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15/02/2024 | FRANCE | N°462689

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 15 février 2024, 462689


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 1er avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler l'instruction technique DGPE/SDC/2022-68 du 26 janvier 2022, actualisant les modalités de gestion du suivi à mi-parcours des plans d'entreprise et de la demande de paiement de l'acompte à mi-parcours pour les installations progressives, pour les demandes d'aides à l'installation relevant

de la programmation annuelle 2014-2022 et déposées à partir du 1er janvier 2015, en...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 1er avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'instruction technique DGPE/SDC/2022-68 du 26 janvier 2022, actualisant les modalités de gestion du suivi à mi-parcours des plans d'entreprise et de la demande de paiement de l'acompte à mi-parcours pour les installations progressives, pour les demandes d'aides à l'installation relevant de la programmation annuelle 2014-2022 et déposées à partir du 1er janvier 2015, en tant qu'elle ajoute une nouvelle condition de revenu conditionnant le versement à mi-parcours de l'acompte de la dotation jeunes agriculteurs.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2020-131 du 17 février 2020 ;

- l'arrêté du 22 août 2016 relatif à la mise en œuvre des aides à l'installation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une instruction technique DGPE/SDC/2022-68 du 26 janvier 2022, le chef du service compétitivité et performance environnementale de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation a détaillé les modalités de suivi à mi-parcours des plans d'entreprise établis par les bénéficiaires de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs prévue par l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime, et les conséquences à tirer, s'agissant du paiement de l'acompte de 30% prévu à mi-parcours, en complément de l'acompte de 50% versé au moment de l'installation, de ce que le revenu disponible agricole du bénéficiaire de l'aide n'atteint pas, au terme de la deuxième année de mise en œuvre du plan d'entreprise, le niveau prévu par ce dernier. La Confédération paysanne demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette instruction technique en tant qu'elle subordonnerait le bénéfice de la dotation jeune agriculteur en capital à une condition de revenu à mi-parcours qui a été supprimée par le décret du 17 février 2020 relatif aux aides à l'installation en agriculture.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 " Développement des exploitations agricoles et des entreprises " du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil : " 1. L'aide au titre de la présente mesure couvre : / a) l'aide au démarrage d'entreprises pour : / i) les jeunes agriculteurs ; / (...) / 4. L'aide prévue au paragraphe 1, point a), est subordonnée à la présentation d'un plan d'entreprise. La mise en œuvre du plan d'entreprise doit commencer dans un délai de neuf mois à compter de la date de la décision d'octroi de l'aide. / Pour les jeunes agriculteurs bénéficiant de l'aide prévue dans le cadre du paragraphe 1, point a) i), le plan d'entreprise prévoit que le jeune agriculteur satisfait à l'article 9 du règlement (UE) n° 1307/2013, en ce qui concerne les agriculteurs actifs dans un délai de dix-huit mois à compter de la date de son installation. (...) / 5. L'aide prévue au paragraphe 1, point a) est versée en deux tranches au moins, sur une période de cinq ans au maximum. Les tranches peuvent être dégressives. Le paiement de la dernière tranche, prévu au paragraphe 1, points a) i) et a) ii), est subordonné à la bonne mise en œuvre du plan d'entreprise ".

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'Etat détermine le cadre réglementaire national de la politique d'installation et de transmission en agriculture. (...) / Pour l'attribution des aides à l'installation, dans le respect des définitions de jeune agriculteur et de nouvel agriculteur fixées par voie réglementaire, ces autorités s'assurent que : / 1° Les candidats élaborent un projet global d'installation intégrant les aspects économiques et environnementaux ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 330-2 du même code : " Afin de faciliter l'accès aux responsabilités de chef d'exploitation, il est instauré, dans des conditions fixées par décret, un dispositif d'installation progressive mis en place sur une période maximale de cinq ans ".

