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29/12/2023 | FRANCE | N°489984

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 décembre 2023, 489984


Vu la procédure suivante :

L'association régionale pour l'intégration des personnes en situation de handicap ou en difficulté (ARI), gestionnaire de l'institut médico-éducatif (IME) Mont-Riant à Marseille, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution d'une décision révélée par un courriel du 10 novembre 2023 du département des Bouches-du-Rhône relatif à l'admission au sein de l'IME Mont-Riant de M. A... B..

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Vu la procédure suivante :

L'association régionale pour l'intégration des personnes en situation de handicap ou en difficulté (ARI), gestionnaire de l'institut médico-éducatif (IME) Mont-Riant à Marseille, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution d'une décision révélée par un courriel du 10 novembre 2023 du département des Bouches-du-Rhône relatif à l'admission au sein de l'IME Mont-Riant de M. A... B... le lundi 20 novembre 2023 à 14 heures en deuxième lieu, d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône de cesser toute pression visant à imposer la prise en charge d'enfants à l'IME lorsque sa capacité maximale est atteinte et, en dernier lieu, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 2310882 du 22 novembre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, en premier lieu, suspendu l'exécution de cette décision, en deuxième lieu, mis à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en troisième lieu, rejeté le surplus des conclusions de la requête de l'ARI et, en dernier lieu, rejeté les conclusions du département des Bouches-du-Rhône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Bouches-du-Rhône demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 novembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par l'ARI en première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'ARI la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance du 22 novembre 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne caractérise pas l'atteinte grave et manifestement illégale que porterait la décision du 10 novembre 2023 au droit de l'ensemble des enfants accueillis au sein de l'IME Mont-Riant et de M. B... de recevoir les traitements et soins les plus appropriés à leur état de santé ainsi qu'à leur droit à l'éducation et à l'instruction ;

- la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que, d'une part, l'urgence à statuer résulte du jugement d'assistance éducative du 17 octobre 2023 et non de la décision contestée et, d'autre part, l'ARI s'est elle-même placée dans une situation d'urgence, et au surplus dans une situation d'illégalité, en n'exécutant pas ce jugement ;

- il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

- le droit des enfants accueillis au sein de l'IME Mont-Riant et de M. B... de recevoir les traitements et soins les plus appropriés à leur état de santé ainsi que le droit à l'éducation et à l'instruction ne sont pas des libertés fondamentales au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

- en tout état de cause, elle ne porte pas atteinte au droit de M. B... de recevoir les traitements et soins les plus appropriés à son état de santé ni à son droit à l'éducation et à l'instruction dès lors que l'IME constitue pour lui une structure adaptée, comme relevé par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Marseille dans son jugement du 17 octobre 2023 et dans la décision du 15 mai 2023 de la Maison départementale des personnes handicapées ;

- elle ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur des enfants accueillis au sein de l'IME dès lors qu'elle n'implique l'exclusion que d'un enfant ou d'un adolescent, auquel l'IME aura la charge de proposer une autre structure d'accueil adaptée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2023, l'ARI conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que l'exécution de la décision du 10 novembre 2023 du département des Bouches-du-Rhône soit suspendue et, en tout état de cause, à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la condition d'urgence est satisfaite, et qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de l'éducation ;

- le code des procédures civiles d'exécution ;

- le code de justice administrative ;

Vu le mémoire après audience, enregistré le 20 décembre 2023, présenté par le département des Bouches-du-Rhône ;

Vu le mémoire après audience, enregistré le 27 décembre 2023, présenté par l'ARI ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le département des Bouches-du-Rhône et, d'autre part, l'ARI ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 18 décembre 2023, à 11 heures :

- Me Le Prado, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate du département des Bouches-du-Rhône ;

- Me Bardoul, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'ARI ;

- la représentante de l'ARI ;

