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05/02/2024 | FRANCE | N°491130

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 05 février 2024, 491130


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Mediflash demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision par laquelle le ministre de la santé et de la prévention ainsi que le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion ont implicitement refusé d'abroger la lettre n° D21-031940/CA/VS du 30 décembre 2021 rel

ative aux plateformes numériques proposant la mise à disposition de personnels par...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Mediflash demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision par laquelle le ministre de la santé et de la prévention ainsi que le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion ont implicitement refusé d'abroger la lettre n° D21-031940/CA/VS du 30 décembre 2021 relative aux plateformes numériques proposant la mise à disposition de personnels paramédicaux aux établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux ;

2°) d'enjoindre à la ministre du travail, de la santé et des solidarités de procéder, dans l'attente de la décision sur le fond, à l'abrogation de la lettre n° D21-031940/CA/VS du 30 décembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que, d'une part, le refus d'abroger la lettre contestée est susceptible de recours et, d'autre part, elle justifie d'un intérêt à agir ;

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard aux conséquences immédiates de la décision contestée sur son activité, attestées par la baisse importante de son chiffre d'affaires ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de droit dans l'application des articles R. 4311-4 du code de la santé publique et 1er de l'arrêté du 10 juin 2021 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'aide-soignant et portant diverses dispositions relatives aux modalités de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, dès lors que ces dispositions n'interdisent pas aux aides-soignants d'exercer leur activité en tant que travailleurs indépendants ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie en ce qu'elle a pour effet de dissuader les établissements de santé de recourir aux plateformes d'intermédiation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Après avoir convoquée à une audience publique,

Vu le procès verbal de l'audience publique du

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la Société Mediflash ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Le 30 décembre 2021, les ministres du travail, de l'emploi et de l'insertion et des solidarités et de la santé ont adressé aux directeurs des établissements de santé une lettre par laquelle ils entendent " attirer [leur] attention sur certains risques juridiques relatifs au recours au plateformes électroniques proposant la mise en relation avec des professionnels paramédicaux exerçant sous statut indépendant ". Cette lettre indique ainsi, en premier lieu, que " les conditions d'exercice de certaines professions réglementées du secteur de la santé font obstacle à l'exercice même de ces activités sous un statut d'indépendant. C'est en particulier le cas de la profession d'aide-soignant " dont il est précisé qu'" en l'état actuel de la règlementation, il n'est donc légalement pas possible pour un aide-soignant d'exercer en tant que travailleur indépendant et d'être mis à disposition auprès d'un établissement de santé ou médico-social sous ce statut. " Six autres professions qui ne pourraient, selon les ministres, être exercées sous un statut de travailleur indépendant sont ensuite mentionnées. En second lieu, les ministres expliquent que " malgré le fait qu'une profession médicale ou para-médicale puisse être exercée sous statut libéral, à l'instar des infirmiers diplômés d'Etat, l'exercice de ces professionnels en tant que travailleur indépendant au sein des établissements de santé ou médico-sociaux peut tomber sous le coup de la qualification de travail dissimulé " et incitent les directeurs d'établissements " à une très grande prudence à l'égard de ce type de propositions commerciales ", leur demandant par ailleurs " d'informer [leurs] salariés ou agents qui [leur] feraient part de la volonté d'exercer leurs fonctions en tant que travailleur indépendant du caractère potentiellement frauduleux de ce type de montage contractuel ". La société Mediflash, qui exploite une plateforme numérique visant à mettre en relation des soignants paramédicaux indépendants et des établissements de santé, a, par courrier du 4 octobre 2023, demandé aux ministres signataires de cette lettre de l'abroger. Elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision de rejet né du silence gardé sur cette demande et d'enjoindre aux ministres de procéder, dans l'attente de la décision sur le fond, à l'abrogation de la lettre.

3. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

4. Afin de démontrer l'existence d'une situation d'urgence à suspendre le refus des ministres du travail et de la santé d'abroger la lettre qu'ils ont adressée aux directeurs d'établissements de santé et médico-sociaux, la société Médiflash fait valoir que cette lettre et les contrôles diligentés par l'inspection du travail et par l'URSSAF pour vérifier les conditions d'emplois par ces établissements de professionnels paramédicaux ont eu pour effet de dissuader de nombreux établissements de recourir à ses services, entraînant une baisse de 40 % de son chiffre d'affaires. Toutefois, si cette lettre, adressée il y a plus de deux ans aux établissements de santé et médico-sociaux, est susceptible d'avoir dissuadé certains établissements de recourir à ces professionnels, il ne résulte d'aucune des pièces produites par la société requérante qu'elle aurait, par elle-même, pour effet de mettre actuellement en péril la survie économique de la société requérante, de sorte qu'il puisse y avoir urgence à en prononcer l'abrogation sans attendre le jugement de la requête au fond.

5. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas satisfaite. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, la requête de la société Médiflash doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société Mediflash est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Mediflash.

Fait à Paris, le 5 février 2024

Signé : Gilles Pellissier


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 491130
Date de la décision : 05/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2024, n° 491130
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:491130.20240205
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