Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 13 août 2020 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) Normandie a prononcé son licenciement pour refus de transfert de son contrat de travail. Par un jugement n° 2001948 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22NT00468 du 7 février 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de Mme A..., annulé ce jugement ainsi que la décision de licenciement en litige.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 avril et 5 juin 2023 et le 10 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre de commerce et d'industrie de région Normandie demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements consulaires ;
- la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de région Normandie et au cabinet François Pinet, avocat de Mme A... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 janvier 2024, présentée par la CCIR Normandie ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le contrat de travail de Mme A..., agent titulaire de la chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCIT) de Caen exerçant des fonctions d'enseignante au sein de l'institut consulaire d'enseignement professionnel - centre de formation des apprentis (ICEP-CFA) rattaché à cet établissement public, a été transféré à compter du 1er janvier 2013, en application des dispositions de l'article 40 de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, à la CCI régionale (CCIR) de Basse-Normandie, laquelle est devenue au 1er janvier 2016, la CCIR de Normandie. Par une délibération du 17 avril 2020, l'assemblée générale de la CCIT de Caen, sur avis conforme de la CCIR de Normandie, a décidé du transfert de l'activité et des personnels de l'ICEP-CFA à une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), dénommée ICEP, dont elle est l'unique associée. Ayant refusé le transfert de son contrat de travail à cette société de droit privé, Mme A... a été licenciée par une décision de la CCIR de Normandie du 13 août 2020. Par un jugement du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision. La CCIR de Normandie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 février 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de Mme A..., annulé ce jugement et la décision de licenciement en litige.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 712-11-1 du code de commerce : " Sans préjudice des dispositions législatives particulières, lorsqu'une personne de droit privé ou de droit public reprend tout ou partie de l'activité d'une chambre de commerce et d'industrie, quelle que soit la qualification juridique de la transformation de ladite activité, elle propose aux agents de droit public employés par cette chambre pour l'exercice de cette activité un contrat de droit privé ou un engagement de droit public./ Le contrat de travail ou l'engagement proposé reprend les éléments essentiels du contrat ou de l'engagement dont l'agent de droit public est titulaire, en particulier ceux qui concernent la rémunération. Les services accomplis au sein de la chambre de commerce et d'industrie sont assimilés à des services accomplis au sein de la personne privée ou publique d'accueil./ En cas de refus de l'agent public d'accepter le contrat ou l'engagement, la chambre de commerce et d'industrie employeur applique, selon des modalités prévues par décret, les dispositions relatives à la rupture de la relation de travail prévues par le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie mentionné à l'article 1er de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ".
3. Aux termes de l'article D. 712-11-2 du même code : " Le repreneur de tout ou partie de l'activité d'une chambre de commerce et d'industrie informe simultanément chaque agent de droit public concerné et la chambre de commerce et d'industrie qui l'emploie de sa proposition de contrat de droit privé ou d'engagement de droit public prévue à l'article L. 712 -11-1 par lettre recommandée avec avis de réception./ Dans un délai maximum d'un mois à compter de la notification de ce courrier, l'agent concerné notifie simultanément sa réponse par courrier recommandé avec avis de réception à la chambre de commerce et d'industrie qui l'emploie et au repreneur. En cas de refus de l'engagement ou du contrat proposé, sans préjudice des dispositions particulières de l'article 33 bis du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie mentionné à l'article 1er de la loi n° 52 1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers, relatif au licenciement d'un délégué syndical ou d'un représentant du personnel, et dans le respect des principes relatifs aux droits de la défense, la chambre de commerce et d'industrie concernée convoque l'agent public pour un entretien, dans un délai maximum de quinze jours ouvrés après la réception de son courrier./ (...) Sans préjudice des propositions de reclassement qui peuvent lui être adressées par la chambre de commerce et d'industrie qui l'emploie, si l'agent confirme son refus d'accepter le contrat ou l'engagement, la chambre de commerce et d'industrie notifie, au moins deux jours ouvrés après l'entretien, le licenciement de l'agent pour refus de transfert, par courrier recommandé avec avis de réception ".
