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18/03/2024 | FRANCE | N°475627

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 18 mars 2024, 475627


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 juillet et 13 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée (SAS) Démocratie et Formation demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de refus née du silence gardé par la Première ministre sur sa demande du 6 mars 2023 tendant au retrait et à l'abrogation des articles 202 A et 202 B de l'annexe II au code général des impôts ;



2°) d'enjoindre à la Première ministre de prendre un décret prévoyant que l'agrément ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 juillet et 13 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée (SAS) Démocratie et Formation demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de refus née du silence gardé par la Première ministre sur sa demande du 6 mars 2023 tendant au retrait et à l'abrogation des articles 202 A et 202 B de l'annexe II au code général des impôts ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre de prendre un décret prévoyant que l'agrément délivré par le ministre chargé des collectivités territoriales attestant qu'un organisme remplit les conditions exigées par la loi pour dispenser une formation liée à l'exercice du mandat des élus locaux peut être reconnu comme une attestation reconnaissant qu'il remplit les conditions fixées pour exercer son activité dans le cadre de la formation professionnelle continue, au sens du a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Démocratie et Formation demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le refus de la Première ministre de retirer et d'abroger les articles 202 A et 202 B de l'annexe II au code général des impôts, en tant qu'ils ne prévoient pas que l'agrément délivré par le ministre chargé des collectivités territoriales attestant qu'un organisme peut dispenser des formations destinées aux élus locaux peut être considéré comme une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant, au sens des dispositions du a du 4° du 4 de l'article 261 du même code, qu'il remplit les conditions fixées pour exercer son activité dans le cadre de la formation professionnelle continue et qu'il peut bénéficier ainsi d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée.

2. Aux termes de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : (...) / i) l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'Etat membre concerné (...) ". En application de l'article 131 de cette directive, cette exonération s'applique " dans les conditions que les Etats membres fixent en vue d'assurer [son] application correcte et simple (...) et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels ".

3. Aux termes de l'article 261 du code général des impôts, procédant à la transposition sur ce point de la directive : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4. (Professions libérales et activités diverses) : (...) / 4° a. les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre : (...) / de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurée soit par des personnes morales de droit public, soit par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de ces dispositions, notamment pour ce qui concerne les conditions de délivrance et de validité de l'attestation (...) ".

4. Aux termes de l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Pour obtenir l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, les personnes de droit privé exerçant une activité de formation professionnelle continue souscrivent une demande sur un imprimé conforme au modèle établi par un arrêté conjoint des ministres chargés de la formation professionnelle continue et du budget. Cette demande est adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou à la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour les départements d'outre-mer dont le demandeur relève (...) / II. - Seules les personnes qui ont souscrit la déclaration mentionnée à l'article L. 6351-1 du code du travail (...) peuvent obtenir l'attestation. / En outre, l'attestation ne peut être délivrée qu'à la condition que l'activité du demandeur entre dans le cadre de la formation professionnelle continue telle que définie conjointement par les articles L. 6311-1 et L. 6313-1 du code du travail (...). Le demandeur doit être à jour de ses obligations résultant de l'article L. 6352-11 du code du travail ". Aux termes de l'article 202 B de la même annexe : " La délivrance de l'attestation entraîne l'exonération de TVA au jour de la réception de la demande. / L'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue (...). Elle s'applique obligatoirement à l'ensemble de ces opérations réalisées par le titulaire de l'attestation ".

5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1221-3 du code général des collectivités territoriales : " Tout organisme public ou privé désirant dispenser une formation liée à l'exercice du mandat des élus locaux est tenu d'obtenir un agrément préalable délivré par le ministre chargé des collectivités territoriales après avis motivé du conseil national de la formation des élus locaux. / La délivrance de cet agrément est subordonnée à la condition que la personne qui exerce à titre individuel ou qui dirige ou gère la personne morale exerçant l'activité de formation n'ait pas fait l'objet d'une condamnation à une peine criminelle ou à une peine correctionnelle d'emprisonnement sans sursis, prononcée depuis moins de dix ans et inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire (...). / Les formations proposées par l'organisme doivent être conformes au répertoire des formations liées à l'exercice du mandat établi en application des articles L. 1221-1 et L. 1221-2. / Les obligations des titulaires d'un agrément sont définies par le ministre chargé des collectivités territoriales (...) ".

