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10/01/2024 | FRANCE | N°490403

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 10 janvier 2024, 490403


Vu la procédure suivante :

Mme C... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de suspendre l'exécution de la décision du 23 novembre 2023 par laquelle le Dr. G..., médecin au service d'anesthésie et de réanimation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, a décidé l'arrêt des thérapeutiques prodiguées à M. B... D... à compter du 7 décembre 2023. Par une ordonnance n° 2310123 du 7 décembre 2023, le juge des référés du tribunal admin

istratif de Lyon a rejeté sa demande.



Par une requête et u...

Vu la procédure suivante :

Mme C... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de suspendre l'exécution de la décision du 23 novembre 2023 par laquelle le Dr. G..., médecin au service d'anesthésie et de réanimation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, a décidé l'arrêt des thérapeutiques prodiguées à M. B... D... à compter du 7 décembre 2023. Par une ordonnance n° 2310123 du 7 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 décembre 2023 et le 4 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 7 décembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision portant arrêt des soins prodigués à M. D... ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie de M. D... ;

- la situation d'obstination déraisonnable dans la poursuite des soins n'est pas caractérisée en ce que la décision d'arrêt des soins n'a été prise qu'au regard d'éléments médicaux insuffisants et ne couvrant pas une période suffisamment longue ;

- le témoignage de la volonté exprimée par M. D... n'a pas été recueilli auprès de ses proches, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4121-37-2 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 et 5 janvier 2024, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 3 janvier 2024, Mme Safieton Simaga demande au juge des référés de faire droit aux conclusions de la requête. Elle soutient que son intervention est recevable et s'associe aux moyens exposés dans la requête de Mme D....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme D..., ainsi que Mme Simaga et, d'autre part, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 8 janvier 2023, à 10h30 :

- Me Prigent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme D... ;

- Mme D... ;

- Mme Simaga ;

- Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ;

- le représentant du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., sœur de M. D..., relève appel de l'ordonnance du 7 décembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de la décision du 23 novembre 2023 par laquelle le Dr. G..., médecin au service d'anesthésie et de réanimation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, a décidé l'arrêt des thérapeutiques prodiguées à M. D... à compter du 7 décembre 2023.

Sur l'intervention volontaire :

2. Mme Simaga, compagne de M. D... et mère de leurs deux enfants, justifie suffisamment de son intérêt à intervenir au soutien de la demande de Mme D.... Il y a donc lieu d'admettre son intervention.

Sur l'office du juge des référés :

3. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Ces dispositions législatives confèrent au juge des référés, qui statue, en vertu de l'article L. 511-1 du code de justice administrative, par des mesures qui présentent un caractère provisoire le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d'évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales.

4. Toutefois, il appartient au juge des référés d'exercer ses pouvoirs de manière particulière lorsqu'il est saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une décision, prise par un médecin, dans le cadre défini par le code de la santé publique, et conduisant à arrêter ou à ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement qui apparaît inutile ou disproportionné ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, dans la mesure où l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Il doit alors prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, qui sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable.

Sur le cadre juridique du litige :

5. Aux termes de l'article L. 1110-1 du code la santé publique : " Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. (...) " L'article L. 1110-2 de ce code dispose que : " La personne malade a droit au respect de sa dignité ".

6. Aux termes de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté (...) ". Aux termes de l'article L. 1110-5-1 du même code : " Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " (...) Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical (...) ".

7. Par ailleurs, l'article L. 1111-11 de ce code dispose que : " Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'acte médicaux. / À tout moment et par tout moyen, elles sont révisables et révocables. Elles peuvent être rédigées conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu'elle se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle les rédige. " / Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. / La décision de refus d'application des directives anticipées, jugées par le médecin manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, est prise à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire et est inscrite au dossier médical. Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches. (...) ".

