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10/06/2024 | FRANCE | N°494619

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 juin 2024, 494619


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution du décret du 11 janvier 2024 rapportant le décret de naturalisation du 11 mai 2021 ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. >






Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfait...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 11 janvier 2024 rapportant le décret de naturalisation du 11 mai 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution du décret contesté a pour effet de le rendre apatride compte tenu de l'intervention le 9 février 2024 d'un jugement du tribunal de première instance de Kaloum-Conakry qui a pris acte de ce qu'il renonçait à sa nationalité guinéenne ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- le décret contesté a été adopté au terme d'une procédure irrégulière en ce que les observations présentées en réponse à la notification de l'engagement de la procédure de retrait de sa nationalité française n'ont pas été portées à la connaissance de la section de l'intérieur du Conseil d'Etat avant que celle-ci ne rende son avis ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 27-2 du code civil dès lors que, d'une part, il a pour effet de le rendre apatride et, d'autre part, aucune fraude ni aucun mensonge au sens de cette disposition ne peut lui être reproché ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation en ce que l'existence de ses deux filles nées à l'étranger n'a aucune incidence sur le fait que ses intérêts matériels et familiaux étaient fixés en France à la date de la signature du décret de naturalisation ;

- il est disproportionné eu égard, d'une part, à l'absence de motifs d'intérêt général justifiant le retrait et, d'autre part, à la gravité des faits fondant le retrait.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

3. Par un décret du 11 mai 2021, M. B..., de nationalité guinéenne, a acquis la nationalité française. Ce décret a été rapporté par un décret du 11 janvier 2024 au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale. M. B... demande, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, que son exécution soit suspendue.

4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache, selon lui, à la suspension de l'exécution du décret du 11 janvier 2024, M. B... soutient que ce décret a pour conséquence de le rendre apatride dès lors que, par un jugement du 9 février 2024, le tribunal de première instance de Kaloum-Conakry (République de Guinée) a pris acte de ce qu'il renonçait volontairement à sa nationalité guinéenne au profit de la nationalité française. Il est constant, toutefois, que M. B... est responsable de l'urgence dont il se prévaut dès lors qu'il a maintenu sa requête introduite le 7 juillet 2023 aux fins d'obtenir un jugement de renonciation à la nationalité guinéenne alors que l'intention du Gouvernement français de rapporter le décret de naturalisation lui avait été notifiée le 9 septembre 2023 et qu'il n'a pas davantage renoncé à sa requête - dont il ne soutient d'ailleurs pas qu'il l'avait portée à la connaissance des autorités françaises au cours de la procédure de retrait - après la notification du décret du 11 janvier 2024. Il n'apporte, en tout état de cause, aucun élément de nature à établir qu'il ne peut recouvrer sa nationalité guinéenne alors notamment que le retrait du décret lui accordant la nationalité française est antérieur à l'intervention de ce jugement.

5. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté, la requête de M. B... doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 10 juin 2024

Signé : Alban de Nervaux


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494619
Date de la décision : 10/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2024, n° 494619
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494619.20240610
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