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15/12/2023 | FRANCE | N°473300

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 15 décembre 2023, 473300


Vu la procédure suivante :



Par un jugement du 22 décembre 2014, le conseil de prud'hommes d'Angers a sursis à statuer sur le litige opposant M. A... B... à la SNCF jusqu'à ce que la juridiction administrative compétente se soit prononcée sur la légalité des dispositions du paragraphe 3 de l'article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel.



Par un jugement n° 1908380 du 15 décembre 2022, enregistré le 14 avril 2023 au secrétariat du contentieux, le tribunal administratif de Nantes

a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justic...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 22 décembre 2014, le conseil de prud'hommes d'Angers a sursis à statuer sur le litige opposant M. A... B... à la SNCF jusqu'à ce que la juridiction administrative compétente se soit prononcée sur la légalité des dispositions du paragraphe 3 de l'article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel.

Par un jugement n° 1908380 du 15 décembre 2022, enregistré le 14 avril 2023 au secrétariat du contentieux, le tribunal administratif de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête et le mémoire en réplique de M. B..., enregistrés les 29 juillet 2019 et 12 juillet 2022 au greffe de ce tribunal, ainsi que les deux mémoires en défense de la société anonyme SNCF Voyageurs, venue aux droits de la SNCF, enregistrés les 18 février et 25 octobre 2022.

Par cette requête et ce mémoire en réplique et par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 7 août et 14 octobre 2023, M. B... demande au Conseil d'État :

1°) d'apprécier la légalité des dispositions du paragraphe 3 de l'article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel et de déclarer que ces dispositions sont entachées d'illégalité ;

2°) de mettre à la charge de la SNCF la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de procédure civile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M. B... et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société nationale SNCF et la société SNCF Voyageurs ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 22 décembre 2014, le conseil de prud'hommes d'Angers, saisi d'un litige opposant M. B... à la SNCF, a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité des dispositions du paragraphe 3 de l'article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SNCF :

2. Une partie au litige qui a conduit le juge judiciaire à surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge administratif se soit prononcé sur la légalité d'un acte administratif a, de ce seul fait, lorsque la question préjudicielle ainsi soulevée n'a pas été transmise à la juridiction administrative par la juridiction judiciaire en application de l'article 49 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles, qualité pour former devant la juridiction administrative, qui est tenue d'y statuer, un recours en appréciation de légalité de l'acte en cause sans que sa recevabilité soit soumise aux conditions posées pour l'exercice d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société nationale SNCF et la société SNCF Voyageurs, tirée de ce que M. B... n'a pas produit, à l'appui de sa requête, en application des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, la version du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel applicable au litige dont le conseil de prud'hommes d'Angers est saisi ne peut qu'être écartée. Au demeurant, les dispositions du paragraphe 3 de l'article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel sont demeurées inchangées entre leur version du 30 mai 2011, applicable au litige, et celle du 1er janvier 2015, produite par le requérant.

Sur la légalité des dispositions contestées :

3. L'article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, relatif aux congés de disponibilité sans maintien des droits à la retraite, définit les conditions dans lesquelles les agents de la SNCF qui le demandent pour convenances personnelles, d'une part, peuvent se voir accorder, par décision du directeur de la région ou de l'autorité assimilée, qui peut toujours le refuser, un congé de disponibilité, d'une durée maximum de quatre ans, sans faculté de versements au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF et, d'autre part, doivent, pour ne pas être considérés comme ayant rompu leur contrat de travail, demander, deux mois à l'avance au moins, leur " remise en service " ou la prolongation de leur disponibilité, dans la limite de la durée totale de quatre ans. Le paragraphe 3 de cet article, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : " Les agents mis en congé de disponibilité sans faculté de versements sont avisés par écrit que leur remise en service sera subordonnée à l'existence d'une vacance. / Lorsqu'il n'existe pas de vacance permettant leur réintégration, les intéressés continuent à être placés en situation de disponibilité jusqu'à ce qu'un emploi puisse leur être offert ". Aux termes de l'article 11 du chapitre 6 de ce statut : " Un emploi vacant est un emploi prévu au cadre autorisé et non pourvu d'un titulaire " et " En cas de vacance dans un emploi, l'employeur concerné doit prendre immédiatement des dispositions pour y nommer un titulaire ".

4. En premier lieu, M. B... ne saurait utilement soutenir que les dispositions contestées présenteraient, au motif qu'elles feraient dépendre la réintégration des agents en fin de disponibilité sans faculté de versements de la seule volonté de la SNCF, un caractère " potestatif " et devraient, par conséquent, être regardées comme nulles en vertu de l'article 1304-2 du code civil, dès lors que le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ne revêt pas le caractère d'une convention de droit privé mais présente un caractère règlementaire. Au demeurant, il résulte des dispositions citées au point précédent que la réintégration des agents en fin de disponibilité est subordonnée à une condition objective de vacance d'emploi et que l'employeur doit prendre immédiatement, en cas de vacance d'emploi, des dispositions pour y nommer un titulaire, de sorte que la réintégration d'un agent à l'issue d'un congé de disponibilité sans faculté de versements ne peut être regardée comme laissée à la seule volonté de la SNCF.

5. En second lieu, il résulte des dispositions contestées qu'un agent de la SNCF mis en congé de disponibilité sans faculté de versements au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi prévu au cadre autorisé et non pourvu d'un titulaire, d'obtenir sa réintégration s'il la demande deux mois à l'avance au moins. Si ces dispositions n'imposent pas à l'autorité dont relève l'agent de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable. Les dispositions contestées ne sauraient être regardées comme illégales faute qu'elles le mentionnent expressément.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du paragraphe 3 de l'article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel sont entachées d'illégalité.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SNCF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société nationale SNCF et la société SNCF Voyageurs au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité du paragraphe 3 de l'article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel soulevée par M. B... devant le conseil de prud'hommes d'Angers n'est pas fondée.

Article 2 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société nationale SNCF, première dénommée, pour les défenderesses, et au conseil de prud'hommes d'Angers.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 novembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Vérot, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Anne Redondo maître des requêtes et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 15 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473300
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

65-01-02-05-01 1) Il résulte du paragraphe 3 de l’article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel qu’un agent de la SNCF mis en congé de disponibilité sans faculté de versements au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF a le droit, sous réserve de la vacance d’un emploi prévu au cadre autorisé et non pourvu d’un titulaire, d’obtenir sa réintégration s’il la demande deux mois à l’avance au moins. ...2) Si ces dispositions n’imposent pas à l’autorité dont relève l’agent de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d’emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2023, n° 473300
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:473300.20231215
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