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20/11/2023 | FRANCE | N°489082

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 20 novembre 2023, 489082


Vu la procédure suivante :

Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 27 et 30 octobre et 15 et 16 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour la protection des animaux sauvages demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces suscepti

bles d'occasionner des dégâts ;

2°) de suspendre, à titre subsidiaire, l'e...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 27 et 30 octobre et 15 et 16 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour la protection des animaux sauvages demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts ;

2°) de suspendre, à titre subsidiaire, l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 en ce qu'il :

- classe le corbeau freux et le renard roux parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement ;

- ne restreint pas le classement du renard aux seuls abords des activités susceptibles de faire l'objet de dégâts imputables à l'espèce ;

- autorise la pratique du déterrage dans les départements de l'Ain, des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, de l'Aude, des Bouches-du-Rhône, du Gard, du Gers, de l'Isère, du Jura, de la Loire et du Bas-Rhin ;

- classe le renard parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans les départements de l'Ardèche, de l'Aveyron, de la Charente, de la Creuse, du Finistère, de la Haute-Garonne, du Lot-et-Garonne, de la Lozère, du Maine-et-Loire, de la Marne, de la Mayenne, du Morbihan, de l'Orne, du Rhône, de la Haute-Savoie, des Yvelines, du Tarn-et-Garonne, du Territoire de Belfort et du Val d'Oise ;

- classe le renard parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement au-delà des zones où il est susceptible d'occasionner des dégâts importants dans les départements de l'Ain, de l'Allier, des Alpes de Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, des Ardennes, de l'Aude, du Calvados, du Cantal, de Charente-Maritime, de la Côte d'Or, de la Drôme, de l'Eure-et-Loir, du Gard, du Gers, de la Gironde, de l'Hérault, de l'Ille-et-Vilaine, de l'Isère, du Jura, de la Loire, de la Haute-Loire, de la Loire-Atlantique, du Lot, de la Manche, de la Haute-Marne, de la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse, de la Moselle, de la Nièvre, de l'Oise, du Puy-de-Dôme, des Hautes-Pyrénées, du Bas-Rhin, de Haute-Saône, de Saône-et-Loire, de la Savoie, de la Seine-et-Marne, du Tarn, du Var, du Vaucluse et de l'Essonne ;

- classe le renard parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans le département du Doubs, à l'exception des zones concernées par le dispositif expérimental de recherche-action CARELI ;

- classe la martre des pins parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans les départements de l'Aisne, des Côtes d'Armor, de la Haute-Garonne, d'Indre-et-Loire et des Pyrénées Orientales ;

- classe la martre des pins parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement au-delà des zones où elle est susceptible d'occasionner des dégâts importants dans les départements de l'Aude et des Hautes-Pyrénées ;

- classe la fouine parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans les départements de l'Eure, du Lot-et-Garonne, de la Seine-Maritime et du Territoire de Belfort ;

- classe la fouine parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement au-delà des zones où elle est susceptible d'occasionner des dégâts importants dans le département du Calvados ;

- classe l'étourneau sansonnet parmi les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts au titre de l'article R. 427-6 du code de l'environnement au-delà des zones où il est susceptible d'occasionner des dégâts importants dans les départements du Calvados, de la Manche, de la Meurthe-et-Moselle et de l'Oise ;

3°) de suspendre, à titre infiniment subsidiaire, l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 en ce qu'il autorise le déterrage dans les départements du Finistère, du Territoire de Belfort et du Val d'Oise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à l'Association pour la protection des animaux sauvages au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir eu égard à son objet social ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de l'arrêté contesté, en premier lieu, porte atteinte à son objet social et aux intérêts qu'elle défend, en deuxième lieu, produit des effets irréversibles dès lors qu'il permet la destruction d'animaux et, en dernier lieu, n'est pas justifiée par un intérêt public ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- il a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la consultation du public n'a pas permis aux participants d'accéder aux éléments permettant d'apprécier le bien-fondé des listes établies par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en particulier des annexes mentionnées par une note technique ministérielle du 9 juin 2022 ;

- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des conditions prévues par l'article R. 427-6 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 et 15 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 10 novembre 2023, la fédération nationale des chasseurs, l'union nationale des associations de piégeurs agréés de France et 22 fédérations départementales de chasseurs, concluent au rejet de la requête.

Elles soutiennent :

- qu'elles justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué et que leur intervention est donc recevable ;

- que la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Association pour la protection des animaux sauvages, d'autre part, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que la fédération nationale des chasseurs, l'Union nationale des associations des piégeurs agrées de France et les 22 fédérations départementales intervenantes ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 14 novembre 2023, à 15 heures :

- les représentantes de l'association pour la protection des animaux sauvages ;

- les représentants du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;

- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la fédération nationale des chasseurs et des autres intervenantes, et les représentants de la fédération nationale des chasseurs ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 15 novembre 2023 à 18 heures puis au 16 novembre 2023 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

Sur les interventions :

1. La fédération nationale des chasseurs et l'union nationale des associations de piégeurs agréées de France justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué. Leur intervention est, par suite, recevable. En outre, les 22 fédérations départementales de chasseurs intervenantes justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté en tant qu'il classe plusieurs espèces susceptibles d'occasionner des dégâts dans les départements de leur ressort. Leurs interventions sont donc recevables dans cette mesure.

