Vu la procédure suivante :
Mme B... C... et M. E... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution des décisions du 20 novembre et du 6 décembre 2023, prenant effet au 8 janvier 2024, par lesquelles le directeur de l'hôpital San Salvadour a mis fin à la prise en charge de leur fils A... au sein de l'hôpital de jour pédiatrique et, d'autre part, d'enjoindre à cet hôpital de rétablir la prise en charge de ce dernier au sein de l'hôpital de jour, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2400093 du 13 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 janvier 2024, 7 et 8 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 13 janvier 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de suspendre l'exécution des décisions du 20 novembre et du 6 décembre 2023 du directeur de l'hôpital San Salvadour ;
3°) d'enjoindre au directeur de l'hôpital San Salvadour de rétablir la prise en charge de leur fils, A... C..., au sein de l'unité hôpital de jour soins médicaux et de réadaptation de l'hôpital San Salvadour, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'hôpital San Salvadour la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'ordonnance du 13 janvier 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est entachée d'irrégularité dès lors que, d'une part, elle a été rendue en méconnaissance du principe du contradictoire et, que d'autre part, elle est insuffisamment motivée ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que leur fils, A... C..., ne bénéficie plus, depuis le 8 janvier 2024, d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé dans un établissement spécialisé et qu'il doit, par conséquent, être accueilli à domicile par ses parents alors que, en premier lieu, il souffre d'un polyhandicap sévère nécessitant une surveillance constante et des soins quotidiens, en deuxième lieu, cette absence de prise en charge adaptée conduit à un changement brutal de son mode de vie risquant d'entraîner une dégradation de son état de santé et, en dernier lieu, cette situation occasionne pour eux un surcoût financier significatif ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de A... C... de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé ainsi qu'à sa dignité ;
- les décisions du 20 novembre et du 6 décembre 2023 du directeur de l'hôpital San Salvadour méconnaissent le droit de A... C... de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé ainsi que son droit au respect de la dignité humaine dès lors que, en premier lieu, il est parfaitement intégré au sein de l'unité hôpital de jour soins médicaux et de réadaptation de l'hôpital San Salvadour, en deuxième lieu, son accueil par ce service est justifiée par sa proximité avec son domicile et par le besoin d'une prise en charge globale et personnalisée adaptée à son polyhandicap et, en dernier lieu, la proposition de placement dans un internat en maison d'accueil spécialisée pour adultes qui lui a été faite n'est pas appropriée, notamment en raison des terreurs nocturnes répétitives dont il souffre ;
- elles méconnaissent l'article L. 242-4 du code de l'action sociale et des familles dès lors que la fin de la prise en charge hospitalière de A... C... ne peut se justifier par son âge ou par la durée de sa prise en charge ;
- elles ont été prises au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées n'a pas été préalablement saisie, en méconnaissance de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles ;
- elles méconnaissent l'article R. 1112-58 du code de la santé publique dès lors que l'hôpital San Salvadour ne s'est pas préalablement assuré que A... C... disposait d'une autre solution d'accueil adaptée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2024, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme C... et, d'autre part, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 8 février 2024, à 10 heures 30 :
- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme C... ;
- Mme B... C... ;
- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;
- les représentants de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a fixé la clôture de l'instruction au 8 février 2024 à 17 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une carence caractérisée d'une autorité administrative dans l'usage des pouvoirs que lui confère la loi pour mettre en œuvre le droit de toute personne de recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé, tels qu'appréciés par le médecin, peut faire apparaître, pour l'application de ces dispositions, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle risque d'entraîner une altération grave de l'état de santé de la personne intéressée.