4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que tant qu'un agent titulaire d'une chambre de commerce et d'industrie concerné par ces dispositions n'a pas été placé, le cas échéant, sous un régime de droit privé dans le cadre d'un transfert d'activité réalisé dans les conditions prévues à l'article L. 712-11-1 du code de commerce, son contrat demeure un contrat de droit public, de sorte que le juge administratif est seul compétent pour statuer sur le licenciement mettant fin à un tel contrat.
5. Il résulte des mêmes dispositions que la légalité de ce licenciement est subordonnée au respect de l'exigence de reprise, dans le contrat de travail ou l'engagement proposé par le repreneur de l'activité, des éléments essentiels du contrat ou de l'engagement dont l'agent de droit public est titulaire.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour justifier son refus de la proposition de contrat de travail faite par le repreneur de l'ICEP-CFA, Mme A... faisait valoir que cette offre méconnaissait l'exigence de reprise des éléments essentiels de son contrat résultant des dispositions de l'article L. 712-11-1 du code de commerce. En s'estimant compétente pour apprécier si la teneur de la proposition de contrat de travail respectait cette exigence et en tirant des conséquences de cette appréciation sur la légalité de la décision de licenciement prise par la chambre de commerce et d'industrie régionale, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
7. En second lieu, aux termes de l'article 48-6 bis du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : " Outre les congés payés visés à l'article 27 du statut, les enseignants bénéficient de dispenses de service dont la durée et la répartition dans l'année sont déterminées en Commission Paritaire Régionale (...) ". Aux termes de l'article 48-8 du même statut : " Les Commissions Paritaires Locales des Compagnies Consulaires qui gèrent des services de formation et d'enseignement sont chargées de définir dans leur règlement intérieur visé à l'article 11 du présent statut : (...) / 2. Les dispositions relatives aux dispenses de service en l'absence de cours ; (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à défaut de dispositions relatives aux congés et absences des personnels enseignants dans le règlement intérieur de la CCIR de Normandie adopté le 17 novembre 2017, le règlement intérieur de la CCIT de Caen, modifié en dernier lieu le 14 juin 2011 par la commission paritaire locale, prévoit que " les enseignants de l'ICEP-CFA bénéficient de 5,6 semaines de dispenses de service à prendre selon un calendrier défini préalablement par la direction de l'ICEP-CFA ".
9. Par une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation, la cour administrative d'appel a retenu que l'avenant à la lettre statutaire du 26 novembre 2016, nommant Mme A... à un poste d'assistante pédagogique, n'avait pas modifié les stipulations de son contrat initial par lequel elle avait été titularisée dans des fonctions d'enseignante et que l'intéressée continuait ainsi à bénéficier des " dispenses de service " prévues par les dispositions du règlement intérieur de la CCIT de Caen. La cour a, par ailleurs, souverainement jugé que les " coupures pédagogiques " pratiquées au sein de l'ICEP et prévues dans la proposition de contrat de travail adressée à Mme A... par le repreneur de l'ICEP-CFA ne pouvaient être regardées comme équivalentes aux " dispenses de service " prévues par son contrat initial. En jugeant qu'eu égard à leur importante incidence sur le temps de travail annuel des enseignants de l'ICEP-CFA, ces " dispenses de service " relevaient des éléments essentiels du contrat dont Mme A... était titulaire, au sens des dispositions de l'article L. 712-11-1 du code de commerce, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.
10. Enfin, la mention erronée entachant l'arrêt attaqué, imputant à la CCIR - et non au repreneur de l'ICEP-CFA - de n'avoir pas repris dans la proposition de contrat de travail l'un des éléments essentiels du contrat initial, constitue une simple erreur de plume qui est demeurée sans incidence sur la portée de l'arrêt attaqué.
11. Il résulte de ce qui précède que la CCIR de Normandie n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la chambre de commerce et d'industrie de région Normandie est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de Mme A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la chambre de commerce et d'industrie de région Normandie et à Mme B... A....