8. Enfin, selon l'article R. 4127-37-1 du code de la santé publique : " I. - Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin en charge du patient est tenu de respecter la volonté exprimée par celui-ci dans des directives anticipées, excepté dans les cas prévus aux II et III du présent article. / II.- En cas d'urgence vitale, l'application des directives anticipées ne s'impose pas pendant le temps nécessaire à l'évaluation complète de la situation médicale. / III.- Si le médecin en charge du patient juge les directives anticipées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale, le refus de les appliquer ne peut être décidé qu'à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1111-11. Pour ce faire, le médecin recueille l'avis des membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et celui d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, avec lequel il n'existe aucun lien de nature hiérarchique. Il peut recueillir auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient. / IV. - En cas de refus d'application des directives anticipées, la décision est motivée. Les témoignages et avis recueillis ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient. / La personne de confiance, ou, à défaut, la famille ou l'un des proches du patient est informé de la décision de refus d'application des directives anticipées. ". Et aux termes de l'article R. 4127-37-2 du même code : " I. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement respecte la volonté du patient antérieurement exprimée dans des directives anticipées. Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés, au titre du refus d'une obstination déraisonnable, ne peut être prise qu'à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1110-5-1 et dans le respect des directives anticipées et, en leur absence, après qu'a été recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient. / II. - Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. (...) / La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale. / III. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. (...) / IV. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est motivée. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. La volonté de limitation ou d'arrêt de traitement exprimée dans les directives anticipées ou, à défaut, le témoignage de la personne de confiance, ou de la famille ou de l'un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient. ".

9. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, ainsi que de l'interprétation que le Conseil constitutionnel en a donnée dans sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, qu'il appartient au médecin en charge d'un patient, lorsque celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté, d'arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu'à l'issue d'une procédure collégiale, destinée à l'éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d'un arrêt du traitement.

10. Pour l'application de ces dispositions, la ventilation mécanique ainsi que l'alimentation et l'hydratation artificielles sont au nombre des traitements susceptibles d'être arrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable. Cependant, la seule circonstance qu'une personne soit dans un état irréversible d'inconscience ou, à plus forte raison, de perte d'autonomie la rendant tributaire d'un tel mode de suppléance des fonctions vitales ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l'obstination déraisonnable.

11. Pour apprécier si les conditions d'un arrêt des traitements de suppléance des fonctions vitales sont réunies s'agissant d'un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu'en soit l'origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscience minimale le mettant hors d'état d'exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend de ce mode d'alimentation et d'hydratation, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité. Les éléments médicaux doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état depuis la survenance de l'accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique.

12. Une attention particulière doit être accordée à la volonté que le patient peut avoir exprimée, par des directives anticipées ou sous une autre forme. A défaut de directives anticipées, le médecin doit prendre sa décision après consultation de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille et de ses proches ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs.

Sur les circonstances du litige :

13. Il résulte de l'instruction que M. D..., né le 26 août 1988 et souffrant d'hypertension artérielle maligne, a été admis le 18 octobre 2023 dans l'unité de réanimation B du service d'anesthésie et de réanimation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne en état de coma spontané profond à la suite d'un accident vasculaire hémorragique massif au niveau du tronc cérébral ayant généré un volumineux hématome. Le pronostic neurologique de l'intéressé est apparu d'emblée très péjoratif, eu égard à l'importance et à la localisation de l'hématome, et aucune intervention neurochirurgicale ni tentative de neuro-réanimation n'ont pu être pratiquées. Les tentatives de transfert du patient dans un service de réanimation plus proche du domicile de sa famille se sont heurtées au refus de tous les services des hôpitaux contactés d'accepter ce patient, au vu de son état médical. Sur la base de l'ensemble de la prise en charge et des examens pratiqués au cours des premières semaines du séjour de M. D..., l'équipe médicale chargée de son suivi, considérant que la poursuite des thérapeutiques actives constituerait une obstination déraisonnable dans des traitements apparaissant inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, a engagé le 16 novembre 2023 la procédure collégiale prévue à l'article R. 4127-37-2 du code de la santé publique, qui a conduit à la décision, le 23 novembre 2023, de procéder à l'arrêt des soins et des traitements prodigués à M. D... à compter du 7 décembre suivant.

14. C'est dans ces circonstances et au regard de l'ensemble des éléments de l'instruction que, par une ordonnance du 7 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté la requête de Mme D... tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 23 novembre 2023.

