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26/04/2024 | FRANCE | N°493384

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 26 avril 2024, 493384


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution du décret du 26 décembre 2023 l'ayant déchu de sa nationalité française ;



2°) d'ordonner la remise de la carte nationale d'identité et du passeport restitués à l'administration à compter de la notification d

e l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;



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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 26 décembre 2023 l'ayant déchu de sa nationalité française ;

2°) d'ordonner la remise de la carte nationale d'identité et du passeport restitués à l'administration à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'en premier lieu, le décret attaqué porte atteinte à sa liberté d'aller et venir en ce qu'il a dû restituer ses documents d'identité français alors qu'il est dépourvu d'autre nationalité, qu'en deuxième lieu, il a été convoqué devant la commission d'expulsion du Loiret et, qu'en dernier lieu, il s'est réinséré après sa sortie de prison et justifie d'un comportement exemplaire, ce qui porte un préjudice suffisamment grave et immédiat à sa situation ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- en ayant pour effet de le rendre apatride, elle méconnaît l'article 25 du code civil ;

- elle est disproportionnée et méconnaît son droit au respect de sa privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., et d'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 18 avril 2024, à 15 heures :

- Me Capron, (substituant Me Maman, empêché), avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- la représentante de M. A... ;

- M. A... ;

- la représentante du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. Aux termes de l'article 25 du code civil : " L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride : / 1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ; / (...) ".

4. Pour justifier de la situation d'urgence créée par le décret du 26 décembre 2023 qui l'a déchu de sa nationalité française, M. A... fait valoir que cette décision porte une atteinte grave et immédiate à sa situation dès lors, d'une part, qu'il a dû restituer sa carte nationale d'identité et son passeport ce qui le prive de sa liberté d'aller et venir, notamment hors du territoire alors qu'il doit se rendre en Grande-Bretagne pour des raisons professionnelles, d'autre part, qu'il a été convoqué le 15 avril dernier devant la commission d'expulsion en vue d'un éloignement éminent du territoire français et, enfin, que cette décision le prive d'un élément de son identité ainsi que de ses droits civiques et politiques. En outre, il soutient notamment que le décret contesté qui aurait pour résultat de le rendre apatride, méconnaît l'article 25 du code civil.

5. Ces éléments ne suffisent pas à caractériser une situation d'urgence au sens de ce qui a été rappelé au point 2, et notamment à raison de ce qu'il ne résulte pas de l'instruction que le décret contesté aurait pour résultat de le rendre apatride. Dans ces conditions, et dès lors en outre que la requête en annulation dont est saisi le Conseil d'Etat sera appelée à une audience dans les prochains mois, il y a lieu de rejeter la requête aux fins de suspension présentée par M. A..., y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... ainsi qu'au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 26 avril 2024

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 493384
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2024, n° 493384
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BOUCARD-MAMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493384.20240426
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