4. En troisième lieu, aux termes de l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime : " I.- En vue de faciliter leur première installation, il peut être accordé aux jeunes agriculteurs qui prévoient d'exercer une activité agricole au sens de l'article L. 311-1, à l'exclusion des activités aquacoles, et qui satisfont aux conditions fixées par la présente section les aides suivantes : / 1° Une dotation jeunes agriculteurs en capital ; / 2° Des prêts bonifiés à moyen terme spéciaux, dont une partie des intérêts peut être prise en charge. / II.- L'installation peut être réalisée sous trois formes : / -l'installation à titre principal ; / -l'installation à titre secondaire ; / -l'installation progressive. / Au sens du présent chapitre, on entend par date d'installation la date de début de mise en œuvre du plan d'entreprise mentionné à l'article D. 343-7 ". Aux termes de l'article D. 343-4 de ce code : " Pour être éligible au bénéfice des aides mentionnées au I de l'article D. 343-3, le candidat à l'installation doit répondre aux conditions suivantes : / (...) / 5° Présenter dans le plan d'entreprise mentionné à l'article D. 343-7 un projet de développement de l'exploitation d'une durée de quatre ans viable ". Aux termes de l'article D. 343-5 du même code : " Le bénéficiaire des aides mentionnées à l'article D. 343-3 s'engage à : / (...) / 9° S'installer et réaliser son projet conformément au plan d'entreprise et informer l'autorité compétente des changements dans la mise en œuvre du projet (...) / 11° Justifier, par la production de l'attestation de la mutualité sociale agricole, de la forme d'installation choisie ". Aux termes de l'article D. 343-7 du même code : " Le plan d'entreprise expose : (...) l'évolution prévisionnelle du revenu disponible agricole pendant les quatre premières années d'activité. / Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture précise les conditions de vérification de la viabilité du projet d'installation et de suivi du plan d'entreprise ". Aux termes de l'article D. 343-12 de ce code : " (...) Le montant de la dotation jeunes agriculteurs accordée dans le cadre d'une installation à titre secondaire correspond à 50 % du montant de la dotation jeunes agriculteurs accordée dans le cadre d'une installation à titre principal ". Aux termes de l'article D. 343-18-1 du même code : " Lorsque le bénéficiaire ne respecte pas les engagements prévus à l'article D. 343-5, l'autorité compétente prononce la déchéance totale ou partielle des aides dans les cas et conditions prévus à l'annexe à l'article D. 343-18-2 (...) ". Aux termes de l'article D. 343-18-2 de ce code : " (...) Les décisions de déchéance fondées sur le non-respect des engagements prévus aux 9° et 11° de l'article D. 343-5 tiennent compte des circonstances dans lesquelles le plan d'entreprise est mis en œuvre, notamment en cas de crise conjoncturelle. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2016 relatif à la mise en œuvre des aides à l'installation : " 1° En application de l'article D. 343-7 du code rural et de la pêche maritime, le plan d'entreprise établi par le candidat à l'installation doit démontrer la viabilité du projet en présentant : / - en cas d'installation à titre principal, un revenu prévisionnel disponible agricole supérieur ou égal à un salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) annuel, net de prélèvements sociaux, au terme de la quatrième année du plan d'entreprise ; / - en cas d'installation à titre secondaire, un revenu prévisionnel disponible agricole supérieur ou égal à la moitié d'un SMIC annuel, net de prélèvements sociaux, au terme de la quatrième année du plan d'entreprise ; / - en cas d'installation progressive, un revenu prévisionnel disponible agricole supérieur ou égal à la moitié d'un SMIC annuel, net de prélèvements sociaux, au terme de la seconde année de mise en œuvre du projet, et supérieur ou égal à un SMIC annuel, net de prélèvements sociaux, au terme de la quatrième année du plan d'entreprise ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'elles imposent aux candidats à l'installation, pour bénéficier de la dotation en capital prévue en faveur des jeunes agriculteurs, de présenter un plan d'entreprise exposant notamment l'évolution prévisionnelle du revenu disponible agricole pendant les quatre premières années d'activité, que ce plan d'entreprise doit démontrer la viabilité du projet de développement de l'exploitation en présentant notamment, en cas d'installation progressive, un revenu prévisionnel disponible agricole supérieur ou égal, au terme de la deuxième année de ce plan, à la moitié d'un salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) annuel net de prélèvements sociaux, et supérieur ou égal à un tel SMIC annuel au terme de la quatrième année de ce plan, qu'ils doivent s'engager à réaliser leur projet conformément à ce plan d'entreprise et que le non-respect de cet engagement peut entraîner la déchéance totale ou partielle de l'aide.

6. Si le décret du 17 février 2020 relatif aux aides à l'installation en agriculture a abrogé l'article D. 343-6 du code rural et de la pêche maritime qui imposait au bénéficiaire de l'aide de s'engager, d'une part, à disposer d'un revenu disponible agricole au moins égal à 50% de son revenu professionnel global, pour chacune des quatre années de la réalisation du plan en cas d'installation à titre principal, ou au terme de la quatrième année en cas d'installation progressive, et, d'autre part, à atteindre un revenu disponible agricole au moins égal à des niveaux fixés par arrêté, soit au terme du plan, soit, en cas d'installation progressive, au terme de la deuxième année et au terme du plan, cette abrogation est demeurée sans incidence sur les obligations, rappelées au point 5, résultant des dispositions du code rural et de la pêche maritime citées au point 4, toujours en vigueur.

7. Une instruction technique DGPE/SDC/2017-1047 du 29 décembre 2017 a défini les modalités de versement des aides à l'installation et prévu notamment, à cet égard, dans le cadre de l'installation progressive, le versement d'une première fraction (50 % du montant de l'aide) dès la constatation de l'installation, d'une deuxième fraction (30 % du montant de l'aide) en troisième année, après vérification à mi-parcours de la bonne mise en œuvre du plan d'installation, et de la dernière fraction (20 % du montant de l'aide) au cours de la cinquième année, après vérification de la bonne mise en œuvre du projet.

8. Les dispositions de l'instruction du 26 janvier 2022 contestées par la Confédération paysanne, qui modifie l'instruction technique mentionnée au point 7, ont pour seul objet de préciser les modalités de versement aux bénéficiaires de la dotation en capital en faveur des jeunes agriculteurs, en cas d'installation progressive, de l'acompte supplémentaire de 30% à mi-parcours, en subordonnant le versement de cet acompte au respect des exigences découlant des dispositions citées au point 4, sans en faire une condition du paiement, en cinquième année, du solde de la dotation ou du remboursement des acomptes, pour lesquels l'instruction se borne à renvoyer aux attestations de la Mutualité Sociale Agricole fournies par le bénéficiaire de l'aide. Dans ces conditions, la Confédération paysanne n'est pas fondée à soutenir que l'auteur de l'instruction contestée aurait ajouté, pour l'attribution de la dotation jeune agriculteur, en cas d'installation progressive, une condition supplémentaire tenant à l'atteinte d'un revenu disponible agricole minimal au terme de la deuxième année.

9. Il résulte de ce qui précède que la Confédération paysanne n'est pas fondée à demander l'annulation de l'instruction technique qu'elle attaque et que ses conclusions ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font alors obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Confédération paysanne est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération paysanne et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 15 février 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 462689
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2024, n° 462689
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:462689.20240215
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