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16/02/2024 | FRANCE | N°475220

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 16 février 2024, 475220


Vu la procédure suivante :



La présidente de la région Occitanie a déféré au tribunal administratif de Montpellier la société de droit espagnol Varadero Vinaròs comme prévenue d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les articles L. 2132-4 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 5337-1 du code des transports, sur la base d'un procès-verbal dressé le 20 mars 2019 constatant l'occupation sans autorisation du domaine public portuaire par le navire dénommé " Rio Tagus ", accosté au quai Paul Riquet à Sète

(Hérault). Par un jugement n° 1902576 du 2 novembre 2020, ce tribunal a condamné la...

Vu la procédure suivante :

La présidente de la région Occitanie a déféré au tribunal administratif de Montpellier la société de droit espagnol Varadero Vinaròs comme prévenue d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les articles L. 2132-4 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 5337-1 du code des transports, sur la base d'un procès-verbal dressé le 20 mars 2019 constatant l'occupation sans autorisation du domaine public portuaire par le navire dénommé " Rio Tagus ", accosté au quai Paul Riquet à Sète (Hérault). Par un jugement n° 1902576 du 2 novembre 2020, ce tribunal a condamné la société Varadero Vinaròs à deux amendes de 3 000 euros, a enjoint cette société de libérer et remettre sans délai les lieux en l'état sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a autorisé la région Occitanie à procéder d'office à la libération du domaine public, aux frais et risques de cette société, et au démantèlement de ce navire à l'issue de ce délai et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un arrêt n° 21TL01463 du 18 avril 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a, sur appel de la société Varadero Vinaròs, annulé ce jugement et relaxé cette société des fins des poursuites engagées à son encontre.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 18 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la région Occitanie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Varadero Vinaròs ;

3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Région Occitanie et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Varadero Vinaròs ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le navire " Rio Tagus ", abandonné par son armateur en 2010 dans le port de Sète, a été acquis aux enchères le 3 octobre 2016 par la société de droit espagnol Varadero Vinaròs. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 20 mars 2019 à son encontre, aux motifs que ce bateau stationnait sans autorisation au quai Paul Riquet et que son état de délabrement risquait de porter atteinte au bon état et à la propreté du port. Le 22 mai 2019, la société Varadero Vinaròs a été déférée par la présidente de la région Occitanie au tribunal administratif de Montpellier comme prévenue d'une contravention de grande voirie. Par un jugement du 2 novembre 2020, ce tribunal a condamné la société à deux amendes de 3 000 euros, lui a enjoint de libérer et de remettre sans délai les lieux en l'état, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a autorisé la région Occitanie, à l'issue de ce délai, à procéder d'office à la libération du domaine public aux frais et risques de la société contrevenante ainsi qu'au démantèlement du navire. La région Occitanie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 avril 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a annulé ce jugement et relaxé la société Varadero Vinaròs des fins des poursuites engagées à son encontre.

2. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal (...) / Pour les contraventions de grande voirie mentionnées au chapitre VII du titre III du livre III de la cinquième partie [du code des transports], les autorités mentionnées aux articles L. 5337-3-1 et L. 5337-3-2 du même code sont compétentes concurremment avec le représentant de l'Etat dans le département (...) / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance ".

3. Le 3° de l'article L. 5331-5 du code des transports prévoit que, dans les ports maritimes de commerce, de pêche ou de plaisance relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements, l'autorité portuaire, qui exerce la police de la conservation du domaine public du port en vertu de l'article L. 5331-7 du même code, est l'exécutif de la collectivité territoriale ou du groupement compétent. Aux termes de l'article L. 5337-3-1 de ce code : " Dans les ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements mentionnés au 3° de l'article L. 5331-5, dans le cas où une contravention de grande voirie a été constatée, le président de l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement saisit le tribunal administratif territorialement compétent, dans les conditions et suivant les procédures prévues au chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative, sans préjudice des compétences dont dispose le préfet en la matière. Il peut déléguer sa signature à un vice-président ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 4231-4 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil régional gère le domaine de la région ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 4231-3 du même code : " Le président du conseil régional est le chef des services de la région. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas d'atteinte au domaine public d'un port maritime relevant d'une région, il incombe au président du conseil régional de notifier au contrevenant la copie du procès-verbal constatant les faits puis d'adresser l'acte de notification au juge des contraventions de grande voirie. Si l'article L. 5337-3-1 du code des transports prévoit que ce président peut, pour ce faire, déléguer sa signature à un vice-président, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le président du conseil régional puisse, en application de l'article L. 4231-3 du code général des collectivités territoriales, également déléguer sa signature à cette fin au responsable d'un des services de la région.

6. Il ressort des énonciations, non contestées sur ce point, de l'arrêt attaqué que le procès-verbal constatant les faits susceptibles de constituer une contravention de grande voirie, dressé le 20 mars 2019, a été notifié à la société Varadero Vinaròs le 22 mai 2019 par le directeur des affaires juridiques de la région Occitanie, auquel la présidente de la région Occitanie avait délégué sa signature par un arrêté du 5 février 2018. Ce directeur a adressé le même jour ce procès-verbal au tribunal administratif de Montpellier. Pour relaxer la société Varadero Vinaròs des fins des poursuites engagées à son encontre pour contravention de grande voirie, la cour administrative d'appel de Toulouse s'est fondée sur ce que la présidente de la région Occitanie ne pouvait légalement déléguer sa signature à ce directeur pour introduire les requêtes liées aux contraventions de grande voirie sur le domaine public portuaire, ce dont elle a déduit que le tribunal administratif avait été saisi par une autorité incompétente. Il résulte de ce qui est dit au point 5 qu'en statuant ainsi, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la région Occitanie est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la région Occitanie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Varadero Vinaròs la somme que demande la région Occitanie au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 18 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Toulouse.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la région Occitanie et à la société Varadero Vinaròs.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 janvier 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Nathalie Escaut, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.

Rendu le 16 février 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 475220
Date de la décision : 16/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - DÉLÉGATIONS - SUPPLÉANCE - INTÉRIM - DÉLÉGATION DE SIGNATURE - CONTRAVENTION DE GRANDE VOIRIE – ATTEINTE AU DOMAINE PUBLIC D’UN PORT MARITIME RELEVANT D’UNE RÉGION – NOTIFICATION DU PROCÈS-VERBAL PAR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL – FACULTÉ DE DÉLÉGUER SA SIGNATURE – A UN VICE-PRÉSIDENT – EXISTENCE – AU RESPONSABLE D’UN DES SERVICES DE LA RÉGION – EXISTENCE.

01-02-05-02 Il résulte des articles L. 774-2 du code de justice administrative (CJA), L. 5331-5 et L. 5331-5-1 du code des transports ainsi que L. 4231-3 et L. 4231-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qu’en cas d’atteinte au domaine public d’un port maritime relevant d’une région, il incombe au président du conseil régional de notifier au contrevenant la copie du procès-verbal constatant les faits puis d’adresser l’acte de notification au juge des contraventions de grande voirie. ...Si l’article L. 5337-3-1 du code des transports prévoit que ce président peut, pour ce faire, déléguer sa signature à un vice-président, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le président du conseil régional puisse, en application de l’article L. 4231-3 du CGCT, également déléguer sa signature à cette fin au responsable d’un des services de la région.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - PROTECTION DU DOMAINE - CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE - POURSUITES - ATTEINTE AU DOMAINE PUBLIC D’UN PORT MARITIME RELEVANT D’UNE RÉGION – NOTIFICATION PAR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL – FACULTÉ DE DÉLÉGUER SA SIGNATURE – A UN VICE-PRÉSIDENT – EXISTENCE - AU RESPONSABLE D’UN DES SERVICES DE LA RÉGION – EXISTENCE.

24-01-03-01-04 Il résulte des articles L. 774-2 du code de justice administrative (CJA), L. 5331-5 et L. 5331-5-1 du code des transports ainsi que L. 4231-3 et L. 4231-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qu’en cas d’atteinte au domaine public d’un port maritime relevant d’une région, il incombe au président du conseil régional de notifier au contrevenant la copie du procès-verbal constatant les faits puis d’adresser l’acte de notification au juge des contraventions de grande voirie. ...Si l’article L. 5337-3-1 du code des transports prévoit que ce président peut, pour ce faire, déléguer sa signature à un vice-président, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le président du conseil régional puisse, en application de l’article L. 4231-3 du CGCT, également déléguer sa signature à cette fin au responsable d’un des services de la région.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2024, n° 475220
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benjamin Duca-Deneuve
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475220.20240216
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