à l'issue de laquelle la juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 28 décembre 2023 à 12 heures ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. M. A... B..., né le 26 décembre 2014, a été placé en 2020 auprès des services d'aide sociale à l'enfance du département des Bouches-du-Rhône par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Marseille, en raison des troubles psychiques importants dont lui et sa mère, Mme C... B..., sont atteints. Par une décision du 15 mai 2023, la CDAPH lui a attribué une orientation en internat à temps plein dans un institut médico-éducatif (IME), valable du 11 mai 2023 au 31 août 2028. Par un jugement du 17 octobre 2023, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Marseille a maintenu le placement de A... B... auprès de l'aide sociale à l'enfance jusqu'au 19 octobre 2023, confié ce dernier à l'IME Mont-Riant à compter du 20 octobre 2023 au 31 octobre 2024, chargé le département des Bouches-du-Rhône d'organiser une veille socio-éducative consistant en l'organisation des visites familiales et de coordonner les différents acteurs médico-sociaux-éducatifs dans l'intérêt du jeune enfant A..., et ordonné l'exécution provisoire de sa décision. Le 10 novembre 2023, alors que A... B... était toujours sous la garde des services de l'aide sociale à l'enfance, le département des Bouches-du-Rhône a adressé à l'IME Mont-Riant un courriel par lequel, après avoir constaté l'absence de prise en charge de l'enfant par l'IME Mont-Riant et l'obligation de mise en œuvre de la décision de placement, a indiqué que cet accueil devrait avoir lieu à compter du 20 novembre 2023. Après avoir été présenté le lundi 20 novembre 2023 par les services de l'aide sociale à l'enfance à l'IME Mont-Riant afin qu'il soit procédé à son admission et que l'IME Mont-Riant y ait fait obstacle, A... B... a été amené par les pompiers aux urgences de l'hôpital du pays Salonais pour ensuite être accueilli par le Foyer de l'Enfance de Salon de Provence. Par une ordonnance n° 2310882 du 22 novembre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi, par l'ARI a suspendu l'exécution de la décision du département des Bouches-du-Rhône révélée par le courriel du 10 novembre 2023, mis à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties. Le département des Bouches-du-Rhône relève appel de cette ordonnance.

3. Postérieurement à cette ordonnance, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Marseille, saisi par le département des Bouches-du-Rhône, a, par un jugement du 29 novembre 2023, constaté que l'ARI n'avait pas exécuté la décision du juge des enfants du 17 octobre 2023 et a, en conséquence, assorti celle-ci d'une astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard. Néanmoins, faute d'être accueilli à l'IME Mont-Riant, M. B... a été provisoirement pris en charge dans un institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) à compter du 27 novembre 2023, placement qui a été confirmé par une nouvelle décision de la CDAPH en date du 14 décembre 2023 attribuant à M. B... une orientation en ITEP valable du 7 décembre 2023 au 31 août 2028 en remplacement de l'orientation en IME initialement prévue. Enfin, par une ordonnance du 22 décembre 2023 la première présidente de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté la demande de l'ARI tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 17 octobre 2023.

4. Il ressort des termes mêmes du courriel du département des Bouches-du-Rhône dont l'ARI a demandé la suspension de l'exécution au juge des référés du tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l'article L.521-2 du code de justice administrative, qu'outre le rappel de l'obligation de l'ARI d'accueillir A... B... au sein de l'IME Mont-Riant, lequel était dépourvu de tout caractère exécutoire en l'absence de pouvoir de mise en demeure ou d'injonction du département à l'égard de l'ARI, celui-ci a eu pour seul effet de révéler la décision du département de mettre fin à la prise en charge de l'enfant A... B... par les service de l'aide sociale à l'enfance à compter du 20 novembre 2023. Cette décision, à supposer qu'elle ait fait grief à l'ARI, n'a pu constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale dès lors qu'elle a été prise en exécution de la décision du juge des enfants du tribunal judiciaire de Marseille du 17 octobre 2023 mettant fin au placement de l'enfant auprès des services du département à compter du 19 octobre 2023, qu'il appartenait à l'ARI comme elle l'a d'ailleurs fait ultérieurement, de contester par les voies de droit appropriées. Par suite, le département des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prononcé la suspension de l'exécution de sa décision révélée par le courriel du 10 novembre 2023. Il y a lieu d'annuler l'ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2023 et de rejeter la demande formée par l'ARI devant ce tribunal.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2023 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par l'ARI devant la juge des référés du tribunal administratif de Marseille au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au département des Bouches-du-Rhône et à l'association régionale pour l'intégration des personnes en situation de handicap ou en difficulté.

Fait à Paris, le 29 décembre 2023

Signé : Célia Vérot


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 489984
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 489984
Composition du Tribunal
Avocat(s) : BARDOUL ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:489984.20231229
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