Vu la procédure suivante :
La société en nom collectif (SNC) Service Terminal Atlantic Container (STAC) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les titres exécutoires n° 23-573722, 23-573723 et 23-573724 émis à son encontre le 15 avril 2019 par le grand port maritime de Bordeaux portant respectivement avis de paiement des sommes de 46 382,2 euros, 80 525,23 euros et 22 508,8 euros à raison de l'occupation sans droit ni titre des parcelles cadastrées section AI n° 55, 56 et 103, situées rues Bertrand Balguerie et Henri Delattre dans la zone industrielle de fret à Bruges (Gironde), au cours de la période du 12 juin 2017 au 11 mars 2019. Par un jugement n° 19072666 du 15 juillet 2021, ce tribunal a annulé le titre exécutoire n° 23-573722 pour son montant total, partiellement annulé le titre exécutoire n° 23-573723 en tant qu'il porte sur la période du 12 janvier au 18 octobre 2018 et en tant que son montant excède 30 % de l'indemnité à laquelle le grand port maritime de Bordeaux aurait pu prétendre pour la période d'occupation irrégulière du site, et partiellement annulé le titre exécutoire n° 23-573724 en tant qu'il porte sur la période du 7 mars au 11 mars 2019 et en tant que son montant excède 30 % de l'indemnité à laquelle le grand port maritime de Bordeaux aurait pu prétendre pour la période d'occupation irrégulière du site.
Par un arrêt n° 21BX03711 du 23 juin 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel du grand port maritime de Bordeaux, annulé ce jugement et rejeté les conclusions présentées en première instance et en appel par la société STAC.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 septembre et 19 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société STAC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du grand port maritime de Bordeaux la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le décret n° 2008-1034 du 9 octobre 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la société Service Terminal Atlantique Container-Stac et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du Grand Port Maritime de Bordeaux ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le grand port maritime de Bordeaux a conclu le 16 novembre 2015 avec la société Service Terminal Atlantique Container (STAC) une convention d'occupation du domaine public portuaire d'une durée de 15 ans, en vue de la réalisation d'un terminal multimodal pour la gestion logistique de conteneurs dans la zone industrielle de fret de Bruges (Gironde). Cette convention ayant été résiliée à compter du 6 mars 2017 à la demande de la société, qui réclamait par ailleurs le remboursement des investissements effectués sur la parcelle, le grand port maritime de Bordeaux a émis à l'encontre de cette dernière, dont il estimait qu'elle s'était maintenue sans titre sur les lieux du 12 juin 2017 au 11 mars 2019, trois titres exécutoires d'un montant respectif de 46 382,20 euros, 80 525,23 euros et 22 508,80 euros. Saisi par la société STAC, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé en premier lieu que la période d'occupation sans titre pour laquelle le port était en droit de réclamer une indemnité ne s'étendait que du 19 octobre 2018 au 6 mars 2019 et, en second lieu, que le comportement fautif du port, qui n'avait pas mis la société en demeure de quitter les lieux et avait donné son accord pour la présence de conteneurs en périphérie du site afin d'éviter toute intrusion, était de nature à exonérer cette dernière de sa responsabilité à hauteur de 70 %. Il a en conséquence prononcé dans cette mesure l'annulation des titres exécutoires contestés. La société STAC se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et remis à sa charge l'intégralité des sommes réclamées par les titres exécutoires qui lui avaient été notifiés.
2. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que la société STAC reprochait au port de ne pas avoir clôturé la parcelle et indiquait dans son mémoire de première instance que les conteneurs entreposés à la périphérie de cette parcelle y avaient été placés avec l'assentiment du port, pour la sécuriser. La cour administrative d'appel de Bordeaux s'est donc méprise sur la portée des écritures soumises au tribunal administratif en considérant que celui-ci avait soulevé d'office le moyen tiré d'une faute exonératoire commise par le port, alors qu'il s'était borné à statuer sur l'argumentation dont il était saisi. Il s'ensuit que l'arrêt de la cour doit être annulé en tant qu'il a annulé pour irrégularité le jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a statué au titre des périodes du 11 janvier 2018 au 11 janvier 2019 et du 12 janvier au 11 mars 2019 et, statuant par la voie de l'évocation, statue dans cette mesure sur la demande de la société.
3. D'autre part, il ressort du mémoire en défense présenté par la société STAC devant les juges d'appel que celle-ci faisait valoir que le tribunal, statuant au titre des autres périodes, avait à bon droit jugé que le comportement du grand port maritime de Bordeaux constituait une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité à hauteur de 70 % et qu'elle demandait à la cour de confirmer cette position. En remettant à la charge de l'intimée la totalité de chacun des titres exécutoires contestés au motif que celle-ci ne soulevait pas la faute du grand port maritime de Bordeaux, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est donc méprise sur la portée des écritures qui lui étaient soumises. Le surplus de son arrêt doit être annulé pour ce motif.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société STAC est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du grand port maritime de Bordeaux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société STAC, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 23 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Il est mis à la charge du grand port maritime de Bordeaux une somme de 3 000 euros, à verser à la société Service Terminal Atlantic Container en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du grand port maritime de Bordeaux présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société en nom collectif Service Terminal Atlantic Container et au grand port maritime de Bordeaux.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er février 2024 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 4 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Lapierre
La secrétaire :
Signé : Mme Catherine Meneyrol