Sur la requête en référé :

15. Pour justifier du bien-fondé de la décision contestée, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne fait valoir, dans ses écritures et lors des échanges intervenus lors de l'audience, que M. D... présente des lésions hémorragiques particulièrement graves du tronc cérébral révélées par un examen tomodensitométrique réalisé le 18 octobre 2023, confirmé par un doppler réalisé le 27 octobre 2023 et se traduisant notamment par un électroencéphalogramme sans réactivité, des potentiels évoqués auditifs et somesthésiques ne franchissant pas le tronc cérébral en direction du cortex et une persistance du coma profond, avec un score de Glasgow compris entre trois et quatre, qu'il ne peut respirer qu'avec l'assistance d'un respirateur artificiel et que son état, qui n'a connu aucune évolution favorable, est insusceptible de toute amélioration et ne fait au contraire que se dégrader. Si ces constatations ont conduit l'équipe médicale à estimer que la poursuite des traitements caractériserait une obstination déraisonnable, Mme D... soutient qu'il y a une certaine évolution positive de la situation médicale de son frère, que des bâillements et des mouvements oculaires, y compris à la demande, ont pu être constatés chez lui, que la réalisation d'un seul examen d'imagerie médicale, à très bref délai après l'accident vasculaire hémorragique, ne permet pas de s'assurer que la poursuite des soins serait inutile et que dans ces conditions, l'existence d'une obstination déraisonnable n'est pas caractérisée. Eu égard à ces divergences dans l'appréciation de l'état du patient ainsi qu'à l'absence d'examen d'imagerie médicale toute récente, il y a lieu, avant que le juge des référés du Conseil d'Etat statue sur l'appel dont il est saisi, que soit ordonnée une expertise médicale, confiée à un praticien disposant de compétences reconnues en neurosciences, aux fins de se prononcer, après avoir examiné le patient et les examens d'imagerie médicale récents qu'il appartiendra au centre hospitalier de lui communiquer, rencontré l'équipe médicale et le personnel soignant en charge de ce dernier et, si nécessaire, fait réaliser des examens complémentaires, sur l'état actuel de M. D... et de donner au juge des référés du Conseil d'Etat toutes indications utiles, en l'état de la science, sur les perspectives d'évolution qu'il pourrait connaître.

16. Il y a lieu par suite, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 23 novembre 2023 d'arrêt des traitements jusqu'à ce que le juge d'appel se soit prononcé, une fois la mesure d'instruction énoncée au point précédent mise en œuvre et, d'autre part, de réserver les autres conclusions en demande et en défense.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention présentée par Mme Simaga est admise.

Article 2 : Avant de statuer sur la requête, il sera procédé par un médecin, désigné par le président de la section du contentieux, à une expertise, diligentée de manière contradictoire, aux fins :

- de décrire l'état clinique actuel de M. D... et notamment son état de conscience ;

- de se prononcer sur le caractère irréversible de ses lésions cérébrales et sur le pronostic clinique.

Article 3 : L'expert devra procéder à l'examen de M. D..., rencontrer l'équipe médicale et le personnel soignant en charge de ce dernier et prendre connaissance de l'ensemble de son dossier médical. Il disposera des examens d'imagerie médicale récents appropriés et pourra consulter tous documents, procéder à tous examens ou vérifications utiles et entendre toute personne compétente. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative et rendra son rapport avant le 13 février 2024.

Article 4 : L'exécution de la décision du 23 novembre 2023 de procéder à l'arrêt des soins et traitements prodigués à M. D... à compter du 7 décembre suivant est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... D... et au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.

Copie en sera adressée à Mme Safieton Simaga.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 janvier 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, conseillère d'Etat, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon et Mme Célia Vérot, conseillers d'Etat, juges des référés.

Fait à Paris, le 10 janvier 2024

Signé : Christine Maugüé


Synthèse
Formation : Juge des référés, formation collégiale
Numéro d'arrêt : 490403
Date de la décision : 10/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jan. 2024, n° 490403
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christine Maugüé
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490403.20240110
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