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05/04/2024 | FRANCE | N°469816

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 05 avril 2024, 469816


Vu la procédure suivante :



M. A... C... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 23 octobre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sur le fondement du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a mis fin au statut de réfugié dont il bénéficiait et, d'autre part, de le rétablir dans ce statut.



Par une décision n° 20043098 du 18 octobre 2022, la Cour na

tionale du droit d'asile a fait droit à sa demande.



Par un pourvoi sommair...

Vu la procédure suivante :

M. A... C... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 23 octobre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sur le fondement du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a mis fin au statut de réfugié dont il bénéficiait et, d'autre part, de le rétablir dans ce statut.

Par une décision n° 20043098 du 18 octobre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2022 et 20 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoît Delaunay, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 14 octobre 2015, M. A... C... B..., ressortissant russe né en 1996 a obtenu le statut de réfugié. Par une décision du 23 octobre 2020, prise sur le fondement du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'OFPRA a mis fin au statut de réfugié de M. B.... Par une décision du 18 octobre 2022, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et maintenu M. B... dans son statut de réfugié.

2. En premier lieu, si, par la décision attaquée, la Cour nationale du droit d'asile, estimant avoir été saisie en défense par l'OFPRA de conclusions tendant à ce que soit remise en cause la qualité de réfugié de M. B..., a, dans un premier temps, rejeté ces conclusions, avant, dans un second temps, de faire droit aux conclusions de M. B... dirigées contre la décision de l'OFPRA mettant fin à son statut de réfugié, l'OFPRA ne peut, à l'appui d'un pourvoi contre cette décision, utilement soutenir ni que la Cour se serait méprise sur la portée de ses écritures en s'estimant saisie de conclusions tendant à ce que soit remise en cause la qualité de réfugié de M. B..., ni qu'elle aurait méconnu son office et commis une erreur de droit en s'estimant tenue de rechercher si M. B... était toujours fondé à se prévaloir de cette qualité.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la Cour ne s'est pas méprise sur la portée des écritures de l'Office et n'a pas entaché sa décision de contradiction de motifs, en ce qui concerne la cause du rejet des demandes de réduction de peine de M. B..., dont l'Office contestait qu'elle ait pu tenir à leur caractère précoce, l'imputant au comportement de l'intéressé en détention. Sur ce point la Cour s'est bornée à relever que M. B... avait, au cours de l'audience, contesté l'analyse de l'Office sans que son représentant intervienne.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes : / (...) 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, (...) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ". Il résulte de ces dispositions que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, qui est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié dès lors qu'il en remplit les conditions, est subordonnée à deux conditions cumulatives, dont il appartient à l'OFPRA et, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile de vérifier le respect : d'une part, l'intéressé doit avoir fait l'objet de l'une des condamnations que visent les dispositions précitées ; d'autre part, sa présence sur le territoire français doit être de nature à constituer, à la date de leur décision, une menace grave pour la société au sens des dispositions précitées, c'est-à-dire être de nature à affecter un intérêt fondamental de la société, compte tenu des infractions pénales commises - lesquelles ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision refusant le statut de réfugié ou y mettant fin - et des circonstances dans lesquelles elles ont été commises, mais aussi du temps qui s'est écoulé et de l'ensemble du comportement de l'intéressé depuis la commission des infractions ainsi que de toutes les circonstances pertinentes à la date à laquelle ils statuent.

5. Pour annuler la décision de l'OFPRA, la Cour nationale du droit d'asile, après avoir relevé que la première des deux conditions fixées par le 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était en l'espèce remplie, a estimé que M. B..., condamné en juillet 2017 à cinq ans de réclusion criminelle pour des faits, commis le 22 juin 2012, de violences volontaires sur un mineur de moins de 15 ans ayant entraîné la mort sans intention de la donner et bénéficié en prison d'un suivi psychologique, ne s'était signalé depuis lors, notamment pendant, mais aussi après sa détention, par aucun comportement répréhensible et avait, au contraire, manifesté sa volonté de s'intégrer dans la société française en apprenant le français, en suivant, pendant sa détention, plusieurs formations et en y validant des certificats de qualification professionnelle et en cherchant, depuis sa libération, à s'insérer sur le plan professionnel. En déduisant de ces énonciations que c'est à tort que le directeur général de l'OFPRA avait considéré que la présence de M. B... constituait une menace grave pour la société française, la Cour nationale du droit d'asile, qui n'a pas dénaturé les faits de l'espèce, n'a pas commis d'erreur de qualification juridique.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFPRA n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

7. M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. B..., de la somme de 3 000 euros, au titre de ces dispositions, sous réserve que cette société renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'OFPRA est rejeté.

Article 2 : L'OFPRA versera à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. B..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... C... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 14 mars 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Julien Eche, maître des requêtes et M. Benoît Delaunay, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 5 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Benoît Delaunay

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 469816
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2024, n° 469816
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benoît Delaunay
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469816.20240405
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