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10/05/2024 | FRANCE | N°492951

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 mai 2024, 492951


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 et 28 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Prestataires du notariat demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'article 2.2 de l'annexe de l'arrêté du 29 janvier 2024 portant approbation des règles professionnelles des notaires et du règlement professionnel du notariat.





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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 et 28 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Prestataires du notariat demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'article 2.2 de l'annexe de l'arrêté du 29 janvier 2024 portant approbation des règles professionnelles des notaires et du règlement professionnel du notariat.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard aux conséquences financières et psychologiques de l'interdiction faite aux prestataires du notariat d'exercer certaines de leurs activités professionnelles ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- l'arrêté contesté est entaché d'illégalité dès lors que la relation entre un notaire et un indépendant en charge d'une tâche de rédaction, de comptabilité ou de formalité est un contrat de prestation de services tel que défini à l'article 1710 du code civil et non une relation de sous-traitance telle que régie par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- il méconnaît la liberté de travailler, la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie dès lors qu'il restreint l'activité des prestataires du notariat ;

- il est entaché d'incompétence, dès lors que l'arrêté attaqué ne pouvait apporter une telle restriction à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie ;

- il méconnaît le principe d'égalité dès lors qu'il instaure une différence de traitement injustifiée en permettant l'exercice des activités de formalités mais en interdisant celui des activités de rédaction et de comptabilité ;

- il méconnaît également le principe d'égalité, par la différence de traitement injustifiée qu'il instaure entre les salariés des offices notariaux et les prestataires extérieurs ;

- il méconnaît la liberté d'aller et venir et la liberté d'établissement dès lors qu'il interdit le télétravail aux prestataires du notariat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 22 avril 2024, l'association Prestataires du notariat maintient ses conclusions et ses moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

- l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels ;

- Le décret n° 2023-1297 du 28 décembre 2023 relatif au code de déontologie des notaires ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Prestataires du notariat et, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice,

Ont été entendus lors de l'audience publique du 24 avril 2024, à 10 heures 30 :

- Me Goldman, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association Prestataires du notariat ;

- les représentantes de l'association Prestataires du notariat ;

- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a fixé la clôture de l'instruction au 30 avril 2024, à 17 heures.

Des observations, enregistrées le 29 avril 2024, ont été présentées par le Conseil supérieur du notariat ; il conclut au rejet de la requête.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 30 avril 2024, l'association Prestataires du notariat maintient ses conclusions et ses moyens.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. L'association requérante demande la suspension des dispositions de l'article 2.2 de l'annexe de l'arrêté du 29 janvier 2024 portant approbation des règles professionnelles des notaires et du règlement professionnel du notariat, ainsi rédigée : " 2.2.2. Le dossier et l'acte / Le notaire, officier public qui établit des actes authentiques ayant date certaine, force probante et force exécutoire, tenu au secret professionnel, effectue les prestations directement liées à l'exercice de son ministère, qui constituent la raison d'être et la spécificité de sa mission. /Il ne peut sous-traiter aucune des prestations nécessitant son identification, ni la rédaction de ses actes, ni leur réception. /Il ne peut davantage sous-traiter : / la réception des clients ; / le conseil ; / la consultation, en vue de la signature d'un acte ou dans le cadre de la gestion de patrimoine ; / la négociation immobilière ; / la gestion locative. /Le notaire peut néanmoins, dans le respect de clauses spécifiques de confidentialité et de prérequis assurant le respect du secret professionnel associés à l'opération concernée, sous-traiter certaines tâches administratives liées à l'accomplissement de sa mission, telles que le standard téléphonique, les formalités ne nécessitant pas l'identification du notaire ou de ses collaborateurs, l'archivage physique ou numérique. "

3. L'article 2 de l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels dispose que : " Un code de déontologie propre à chaque profession est préparé par son instance nationale et édicté par décret en Conseil d'Etat. Ce code énonce les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s'applique en toutes circonstances à ces professionnels dans leurs relations avec le public, les clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions. Les instances nationales mentionnées au premier alinéa sont l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la Chambre nationale des commissaires de justice, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et le Conseil supérieur du notariat. Les instances nationales précisent par voie de règlement les règles professionnelles propres à assurer le respect du code de déontologie. Pour les officiers publics et ministériels, ce règlement est approuvé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. " Le décret n° 2023-1297 du 28 décembre 2023 relatif au code de déontologie des notaires dispose en son article 2 que : " Le notaire est un officier public ministériel, délégataire de l'autorité publique, chargé d'une mission de service public. A ce titre il reçoit en personne tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique. Il recueille le consentement des parties, assure la date, la conservation et le dépôt des actes et en délivre des copies exécutoires et des copies authentiques. / Il est le conseil des personnes physiques ou morales de droit privé et de droit public et le rédacteur impartial de leurs volontés. Il leur fait connaître l'étendue des obligations qu'elles contractent, rédige leurs engagements avec clarté, leur conférant le caractère d'un acte authentique. / Il ne peut déléguer l'accomplissement des actes inhérents à son statut d'officier public et ministériel. " Aux termes de l'article 8 du même décret : " Le notaire et toute personne placée sous son autorité sont tenus au secret professionnel. /Le secret professionnel est général et absolu. Le notaire, confident de ses clients, y est tenu dans les conditions prévues par le code pénal et toutes autres dispositions législatives ou réglementaires. /En outre, assurant une mission de service public, le notaire et toute personne placée sous son autorité respectent l'obligation de discrétion professionnelle. "

4. Il résulte des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance du 13 avril 2022 précitées que le législateur a entendu confier au Conseil supérieur du notariat, par voie de règlement approuvé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, le soin de préciser les règles professionnelles propres à assurer le respect du code de déontologie fixé par décret en Conseil d'Etat. En précisant les tâches qui ne peuvent être sous-traitées par les notaires à des prestataires extérieurs, l'arrêté attaqué a tiré la conséquence des principes déontologiques inhérents au statut d'officier ministériel du notaire, relatifs notamment à l'authentification des actes, aux missions de conseil qu'il exerce et au secret professionnel auquel il est astreint, fixés notamment par le décret du 28 décembre 2023 précité. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait apporté à la liberté du commerce et de l'industrie, ou à la liberté d'entreprendre, une limitation hors de proportion avec l'objet des règles dont il précise l'application, et excédant par-là le champ de la compétence qui lui était confiée par le législateur, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions attaquées.

5. En l'état de l'instruction, aucun des autres moyens invoqués par l'association requérante n'est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions attaquées.

6. Il résulte de ce qui précède que l'association Prestataires du notariat n'est pas fondée à demander la suspension des dispositions attaquées.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'association Prestataires du notariat est rejetée.

Article 2. : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Prestataires du notariat et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Conseil supérieur du notariat.

Fait à Paris, le 10 mai 2024

Signé : Cyril Roger-Lacan


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 492951
Date de la décision : 10/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2024, n° 492951
Composition du Tribunal
Avocat(s) : GOLDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492951.20240510
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