié depuis le 14 février 2020, des indemnités dues au titre des heures supplémentaires réalisées et du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2016-1994 du 30 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Lehman, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CGT FNTE Nord-Est doit être regardé comme demandant l'annulation de l'article 20 du décret du 30 décembre 2016 relatif à certains éléments de rémunération des personnels à statut ouvrier relevant du ministère de la défense, l'annulation pour excès de pouvoir de la note du ministère des armées du 14 février 2020 relative à certains éléments de rémunération des ouvriers de sécurité et de surveillance et des pompiers et le paiement, à tous les ouvriers de sécurité et de surveillance et aux pompiers qui n'en auraient pas bénéficié depuis le 14 février 2020, d'indemnités au titre des heures supplémentaires réalisées et du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 20 du décret du 30 décembre 2016 :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de (...) la publication de la décision attaquée ".

3. Le décret du 30 décembre 2016 a été publié au Journal officiel de la République française du 31 décembre 2016. Par suite, le ministre des armées est fondé à soutenir que les conclusions tendant à l'annulation de son article 20, formées par le syndicat requérant le 19 janvier 2022, sont tardives et, par suite, irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la note de service du 14 février 2020 :

4. En premier lieu, les ouvriers de l'Etat relevant du ministère de la défense sont des agents publics. Par suite, les règles du droit du travail en matière de durée du travail, de repos, de congés et d'usage ne leur sont pas applicables. Il en résulte que le syndicat requérant ne peut utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la note de service qu'il conteste, que celle-ci méconnaîtrait les articles L. 3122-2, L. 3122-5, L. 3122-8, L. 3133-4 et L. 3133-6 du code du travail. Il ne peut davantage utilement se prévaloir de la méconnaissance d'un usage qui serait né de la circonstance que certains ouvriers de sécurité et de surveillance ou pompiers auraient bénéficié de suppléments de rémunérations au titre d'heures réalisées la nuit, le dimanche ou certains jours fériés.

5. En deuxième lieu, l'accord-cadre signé le 11 juillet 2001 entre le ministre de la défense et les responsables de six fédérations syndicales des personnels civils du ministère des armées relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail au ministère de la défense, qui a pour objet de déterminer les " principes de base de la négociation qui sera menée par chacune des directions des établissements publics sous tutelle du ministère de la défense avec les organisations syndicales de leur ressort ", est dépourvu de tout caractère réglementaire. Le syndicat requérant ne peut donc utilement se prévaloir de sa méconnaissance à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la note de service du 14 février 2020.

6. En troisième lieu, à supposer que l'instruction ministérielle du 26 juillet 2002 relative à la durée du travail effectif des ouvriers de l'Etat du ministère de la défense et celle du 18 juillet 2003 relative aux congés annuels et au paiement des jours fériés aux personnels ouvriers de l'Etat du ministère de la défense en service en métropole et dans les départements et territoires d'outre-mer, à l'exception des personnels à statut ouvrier mutés dans les départements et territoires d'outre-mer ou dans certains ports ou bases françaises en territoire étranger, aient prévu des conditions d'indemnisation des heures supplémentaires, l'octroi de jours de réduction du temps de travail et des compensations au titre du travail réalisé les jours fériés, y compris le 1er mai, dans des conditions plus favorables que celles résultant de la note en litige, les termes de ces instructions qui étaient incompatibles avec les dispositions du décret du 30 décembre 2016 et, le cas échéant, avec les termes de la note en litige ont nécessairement été abrogés par ces textes postérieurs. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces instructions est donc inopérant.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 30 décembre 2016 relatif à certains éléments de rémunération des personnels à statut ouvrier relevant du ministère de la défense : " Les heures effectuées la nuit de 21h00 à 05h00 sont abondées de 15 p. 100 ". Aux termes du I de son article 6 : " Les heures supplémentaires des ouvriers autres que les ouvriers de sécurité et de surveillance sont prises en compte dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail. / (...) / 3° Les heures effectuées le dimanche et les jours fériés donnent lieu soit à un abondement de 50 p. 100 de la rémunération horaire de référence, soit à un repos compensateur équivalent, dans les deux mois qui suivent le jour férié ". Aux termes de son article 7 : " Pour les ouvriers exerçant les professions d'ouvriers de sécurité et de surveillance et de pompiers les heures effectuées, exceptionnellement, au-delà de la 55e heure sont rémunérées comme heures supplémentaires et abondées à 50 p. 100. / En aucun cas, la durée hebdomadaire du travail n'est supérieure à 60 heures. / Les ouvriers de sécurité et de surveillance et les pompiers assurant leurs fonctions dans les hôpitaux militaires et qui sont effectivement occupés, de jour ou de nuit, durant toute la durée de leur service, perçoivent, en sus de la rémunération définie au premier alinéa, des heures supplémentaires dans la limite de trois par semaine. Chaque heure ainsi effectuée est payée au salaire horaire du groupe IV N ou V augmentée des majorations de 25 p. 100 ".

8. D'une part, il ne résulte ni des dispositions précitées de l'article 5 du décret, lesquelles n'excluent de leur champ aucune catégorie d'agents, ni d'aucune autre disposition du décret, que les dispositions de cet article 5 ne s'appliquent pas aux ouvriers de surveillance et de sécurité et aux pompiers. Par suite, le syndicat requérant est fondé à soutenir que le point 2 de la note qu'il attaque, excluant les ouvriers de sécurité et de surveillance et les pompiers du bénéfice de l'abondement de 15% des heures qu'ils effectuent la nuit, méconnaît les dispositions de l'article 5 du décret et à en demander, dans cette mesure, l'annulation.

9. D'autre part, l'article 7 précité du décret a vocation à régir entièrement, pour ce qui concerne la rémunération des heures supplémentaires et des heures travaillées les dimanches et les jours fériés, la situation des ouvriers de sécurité et de surveillance et des pompiers auxquels l'article 6 du décret n'est pas applicable. Il en résulte que le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que la note litigieuse aurait illégalement exclu les ouvriers de sécurité et de surveillance et les pompiers du bénéfice des dispositions du I de l'article 6 du décret relatives à la rémunération des heures effectuées les dimanches et jours fériés, alors même que les pompiers ne sont, à la différence des ouvriers de sécurité et de surveillance, pas expressément exclus du champ du même I de cet article 6.

10. En cinquième lieu, eu égard aux missions de sécurité et de surveillance dont ils sont investis, les ouvriers de sécurité et de surveillance et les pompiers se trouvent dans une situation différente de celle des ouvriers du livre et des instructeurs de formation technique et la différence de traitement prévue par les textes applicables à ces professions, en rapport avec l'objet de ces textes, n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient. Le syndicat requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que la note en litige méconnaîtrait le principe d'égalité.

11. En sixième lieu, le syndicat requérant ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la note de service du 14 février 2020, de ce que les termes de celle-ci constitueraient une modification du contrat de travail dont l'application serait subordonnée à l'information individuelle et à l'acceptation des agents entrant dans son champ d'application.

12. Il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant est seulement fondé à demander l'annulation du point 2 de la note n° 401/ARM/SGA/DEH-MD/SRHC/GPC/DGM/BGM/FOE du 14 février 2020 du ministère des armées.

Sur les conclusions tendant au versement de sommes à certains ouvriers de surveillance et de sécurité et pompiers :

13. Une organisation syndicale, si elle est recevable à intervenir, le cas échéant, à l'appui d'une demande indemnitaire formée devant le juge administratif par l'agent intéressé, n'a pas qualité pour solliciter elle-même une telle demande. Par suite, le syndicat CGT FNTE Nord-Est ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander le paiement de diverses sommes à certains agents. Ses conclusions doivent, dès lors, être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le point 2 de la note n° 401/ARM/SGA/DEH-MD/SRHC/GPC/DGM/BGM/FOE du 14 février 2020 du ministère des armées est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat CGGT FNTE Nord-Est est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat CGT FNTE Nord-Est et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488306
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2024, n° 488306
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Lehman
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488306.20240612
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