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24/11/2023 | FRANCE | N°473696

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 24 novembre 2023, 473696


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par un déféré, le préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi sur le fondement de l'article L. 554¬1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de trois délibérations du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC) n° 2021-12-125, n° 2021-12-126 et n° 2021-12-127 du 16 décembre 2021 relati

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un déféré, le préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi sur le fondement de l'article L. 554¬1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de trois délibérations du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC) n° 2021-12-125, n° 2021-12-126 et n° 2021-12-127 du 16 décembre 2021 relatives aux avenants aux conventions de concession pour le service public de la distribution et la fourniture de l'électricité qui lient le SIPPEREC à la société Enedis. Par une ordonnance n° 2204574 du 21 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à ce déféré.

Par une ordonnance n° 22PA01549 du 18 mai 2022, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le SIPPEREC contre cette ordonnance.

Par une décision n° 464619 du 8 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur un pourvoi du SIPPEREC, annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris.

Par une ordonnance n° 23PA01061 du 17 avril 2023, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a annulé l'ordonnance du 21 mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Paris et rejeté le déféré du préfet de la région Ile de France, préfet de Paris et l'intervention de la société Enedis.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

1° Sous le n° 473696, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 avril et 27 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter l'appel du SIPPEREC.

Il soutient que le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a :

- commis une erreur de droit et dénaturé les faits de l'espèce et les pièces du dossier en jugeant que le moyen tiré de l'absence d'illégalité des clauses modifiées par le SIPPEREC ne paraissait pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des délibérations contestées et insuffisamment motivé son ordonnance sur ce point ;

- commis une erreur de droit et dénaturé les faits de l'espèce et les pièces du dossier en jugeant que le moyen tiré de l'indivisibilité des clauses modifiées ne paraissait pas propre à créer un doute sérieux sur la légalité des délibérations contestées et qu'il n'était pas établi que ces délibérations compromettaient l'équilibre financier du contrat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, le SIPPEREC conclut, à titre principal, au rejet du pourvoi, à titre subsidiaire, en cas d'annulation de l'ordonnance attaquée, à ce qu'il soit fait droit à sa requête d'appel et, en outre, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens du pourvoi ne sont pas fondés.

La société Enedis a présenté des observations, enregistrées le 7 septembre 2023.

2° Sous le n° 473723, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 et 16 mai et 23 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Enedis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter l'appel du SIPPEREC ;

3°) de mettre à la charge du SIPPEREC la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les energies et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Enedis ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 novembre 2023, présentée par la société Enedis ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois du ministre de l'intérieur et des outre-mer et de la société Enedis étant dirigés contre la même décision, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : / "Art. L. 2131-6, alinéa 3.-Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois." / Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes d'autres collectivités ou établissements suivent, de même, les règles fixées par les articles L. 2541-22, L. 2561-1, L. 3132-1, L. 4142-1, L. 4411-1, L. 4421-1, L. 4431-1, L. 5211-3, L.5421-2, L. 5711 1 et L. 5721-4 du code général des collectivités territoriales (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris que, par trois délibérations du 16 décembre 2021, le comité syndical du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC) a modifié unilatéralement les trois conventions concédant la distribution d'électricité à la société Enedis, respectivement, sur le territoire des communes membres du syndicat SUD ELEG du Val-de-Marne et de l'Essonne, sur le territoire de la commune de Villiers-sur-Marne et sur son territoire dit " historique ". Le préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre l'exécution de ces délibérations, sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative. Le juge des référés du tribunal administratif, par une ordonnance du 21 mars 2022, a fait droit à cette demande de suspension. Par une ordonnance du 18 mai 2022, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le SIPPEREC contre cette ordonnance. Par une décision du 8 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur un pourvoi du SIPPEREC, annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris. Par une ordonnance du 17 avril 2023, contre laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la société Enedis se pourvoient en cassation, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a annulé l'ordonnance du 21 mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Paris et rejeté le déféré du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et l'intervention de la société Enedis.

4. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique contractante peut unilatéralement apporter des modifications à un tel contrat dans l'intérêt général, son cocontractant étant tenu de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du contrat ainsi modifié tout en ayant droit au maintien de l'équilibre financier du contrat. La personne publique peut ainsi, lorsqu'une clause du contrat est affectée d'une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu et à condition qu'elle soit divisible du reste du contrat, y apporter de manière unilatérale les modifications permettant de remédier à cette irrégularité. Si la clause n'est pas divisible du reste du contrat et que l'irrégularité qui entache le contrat est d'une gravité telle que, s'il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l'annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l'exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu'il soit besoin qu'elle saisisse au préalable le juge.

5. En premier lieu, si les parties à un contrat administratif peuvent déterminer l'étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion entre l'indemnité ainsi fixée et le préjudice subi, la fixation des modalités d'indemnisation de la part non amortie des biens de retour dans un contrat de concession obéit, compte tenu de la nature d'un tel préjudice, à des règles spécifiques. Lorsqu'une personne publique résilie une concession avant son terme normal, le concessionnaire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, dès lors qu'ils n'ont pu être totalement amortis. Lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d'une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus.

6. Pour contester l'appréciation portée par l'auteur de l'ordonnance attaquée selon laquelle les clauses modifiées ne méconnaissent pas les règles rappelées au point 5, le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la société Enedis se bornent à soutenir que ces clauses ne sont pas identiques à celles que la cour administrative d'appel de Nancy a jugées illégales par un arrêt du 8 décembre 2020. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris, qui a suffisamment motivé son ordonnance sur ce point, aurait dénaturé les faits et pièces du dossier ou commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de l'illégalité des clauses modifiées ne paraissait pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des délibérations contestées.

7. En second lieu, en estimant que les moyen tirés, d'une part, de l'indivisibilité des clauses litigieuses, notamment au regard de leur portée dans l'équilibre du contrat et, d'autre part, de ce que la décision par laquelle l'autorité concédante modifie unilatéralement un contrat pour remédier à une irrégularité méconnaitrait le principe de loyauté des relations contractuelles, n'étaient pas de nature à créer un doute sérieux sur la licéité des délibérations contestées, le juge des référés de la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du pourvoi de la société Enedis, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la société Enedis ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Enedis une somme de 1 500 euros chacun à verser au SIPPEREC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du SIPPEREC qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois du ministre de l'intérieur et des outre-mer et de la société Enedis sont rejetés.

Article 2 : L'Etat et la société Enedis verseront chacun au SIPPEREC la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la société Enedis et au syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 473696
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 2023, n° 473696
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elise Adevah-Poeuf
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE ; SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:473696.20231124
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