6. En premier lieu, en prévoyant aux articles 202 A et 202 B de l'annexe II au code général des impôts que l'attestation prévue au a du 4° du 4 de l'article 261 du même code est délivrée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans les départements d'outre-mer, agissant par délégation du ministre chargé de la formation professionnelle continue, le pouvoir réglementaire a déterminé l'autorité compétente pour délivrer l'attestation conformément à ce que prévoit l'article 261, sans aucunement méconnaître les dispositions de cet article. Contrairement à ce que soutient la société Démocratie et Formation, le pouvoir réglementaire n'était nullement tenu de désigner comme autorité compétente le ministre chargé des collectivités territoriales, la circonstance que celui-ci soit compétent pour délivrer l'agrément prévu à l'article L. 1221-3 du code général des collectivités territoriales pour apprécier si les formations proposées par tout organisme désirant dispenser une formation liée à l'exercice du mandat des élus locaux sont conformes au répertoire des formations établi en application des articles L. 1221-1 et L. 1221-2 du même code étant sans incidence.

7. En deuxième lieu, si la société Démocratie et Formation soutient que les articles 202 A et 202 B de l'annexe II au code général des impôts méconnaîtraient l'article 131 de la directive du 28 novembre 2006 et l'esprit des dispositions de transposition du a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, en faisant valoir que la procédure d'agrément prévue à l'article L. 1221-3 du code général des collectivités territoriales serait davantage susceptible d'assurer, s'agissant des organismes spécialisés dans la formation des élus locaux, une application correcte et simple de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée résultant du i du 1 de l'article 132 de la directive, il ne résulte pas de l'article 131 de la directive l'obligation pour les Etats membres de retenir, pour apprécier les conditions dans lesquelles un organisme peut être reconnu comme ayant des fins comparables à celles d'un organisme public au sens du i du 1 de l'article 132, une voie propre à chaque type d'organisme de formation.

8. En troisième lieu, les dispositions contestées n'excluent ni directement, ni indirectement à raison de critères qui ne pourraient être remplis par ces personnes, du champ des personnes pouvant obtenir l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, les personnes de droit privé qui seraient titulaires de l'agrément délivré sur le fondement de l'article L. 1221-3 du code général des collectivités territoriales. Il s'ensuit que la requérante ne peut utilement soutenir que, faute de pouvoir se voir délivrer l'attestation prévue aux articles 202 A et 202 B de l'annexe II au code général des impôts, ces articles entraîneraient une différence de traitement avec les personnes morales de droit public.

9. En quatrième lieu, la société requérante soutient que les articles 202 A et 202 B de l'annexe II au code général des impôts sont incompatibles avec les objectifs de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 parce qu'ils ouvriraient aux structures concernées un droit d'option pour l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée et que les conditions qu'ils prévoient excèderaient les limites du pouvoir d'appréciation dont chaque Etat membre dispose pour édicter les règles selon lesquelles un organisme justifie de fins comparables avec les organismes de droit public de formation et de recyclage professionnel.

10. Toutefois, par les dispositions attaquées, le pouvoir réglementaire s'est borné à définir, de façon adéquate, pertinente et proportionnée à l'objectif de la directive du 28 novembre 2006, les conditions permettant de justifier qu'un organisme de formation professionnelle continue puisse être reconnu comme ayant des fins comparables avec celles des organismes de droit public, au sens et pour l'application de cette directive. Il résulte ainsi de l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts que l'organisme concerné doit disposer de la déclaration préalable, mentionnée à l'article L. 6351-1 du code du travail, déposée auprès de l'autorité administrative compétente dès la conclusion de la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle, et avoir transmis chaque année à l'autorité administrative compétente, en application de l'article L. 6352-11 du même code, un document retraçant l'emploi des sommes reçues et dressant un bilan pédagogique et financier de son activité, ce document permettant notamment de vérifier, aux fins de la détermination du régime de taxe sur la valeur ajoutée auquel cet organisme est soumis, si son activité entre effectivement dans le cadre de la formation professionnelle continue. Il résulte par ailleurs de l'article 202 B de la même annexe que l'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées par son titulaire dans le cadre de la formation professionnelle continue et qu'elle s'applique obligatoirement à l'ensemble de celles-ci. Par suite, le respect de ces conditions permet d'assurer, dans le respect du principe de neutralité fiscale et sans excéder les limites du pouvoir d'appréciation laissé par la directive à chaque Etat membre, une correcte transposition des dispositions du i du 1 de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 relatives à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des activités de formation et de recyclage professionnel en prévenant toute fraude, évasion et abus éventuels.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Démocratie et Formation n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle la Première ministre a refusé d'abroger et de retirer les articles 202 A et 202 B de l'annexe II au code général des impôts. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Démocratie et Formation est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée Démocratie et Formation.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 février 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Nathalie Escaut, Mme Sylvie Pellissier, M. Vincent Mahé, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.

Rendu le 18 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 475627
Date de la décision : 18/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 mar. 2024, n° 475627
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benjamin Duca-Deneuve
Rapporteur public ?: M. Romain Victor

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475627.20240318
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