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29/02/2024 | FRANCE | N°490403

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 29 février 2024, 490403


Vu la procédure suivante :

Mme E... F... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de suspendre l'exécution de la décision du 23 novembre 2023 par laquelle le Dr. H..., médecin au service d'anesthésie et de réanimation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne, a décidé l'arrêt des thérapeutiques prodiguées à M. C... F... à compter du 7 décembre 2023. Par une ordonnance n° 2310123 du 7 décembre 2023, le juge des référés du tribunal

administratif de Lyon, statuant dans les conditions prévues au troisième al...

Vu la procédure suivante :

Mme E... F... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de suspendre l'exécution de la décision du 23 novembre 2023 par laquelle le Dr. H..., médecin au service d'anesthésie et de réanimation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne, a décidé l'arrêt des thérapeutiques prodiguées à M. C... F... à compter du 7 décembre 2023. Par une ordonnance n° 2310123 du 7 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 490403 du 10 janvier 2024, la juge des référés du Conseil d'Etat, statuant dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, a admis l'intervention de Mme B..., suspendu l'exécution de la décision du 23 novembre 2023 de l'arrêt des soins apportés à M. F... jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête, et décidé qu'il sera procédé à une expertise médicale contradictoire afin, d'une part, de décrire l'état clinique actuel de M. F... et notamment son état de conscience et, d'autre part, de se prononcer sur le caractère irréversible de ses lésions cérébrales et sur le pronostic clinique.

Par une ordonnance du 11 janvier 2024, le président de la section du contentieux a désigné comme expert M. A... D..., chef du service d'anesthésie-réanimation chirurgicale de l'hôpital central du centre hospitalier régional universitaire de Nancy.

L'expert a déposé le 8 février 2024 son rapport, qui a été communiqué aux parties.

Par un mémoire, enregistré le 13 février 2024, le CHU de Saint-Etienne a présenté des observations à la suite du rapport d'expertise.

Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par l'ordonnance du 10 janvier 2024 ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme F..., ainsi que Mme B... et d'autre part, le CHU de Saint-Etienne ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 26 février 2024, à 10h30 :

- Me Drusch, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de Mme F... ;

- Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ;

- Mme F... ;

- Mme B... ;

à l'issue de laquelle la juges des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., sœur de M. F..., relève appel de l'ordonnance du 7 décembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de la décision du 23 novembre 2023 par laquelle l'équipe médicale du service d'anesthésie et de réanimation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne en charge de M. F... a décidé l'arrêt des thérapeutiques prodiguées à M. F... à compter du 7 décembre 2023.

2. Par une ordonnance du 10 janvier 2024, la juge des référés du Conseil d'Etat, statuant dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision du 23 novembre 2023 de l'arrêt des soins apportés à M. F... jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête, et décidé qu'il sera procédé à une expertise médicale contradictoire afin, d'une part, de décrire l'état clinique actuel de M. F... et notamment son état de conscience et, d'autre part, de se prononcer sur le caractère irréversible de ses lésions cérébrales et sur le pronostic clinique.

3. Par une ordonnance du 11 janvier 2024, le président de la section du contentieux a désigné comme expert le Professeur D..., chef du service d'anesthésie-réanimation chirurgicale de l'hôpital central du centre hospitalier régional universitaire de Nancy, qui, après avoir examiné M. F... et rencontré sa famille ainsi que l'équipe médicale, a rendu son rapport le 8 février 2024.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient Mme F..., en l'absence de directives anticipées de la part du patient les membres de sa famille ont été consultés à plusieurs reprises par l'équipe médicale sur la décision envisagée d'arrêt des thérapeutiques prodiguées à M. F....

5. En second lieu, il ressort des conclusions de l'expertise réalisée par le professeur D..., sur la base d'un électroencéphalogramme et d'un IRM réalisés respectivement les 17 et 18 janvier 2024 et d'un examen clinique réalisé le 30 janvier 2024, que M. F... présente des lésions hémorragiques graves et irréversibles, conséquence d'un hématome de la partie médiane du tronc cérébral, région par laquelle transitent toutes les voies nerveuses dont celles de la conscience. L'hématome occupant presque la totalité de cette zone, le tronc cérébral est désormais non fonctionnel et ce de manière irréversible. En outre, l'électroencéphalogramme indique que le cerveau est non fonctionnel, ce que confirme l'examen clinique révélant l'impossibilité de tout contact en l'absence de toute réponse à l'appel, réponse au bruit ou aux ordres simples, et de fixation oculaire malgré une ouverture spontanée des yeux. Ainsi, le patient est aujourd'hui en état végétatif ou état d'éveil non répondant. Enfin, il est relié en permanence à un respirateur artificiel et est totalement dépendant de cette assistance.

6. Si Mme F... et Mme B..., tout en prenant acte des conclusions de l'expertise, persistent dans leurs conclusions en faisant valoir que l'état du patient s'est stabilisé, que des améliorations ont été constatées telles que des bâillements et des mouvements oculaires et qu'un délai supplémentaire devrait être accordé afin d'évaluer ses possibilités de rétablissement, il ressort également des conclusions de l'expert que, les examens réalisés par ses soins ayant eu lieu plus de trois mois après l'accident vasculaire cérébral, le pronostic clinique doit être considéré comme fixé et la probabilité d'une amélioration clinique de l'état de M. F... peut être considérée à ce stade comme nulle. Ainsi, ces manifestations identifiées par la famille du patient n'apparaissent pas de nature à invalider le constat du caractère irréversible des lésions cérébrales de M. F....

7. Il résulte de l'ensemble de ces constatations, caractérisées par l'absence de toute perspective thérapeutique et d'évolution de l'état du patient, dans un état irréversible d'abolition de toute conscience, que l'appréciation de l'équipe médicale selon laquelle la poursuite des traitements prodigués à M. F... apparaît comme inutile et de nature à constituer une obstination déraisonnable au sens de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique, et la décision en conséquence de cesser les soins qui lui sont dispensés, ne peuvent être regardées comme portant une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de suspension de la décision d'arrêt des soins prodigués à M. F... prise par les médecins du service d'anesthésie et de réanimation du CHU de Saint-Etienne.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais et honoraires de l'expertise à la charge du CHU de Saint-Etienne.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la requérante à ce titre.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par le Conseil d'Etat sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E... F... et au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.

Copie en sera adressée à Mme G....

Délibéré à l'issue de la séance du 26 février 2024 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, conseillère d'Etat, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon et Mme Célia Vérot, conseillers d'Etat, juges des référés.

Fait à Paris, le 29 février 2024

Signé : Christine Maugüé


Synthèse
Formation : Juge des référés, formation collégiale
Numéro d'arrêt : 490403
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 fév. 2024, n° 490403
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christine Maugüé
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490403.20240229
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