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28/12/2023 | FRANCE | N°489897

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 28 décembre 2023, 489897


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... B..., épouse A..., demande à la juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 7 septembre 2023 du garde des sceaux, ministre de la justice, prononçant à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée d'un an avec privation totale de son traitement

;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... B..., épouse A..., demande à la juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 7 septembre 2023 du garde des sceaux, ministre de la justice, prononçant à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée d'un an avec privation totale de son traitement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite, eu égard à sa vulnérabilité, aux difficultés financières auxquelles elle se trouve exposée du fait de la privation totale de son traitement et à l'absence d'intérêt public s'opposant à la reprise de ses fonctions ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- l'avis du 29 juin 2023 du Conseil supérieur de la magistrature est entaché d'irrégularités, d'une part, en ce qu'il a été rendu sur le rapport à charge de deux rapporteurs, lesquels ne l'ont pas auditionnée et ont retenu un grief qui ne figurait pas dans la saisine initiale du ministre, d'autre part, en ce qu'il a été délibéré en présence d'un membre qu'elle avait récusé et dont rien ne permet de penser qu'il n'a pas pris part à la délibération sur sa demande de récusation ;

- le garde des sceaux, ministre de la justice, a méconnu sa compétence et insuffisamment motivé sa décision en se bornant à renvoyer à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature, sans exercer le pouvoir d'appréciation qui lui incombe ;

- cet avis est entaché d'inexactitudes factuelles, d'erreurs de droit et d'erreurs de qualification juridique en ce qu'il retient l'existence de manquements déontologiques constitutifs de fautes disciplinaires ;

- la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B..., épouse A..., et, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 22 décembre 2023, à 11 heures :

- Me Bardoul, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B..., épouse A... ;

- Mme B..., épouse A... ;

- les représentantes du garde des sceaux, ministre de la justice ;

à l'issue de laquelle la juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 26 décembre 2023 à 12h, puis à 17h le même jour ;

Vu les deux mémoires, enregistrés le 26 décembre 2023, par lesquels Mme B..., épouse A..., maintient ses conclusions et apporte des précisions au soutien de ses moyens, s'agissant de sa recherche d'emploi, de la procédure suivie devant le Conseil supérieur de la magistrature et des faits qui lui sont reprochés, notamment sur le contexte de sa démarche auprès du bâtonnier et sur la parfaite information du procureur général par son avocat ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 26 décembre 2023, par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, maintient ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la loi organique n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

3. Pour justifier l'urgence qui s'attache, selon elle, à la suspension de l'exécution de la sanction qui lui a été infligée le 7 septembre 2023 par le garde des sceaux, ministre de la justice, Mme B..., épouse A..., soutient que cette sanction l'excluant de ses fonctions de substitute du procureur de la République avec privation totale de son traitement pour une durée d'un an la place dans une situation de grande vulnérabilité, en particulier sur le plan financier. Elle fait valoir que la seule pension de retraite de son époux ne permet pas de faire face à l'ensemble des charges financières de leur foyer, notamment pour la scolarisation de leur enfant en bas âge ainsi que pour les remboursements de crédits immobiliers et à la consommation, alors qu'elle n'a droit à aucune aide. Il résulte toutefois de l'instruction, des échanges à l'audience et des pièces produites après l'audience que la requérante, au demeurant propriétaire d'un bien immobilier dont elle tire un revenu locatif, ne se trouve nullement démunie, au vu de sa qualification, de ses compétences et de son expérience professionnelle, pour trouver un emploi à brève échéance, soit dans la profession d'avocat, hors du ressort du tribunal où elle était affectée en tant que magistrate, soit dans une autre profession, même si sa recherche entreprise depuis quelques semaines n'a pas encore abouti. Par suite, à la date de la présente ordonnance, la situation personnelle de la requérante ne conduit pas à regarder la condition d'urgence comme remplie.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, que la requête de Mme B..., épouse A..., doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B..., épouse A..., est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... B..., épouse A..., et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Fait à Paris, le 28 décembre 2023

Signé : Suzanne von Coester


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 489897
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2023, n° 489897
Composition du Tribunal
Avocat(s) : BARDOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:489897.20231228
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