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29/04/2024 | FRANCE | N°493708

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 avril 2024, 493708


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Education demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) à titre principal, de suspendre l'exécution des articles 2, 4 et 6 de l'arrêté du 15 mars 2024 modifiant l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège ;



2°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 mars 2024 ;
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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Education demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, de suspendre l'exécution des articles 2, 4 et 6 de l'arrêté du 15 mars 2024 modifiant l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège ;

2°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 mars 2024 ;

3°) de suspendre l'exécution de la note de service du 16 mars 2024 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, les dispositions contestées portent atteinte aux intérêts qu'elle défend et entrent en vigueur dès la rentrée scolaire 2024 et, d'autre part, la création des groupes de besoins perturbera gravement la scolarité de l'ensemble des élèves de 6e et 5e ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente en méconnaissance des dispositions des articles L. 421-4 et R. 421-2, § 1° du code de l'éducation dès lors que la mise en œuvre d'éventuels groupes de besoins relève de la compétence exclusive des conseils d'administration des collèges, conformément au principe d'autonomie pédagogique de ces établissements ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 332-4, D. 332-2 et D. 332-6 du code de l'éducation dès lors qu'elles mettent en place des aménagements systématiques des enseignements dans les groupes de besoins entraînant des aménagements particuliers des enseignements à destination des élèves à haut potentiel ainsi que des élèves en difficulté à titre dérogatoire ;

- il porte atteinte au principe d'égalité dès lors qu'il institue une différence de traitement des élèves en fonction de leur niveau scolaire qui n'est justifiée ni par une différence de situation, ni par un motif d'intérêt général et que le déploiement des groupes de besoins se fera au détriment des aménagements particuliers destinés aux élèves en difficulté prévus par l'article L. 332-2 du code de l'éducation ;

- les dispositions transitoires de l'arrêté contesté sont insuffisantes et méconnaissent les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-6 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la note de service du 16 mars 2024 est entachée des mêmes illégalités que l'arrêté du 15 mars 2024, ce qui justifie d'en suspendre l'exécution.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. Par un arrêté du 15 mars 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a modifié l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège, en instituant par ses articles 4 et 6 dans les collèges à l'exception des établissements privés hors contrat, à compter de la rentrée scolaire 2024, des " groupes (...) constitués en fonction des besoins des élèves " pour les élèves des classes de sixième et de cinquième. Ce même texte prévoit qu'à compter de la rentrée scolaire 2025, les élèves des classes de quatrième et de troisième suivront les enseignements de français et de mathématiques dans des groupes correspondant à leurs difficultés ou facilités scolaires dans ces matières. Une note de service du 16 mars 2024, intitulée " choc des savoirs, une nouvelle ambition pour le collège ", publiée au bulletin officiel de l'éducation nationale le 18 mars 2024, a commenté cette réforme de l'organisation éducative du collège. Le syndicat UNSA-Education, qui a saisi le Conseil d'Etat d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté ministériel du 15 mars 2024 et la note de service du 16 mars 2024, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'en suspendre l'exécution.

4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache à suspendre l'exécution de l'arrêté et de la circulaire en litige, le syndicat requérant fait valoir, en premier lieu, que le délai de cinq mois et demi qui sépare l'entrée en vigueur de l'arrêté du 15 mars 2024 et la prochaine rentrée scolaire est insuffisant pour permettre l'organisation dans de bonnes conditions de l'année scolaire 2024-2025, dès lors que la mise en œuvre de cette réforme nécessite des créations de postes dans les établissements concernés et intervient à une date à laquelle la période des mutations des professeurs du second degré pour la rentrée scolaire est déjà achevée. En deuxième lieu, il soutient qu'à supposer qu'une entrée en vigueur partielle de la réforme puisse intervenir dès le mois de septembre 2024, il aurait été plus adapté, pour les professeurs du second degré, qu'elle soit limitée aux actuelles classes de sixième, dont les élèves entreront en classe de cinquième lors de la prochaine rentrée scolaire, les mesures transitoires édictées par le pouvoir réglementaire étant de ce fait à la fois insuffisantes et inadaptées en ce qu'elles ne permettent pas d'envisager dans des conditions sereines l'organisation de la prochaine rentrée des classes et le bon déroulement de l'année scolaire 2024-2025. Toutefois, d'une part, la seule circonstance qu'une note de service serait entachée d'illégalité, à la supposer établie, n'est, par elle-même, pas de nature à caractériser une situation d'urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond de la requête à fin d'annulation de la circulaire en cause, l'exécution de celle-ci soit suspendue à titre conservatoire. D'autre part, les considérations d'ordre général mises en avant par le syndicat requérant, qui ne sont pas étayées par des éléments précis établissant la réalité des risques susceptibles d'affecter le déroulement de la scolarité des élèves des classes concernées, ne sont pas de nature à établir que l'exécution de l'arrêté et de la circulaire dont il demande la suspension en référé serait susceptible de porter une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des élèves et personnels concernés ou aux intérêts que le syndicat UNSA-Education entend défendre.

5. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie en l'espèce. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées, la requête du syndicat UNSA-Education doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Education est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'UNSA-Education.

Copie en sera adressée à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Fait à Paris, le 29 avril 2024

Signé : Benoît Bohnert


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 493708
Date de la décision : 29/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 avr. 2024, n° 493708
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493708.20240429
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