Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 472812, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 6 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 septembre 2022 relatif à la mise en œuvre d'un plan d'accompagnement individuel dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 décembre 2022.
2° Sous le n° 472814, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 6 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 septembre 2022 relatif à la mise en œuvre d'un plan d'accompagnement individuel dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 décembre 2022.
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3° Sous le n° 472816, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 6 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 septembre 2022 relatif à la mise en œuvre d'un plan d'accompagnement individuel dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 décembre 2022.
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4° Sous le n° 472817, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 6 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. N... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 septembre 2022 relatif à la mise en œuvre d'un plan d'accompagnement individuel dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 décembre 2022.
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5° Sous le n° 472818, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 6 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. K... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 septembre 2022 relatif à la mise en œuvre d'un plan d'accompagnement individuel dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 décembre 2022.
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6° Sous le n° 472819, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 6 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. M... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 septembre 2022 relatif à la mise en œuvre d'un plan d'accompagnement individuel dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 décembre 2022.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 2021/1755 du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 2021 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;
- le décret n° 2022-1508 du 29 juillet 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. G... B..., de M. E... F..., de M. I... H..., de M. L... N..., de M. J... K... et de M. D... M... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de MM. B..., F..., H..., N..., K... et M... sont dirigées contre le même arrêté du secrétaire d'Etat chargé de la mer du 30 septembre 2022 relatif à la mise en œuvre d'un plan d'accompagnement individuel dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
2. D'une part, en vertu de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature, les directeurs d'administration centrale peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. D'autre part, le décret du 29 juillet 2022 relatif aux attributions du secrétaire d'Etat auprès de la Première ministre, chargé de la mer, donne au secrétaire d'Etat chargé de la mer autorité sur la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture. Par ailleurs, aux termes de l'article 9 du décret du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer, la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture " élabore les réglementations relatives à l'exercice des pêches maritimes ". Enfin, M. A... C... a été nommé directeur général des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture par décret du 2 mars 2022, publié au Journal officiel de la République française le 3 mars suivant. Il résulte de la combinaison de ces textes que M. C... était compétent pour signer l'arrêté attaqué du 30 septembre 2022 au nom du secrétaire d'Etat chargé de la mer. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit, par suite, être écarté.
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
3. Le 1er février 2020, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (ci-après le " Royaume-Uni ") a quitté l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique. Le 24 décembre 2020, le Royaume-Uni et l'Union européenne ont conclu un accord de commerce et de coopération, qui comprend un transfert de quotas de pêche de l'Union européenne vers le Royaume-Uni et des règles relatives à l'accès aux lieux de pêche du Royaume-Uni. L'Union européenne s'est par ailleurs engagée à atténuer les conséquences négatives, notamment du point de vue économique, du retrait du Royaume-Uni de l'Union et à faire preuve de solidarité à l'égard des secteurs les plus affectés par ce retrait, dont le secteur de la pêche. C'est dans ce contexte que le règlement (UE) n° 2021/1755 du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 2021 a établi une réserve d'ajustement au Brexit destinée à apporter un soutien notamment au secteur de la pêche. Sur ce fondement, le secrétaire d'Etat chargé de la mer a pris, le 30 septembre 2022, un arrêté relatif à la mise en œuvre d'un plan d'accompagnement individuel pour les pêcheurs affectés par la restriction d'accès aux eaux britanniques, instituant un régime d'aide qui a été autorisé par la Commission européenne.
4. Cet arrêté met en place un régime d'aide financière en contrepartie d'un arrêt définitif des activités de pêche d'un navire. L'éligibilité d'un navire à cette aide est notamment subordonnée à ce que ce dernier se trouve dans une des trois situations énumérées au point 3 de l'article 5 de l'arrêté attaqué : " a) Il a eu une activité de pêche significative dans les eaux britanniques ou dans les eaux du baillage de Jersey ou du baillage de Guernesey. Pour cela, il justifie d'une dépendance à celles-ci au minimum égale en cumulé à 20 % de la valeur totale des ventes de ses captures réalisées durant l'année de référence 2019 ou 2020, qu'elles soient soumises ou non à des quotas sur une année ; b) Il n'est pas bénéficiaire, au moment du dépôt de la demande d'aide, de l'autorisation délivrée par les autorités britanniques conformément aux critères fixés par l'accord de commerce et de coopération susvisé sur l'accès à la zone des 6-12 milles britanniques, du baillage de Jersey ou du baillage de Guernesey. Le cas échéant, il justifie, pour la zone des 6-12 milles britanniques, d'une antériorité d'activité sur une période d'éligibilité de 2012 à 2020 ou, pour les eaux du baillage de Guernesey ou du baillage de Jersey, d'une antériorité d'activité sur une période d'éligibilité de 2017 à 2020. Il figure par ailleurs dans une liste de navires établie par les services de l'Etat dans le cadre de la mise en œuvre de l'accord de coopération et de commerce précité ; c) Il présente une dépendance à un ou plusieurs des stocks mentionnés à l'annexe 4 du présent arrêté générant en cumulé 20 % ou plus de la valeur totale des ventes de ses captures du navire durant l'année de référence 2019 ou 2020, qu'elles soient soumises ou non à des quotas sur une année ". L'annexe 4 fait entrer dans la liste des stocks d'espèces, d'une part, l'ensemble des espèces concernées par les totaux admissibles de captures fixés par l'accord de commerce et de coopération conclu le 24 décembre 2020 entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, d'autre part, une liste d'espèces hors quotas qui sont toutes prises en compte dans la zone VII définie par le conseil international pour l'exploration de la pêche (CIEM) qui comprend les eaux britanniques puisqu'elle s'étend du Nord de l'Irlande à la pointe de la Bretagne, sauf le tourteau qui est pris en compte à la fois au titre de la zone CIEM VII et de la zone CIEM VIII qui va de la pointe de la Bretagne au golfe de Gascogne.
5. Les requérants soutiennent qu'en tant que l'annexe 4 de l'arrêté attaqué inclut la zone CIEM VIII, qui s'étend au-delà des eaux britanniques, elle aboutit à une méconnaissance du principe d'égalité dès lors qu'elle rend éligibles à l'aide ainsi instituée des navires qui ne sont pas directement concernés par l'interdiction d'accès aux eaux britanniques.
6. Toutefois, d'une part, l'article 5 du règlement (UE) n° 2021/ 1755 établissant la réserve d'ajustement au Brexit pour l'application duquel le plan d'accompagnement individuel a été mis en œuvre par l'arrêté attaqué permet aux Etats membres de prendre des mesures d'aide pour soutenir les entreprises du secteur de la pêche qui sont les plus durement touchées par le retrait du Royaume-Uni de l'Union. D'autre part, le bénéfice du plan d'aide est accordé par l'arrêté attaqué notamment aux navires dont au moins 20 % de la valeur totale des ventes des captures pendant l'année de référence (2019 ou 2020) correspondent aux stocks mentionnés à l'annexe 4. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que les navires qui pratiquent l'activité de pêche du tourteau dans la zone CIEM VIII ne subiraient pas les conséquences négatives, notamment du point de vue économique, du retrait du Royaume-Uni de l'Union. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué porterait atteinte au principe d'égalité de traitement en tant qu'il accorderait le bénéfice de l'aide qu'il institue à des navires qui ne pêchaient pas dans les eaux britanniques.
7. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de MM. B..., F..., H..., N..., K... et M... doivent être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de MM. B..., F..., H..., N..., K... et M... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à MM. B..., F..., H..., N..., K... et M... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 avril 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 22 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Isidoro
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova