La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2024 | FRANCE | N°492913

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 avril 2024, 492913


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mars et 4 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des étudiant.e.s en science infirmières (FNESI) et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2024-85 du 6 février 2024 relatif à la procédure de préi

nscription pour l'accès aux formations initiales du premier cycle de l'enseignement supérie...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mars et 4 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des étudiant.e.s en science infirmières (FNESI) et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2024-85 du 6 février 2024 relatif à la procédure de préinscription pour l'accès aux formations initiales du premier cycle de l'enseignement supérieur et modifiant le code de l'éducation, et de l'arrêté de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 6 février 2024 modifiant l'arrêté du 28 février 2020 relatif à certaines règles de fonctionnement de la plateforme Parcoursup ;

2°) d'enjoindre à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux candidats étrangers dont les études en France sont soumises à l'obtention d'un visa et qui n'ont pas obtenu ou ne préparent pas le baccalauréat français de formuler de nouveaux vœux de formation sans être inférieur à cinq ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à leur verser respectivement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'examen des candidatures par les établissements a déjà commencé le 4 avril 2024 et se poursuivra jusqu'au 30 mai 2024 pour la phase d'admission principale ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret et de l'arrêté contestés ;

- le décret et de l'arrêté contestés méconnaissent le principe d'égal accès à l'enseignement supérieur, garanti par le 13ème alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- la différence de traitement qu'ils comportent, en limitant seulement à trois vœux et sous-vœux les candidatures et en les interdisant pour certaines formations sur le seul fondement d'une distinction de nationalité, portent une atteinte disproportionnée au principe d'égalité, sans rapport avec l'objectif poursuivi consistant à assurer le bon déroulement de la procédure de préinscription ;

- ces dispositions sont discriminatoires et fondées uniquement sur des motifs politiques ;

- elles méconnaissent les objectifs et missions du service public de l'enseignement supérieur, notamment définis à l'article L. 121-1 du code de l'éducation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas propres à créer de doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées.

La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Fédération nationale des étudiant.e.s en science infirmières (FNESI) et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), et d'autre part, le Premier ministre et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Ont été entendus lors de l'audience publique du 8 avril 2024, à 10 heures 30 :

- Me Périer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de la Fédération nationale des étudiant.e.s en science infirmières (FNESI) et de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) ;

- les représentants de la FNESI et de la FAGE ;

- les représentants de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

à l'issue de laquelle la juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

3. Selon l'article L. 612-3 du code de l'éducation, " I.- Le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat et à ceux qui ont obtenu l'équivalence ou la dispense de ce grade en justifiant d'une qualification ou d'une expérience jugées suffisantes conformément au livre IV de la sixième partie du code du travail (...) / L'inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est précédée d'une procédure nationale de préinscription (...). Au cours de cette procédure, les caractéristiques de chaque formation, y compris des formations professionnelles et des formations en apprentissage, et les statistiques prévues à l'article L. 612-1 du présent code sont portées à la connaissance des candidats (...). L'inscription est prononcée par le président ou le directeur de l'établissement ou, dans les cas prévus aux VIII et IX du présent article, par l'autorité académique. (...) ".

4. La Fédération nationale des étudiant.e.s en science infirmières (FNESI) et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) ont saisi le juge des référés du Conseil d'Etat d'une demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution, d'une part, du décret n° 2024-85 du 6 février 2024 relatif à la procédure de préinscription pour l'accès aux formations initiales du premier cycle de l'enseignement supérieur et modifiant le code de l'éducation, d'autre part, de l'arrêté de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 6 février 2024 modifiant l'arrêté du 28 février 2020 relatif à certaines règles de fonctionnement de la plateforme Parcoursup.

Sur la demande de suspension du décret attaqué :

5. La demande de la FNESI et de la FAGE doit être regardée comme tendant uniquement à la suspension du décret attaqué en tant que celui-ci, au 2° de son article 1er, modifie les articles D. 612-1-12 et D. 612-1-19 du code de l'éducation pour prévoir qu'un arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur peut, pour assurer le bon déroulement de la procédure et compte tenu des caractéristiques des formations et de leurs capacités d'accueil, soit limiter le nombre de vœux d'inscription et le nombre de sous-vœux susceptibles d'être formulés sur la plateforme Parcoursup, soit interdire la formulation de vœux d'inscription pour certaines formations, par les candidats dont les études en France sont soumises à l'obtention d'un visa et qui n'ont pas obtenu et ne préparent pas le baccalauréat français ou un diplôme ou titre admis en équivalence de ce grade.

6. Ces dispositions se bornent à habiliter la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à adopter, le cas échéant, une limitation ou une interdiction de formulation des vœux et sous-vœux par les candidats concernés pour certaines formations. Il ne résulte du fait de ce décret aucune atteinte immédiate aux intérêts des candidats concernés défendus par les associations requérantes, lesquelles ne présentent d'ailleurs aucune argumentation à ce titre. Ainsi, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie.

Sur la demande de suspension de l'arrêté attaqué :

7. L'arrêté attaqué limite, pour les candidats dont les études sont soumises à l'obtention d'un visa et qui n'ont pas obtenu ou ne préparent pas le baccalauréat français ou un diplôme équivalent, pour six catégories de formations à trois le nombre de vœux d'inscription pour un établissement de formation donné, et pour les formations préparant au diplôme d'Etat d'infirmier, à trois le nombre de vœux multiples à dossier unique et trois le nombre de sous-vœux pour chaque vœu multiple à dossier unique.

8. Pour soutenir qu'il y a urgence à suspendre l'arrêté attaqué, les associations requérantes font seulement valoir que l'examen des candidatures par les établissements a déjà commencé le 4 avril 2024 et se poursuivra jusqu'au 30 mai 2024. Elles ne font, cependant, état d'aucun préjudice pour les candidats concernés autre que la perte de chances d'obtenir une inscription résultant de la limitation du nombre de vœux et de sous-vœux résultant de l'application de l'arrêté attaqué. Cependant, il résulte de l'instruction et des débats qui se sont déroulés à l'audience que le nombre maximum de vœux et sous-vœux résultant de l'arrêté attaqué est proche du nombre moyen des vœux et sous-vœux exprimés par candidat sur l'ensemble des formations présentées sur la plateforme Parcoursup. Alors même que la moyenne constatée les années précédentes concernant les candidats visés par l'arrêté attaqué s'établirait au double de celle constatée pour la généralité des candidats, la limitation ainsi imposée ménage pour les intéressés la possibilité de formuler un nombre de vœux et sous-vœux au sein des formations visées par l'arrêté attaqué proche de celui qu'expriment les autres candidats, sans affecter, par ailleurs, leur capacité de formuler un nombre de vœux plus important dans les autres catégories de formations non visées par l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, la perte de chances alléguée n'est pas de nature, par elle-même, à caractériser une atteinte suffisamment grave aux intérêts défendus par les associations requérantes constitutive d'une situation d'urgence justifiant la mesure de suspension demandée.

9. En outre, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche fait valoir, en défense, les difficultés qui résulteraient pour les établissements de la réouverture de la phase de formulation des vœux en cas d'octroi de la suspension demandée, dès lors que, d'une part, à la date du 26 mars 2024 à laquelle les associations requérantes ont saisi le juge des référés du Conseil d'Etat, cette phase de formulation des vœux par les candidats sur la plateforme Parcoursup était déjà expirée, d'autre part, à la date de la présente ordonnance, l'organisation de l'examen des candidatures exprimées a été mise en place par les établissements concernés et ce dans un calendrier très contraint. Compte tenu de l'intérêt qui s'attache, pour l'ensemble des candidats et pour les établissements de formation, au bon déroulement de la phase d'examen des candidatures, la suspension demandée porterait à l'intérêt général une atteinte excédant les inconvénients résultant pour les candidats concernés de l'application de l'arrêté attaqué lesquels, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, revêtent un caractère limité. Il en résulte que la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie.

10. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité du décret et de l'arrêté attaqués, la présente requête doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de la Fédération nationale des étudiant.e.s en science infirmières (FNESI) et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération nationale des étudiant.e.s en science infirmières (FNESI), à la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Fait à Paris, le 10 avril 2024

Signé : Célia Vérot


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 492913
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2024, n° 492913
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492913.20240410
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award