3. Né le 22 mai 2003,A... C... souffre d'un poly-handicap depuis sa naissance, se caractérisant notamment par des troubles du spectre autistique, une déficience intellectuelle sévère, une marche autonome limitée et une cécité partielle de l'œil gauche. Après avoir été hospitalisé au service de soins de suite et de réadaptation pédiatrique à l'hôpital San Salvadour de Hyères de 2014 à 2020, il a été pris en charge à partir de 2020 en soins médicaux de réadaptation en hôpital de jour à raison de trois demi-journées par semaine au sein de ce même établissement. Le 6 décembre 2023, le directeur de l'hôpital de San-Salvadour a notifié aux parents de A... C... la fin de la prise en charge de leur fils au sein du service de soins médicaux et de réadaptation en hospitalisation de jour à compter du 22 décembre 2023. M et Mme C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, d'une part, de suspendre l'exécution de cette décision, et, d'autre part, d'enjoindre que leur fils soit réintégré au sein de l'hôpital de jour, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance du 13 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
4. En premier lieu, les requérants font valoir que des comptes rendus médicaux ont été transmis par l'Assistance publique- Hôpitaux de Paris, après l'audience, au juge des référés du tribunal administratif à la demande de ce dernier, et soutiennent que faute de leur avoir communiqué ces productions, ce juge a rendu sa décision en méconnaissance du principe du contradictoire. Il résulte cependant de l'instruction et de l'audience tenue dans la présente instance que les requérants avaient été rendus destinataires de l'ensemble de ces documents par l'équipe médicale de l'hôpital San-Salvadour au fur et à mesure de leur établissement, et en avaient pris connaissance. Par suite et en tout état de cause, le juge des référés, qui n'ignorait pas que ces comptes rendus étaient systématiquement transmis aux parents de A... C..., n'avait pas à rouvrir l'instruction pour les leur communiquer, et le moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, si les requérants ont soutenu devant le premier juge que la décision litigieuse ne revêtait pas un caractère médical, et font valoir que ce dernier n'a pas répondu à ce moyen, ce caractère médical, qui résulte de l'instruction, ressort de la motivation de l'ensemble de l'ordonnance attaquée, qui rappelle les principales étapes de la décision de la commission pluridisciplinaire à laquelle participaient les médecins en charge, depuis plusieurs années, de la prise en charge de A... C.... Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'ordonnance attaquée doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
6. Il résulte de l'instruction et de l'audience tenue dans la présente instance que la décision d'orienter A... C... vers une structure médico-sociale pour adultes et de mettre fin à sa prise en charge à l'hôpital de jour pédiatrique de l'hôpital San Salvadour résultait déjà d'une première décision de l'équipe pluridisciplinaire responsable de cette prise en charge, prise au cours de la réunion dite de synthèse annuelle du 8 juin 2022, et confirmée par une synthèse pluri-professionnelle du 20 juin 2022, et que son père a participé à ces réunions. Ses parents ont ensuite été pleinement informés de la raison d'être de cette décision qui, contrairement à ce qui est soutenu, présentait un caractère médical, n'était pas soumise à la consultation prévue par l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, et se fondait à la fois sur l'âge de A... C... et sur l'inadéquation croissante de la rééducation proposée à l'hôpital avec son handicap et son comportement. A la demande de ses parents et en concertation avec l'agence régionale de santé, sa prise en charge à l'hôpital de jour a cependant été prolongée pour un an à compter de septembre 2022, afin de permettre à sa famille de préparer une prise en charge alternative conforme à la recommandation de l'équipe médicale. Malgré un dialogue avec cette équipe, et certaines prises de contact ponctuelles avec des maisons d'accueil spécialisées pour adultes, les parents de A... C... n'ont pas, pendant cette période, effectué avec diligence l'ensemble des démarches qui auraient permis d'organiser cette nouvelle prise en charge, à laquelle ils n'étaient pas favorables, du fait de leur souhait de voir leur fils poursuivre sa rééducation pédiatrique à l'hôpital de jour. C'est dans ce contexte que le directeur de l'hôpital, suivant la recommandation réitérée de la réunion de synthèse pluridisciplinaire du 23 novembre 2023, a, le 6 décembre 2023, notifié aux parents de A... C... la fin de sa prise en charge à compter du 22 décembre 2023.
7. En premier lieu, il résulte clairement de l'instruction que les parents de A... C... ont disposé, depuis juin 2022, du temps nécessaire à l'organisation de la prise en charge alternative recommandée par l'équipe pluridisciplinaire médicale, et d'un appui constant de cette équipe pour précéder à cette recherche dans les meilleures conditions possibles. En second lieu, il résulte également de l'instruction et des échanges qui ont eu lieu à l'audience que des solutions existent pour permettre désormais, tant la prise en charge à domicile de A... C..., qui en bénéficie déjà pour partie, que son accueil en maison d'accueil spécialisée pour adultes, et que l'équipe médicale qui a pris en charge A... C... depuis plusieurs années prodigue à ses parents un soutien effectif pour l'organisation de cette nouvelle étape de sa prise en charge.
8. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la décision de mettre fin à la prise en charge de A... C... en hospitalisation pédiatrique de jour, fondée sur une appréciation médicale qu'il n'appartient pas au juge des référés de remettre en cause, et mise en œuvre dans un dialogue constant avec ses parents, ne révèle aucune carence du service public hospitalier, et d'autre part, que la situation actuelle de A... C..., qui peut bénéficier localement de solutions adaptées à l'évolution de son handicap, ne présente pas le caractère d'urgence et de gravité requis par l'article L.521-2 du code de justice administrative.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'appel de M. et Mme C... doit être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... C..., à M. E... C... ainsi qu'à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Fait à Paris, le 14 février 2024
Signé : Cyril Roger-Lacan