Sur la demande de suspension :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Il résulte de l'article R. 427-6 du code de l'environnement qu'il appartient au ministre chargé de la chasse, sur proposition du préfet et après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, d'arrêter la liste des espèces d'animaux indigènes classées susceptibles d'occasionner des dégâts dans chaque département, dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, pour assurer la protection de la flore et de la faune, pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ou pour prévenir des dommages importants à d'autres formes de propriété. Le ministre inscrit une espèce sur cette liste soit lorsque celle-ci est répandue de façon significative dans ce département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts précédemment énumérés, soit lorsqu'il est établi qu'elle est à l'origine d'atteintes significatives à ces mêmes intérêts.

4. Sur le fondement des dispositions mentionnées au point précédent, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a pris, le 3 août 2023, un arrêté qui fixe, pour une période de trois ans, la liste des espèces d'animaux indigènes classées susceptibles d'occasionner des dégâts et les territoires concernés, et les départements ou parties de départements dans lesquels leur destruction est autorisée, dans les conditions et limites qu'il détermine. L'Association pour la protection des animaux sauvages demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté dans sa totalité, à titre principal, et, à titre subsidiaire, en tant qu'il fait figurer le corbeau freux et le renard roux sur cette liste au niveau national, qu'il ne restreint pas le classement du renard aux seuls abords des activités susceptibles de faire l'objet de dégâts imputables à l'espèce, qu'il autorise le déterrage dans certains départements et qu'il autorise la destruction du renard roux, de la martre des pins, de la fouine, de l'étourneau sansonnet et du geai des chênes dans certains départements, le cas échéant au-delà des zones où ils sont susceptibles d'occasionner des dégâts importants.

5. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

6. Contrairement à ce que soutient l'association requérante dans ses écritures, la seule circonstance que la destruction d'un spécimen d'une espèce mentionnée par l'arrêté litigieux présente un caractère irréversible et porte atteinte à son objet statutaire, qui consiste à agir pour la protection de la faune et de la flore, la réhabilitation des animaux sauvages et la conservation du patrimoine naturel en général, est insusceptible, par elle-même, de justifier l'intervention du juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, pour apprécier si la condition d'urgence est remplie, de tenir compte, notamment, de la présence et de l'état de conservation de l'espèce en cause dans les départements ou parties de départements où sa destruction est autorisée, de l'importance de sa contribution aux équilibres écologiques ou à d'autres intérêts publics, des conditions et limites posées par l'arrêté à sa destruction et, en particulier, de l'obligation d'obtenir préalablement une autorisation individuelle du préfet, le cas échéant après examen de l'existence de solutions alternatives satisfaisantes, ainsi que, au titre de l'intérêt public, de la nature et de l'ampleur des atteintes que l'espèce serait susceptible de causer aux intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement en l'absence d'exécution de l'arrêté, compte tenu notamment des dégâts constatés par le passé.

En ce qui concerne le corbeau freux :

7. L'arrêté attaqué autorise le piégeage du corbeau freux toute l'année et en tout lieu, et prévoit qu'il peut être détruit à tir entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard, voire jusqu'au 10 juin lorsque l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé et jusqu'au 31 juillet pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet et dès lors qu'il n'existe aucune autre solution satisfaisante.

8. Si, ainsi que le soutient l'association requérante, le corbeau freux est classé comme " espèce vulnérable " en Europe sur la liste rouge de l'union internationale pour la conservation de la nature et que sa population a sensiblement décru en France depuis une vingtaine d'années, il ressort des éléments produits par le ministre en défense que cette espèce ne fait l'objet, en France, que d'une " préoccupation mineure ", c'est-à-dire à faible risque de disparition. Eu égard aux conditions posées par l'arrêté à la destruction de cette espèce et à son état de conservation, il ne résulte pas de l'instruction que la mise en œuvre de l'arrêté à cet égard porterait une atteinte grave et immédiate aux intérêts en présence. Par suite, la condition d'urgence n'est pas remplie sur ce point.

En ce qui concerne la martre des pins :

9. Il résulte de l'arrêté litigieux que les martres des pins ne peuvent être piégées qu'à moins de 250 mètres d'un bâtiment ou élevage ou d'un terrain consacré à l'élevage avicole et apicole, des enclos de pré-lâcher de petit gibier chassable et sur les territoires des unités de gestion cynégétique désignés dans le schéma départemental de gestion cynégétique où sont conduites des actions visant à la conservation et à la restauration des populations de petit gibier chassable qui font l'objet de prédations nécessitant la régulation de ces prédateurs. Elles peuvent en outre être détruites à tir, hors des zones urbanisées, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet dès lors que l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé entre la date de clôture générale et le 31 mars au plus tard et dès lors qu'il n'existe aucune autre solution satisfaisante.

10. En premier lieu, s'agissant de l'inscription de cette espèce dans certaines communes de l'Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Orientales, il résulte de l'instruction que les martres sont susceptibles de présenter un danger pour le grand tétras, espèce subsistant pour l'essentiel dans le massif des Pyrénées, en mauvais état de conservation et qui fait l'objet d'une stratégie nationale d'action. Eu égard à la gravité de la situation du grand tétras, à la grande vulnérabilité de celui-ci et au périmètre de l'inscription de la martre, restreint aux communes du massif dans lesquelles le grand tétras est susceptible de se trouver et de se reproduire, et alors même que le dossier ne fait pas ressortir que la martre serait répandue dans ces zones, la condition d'urgence ne peut pas être regardée comme remplie.

11. En second lieu, eu égard, d'une part, aux restrictions mentionnées au point 9, d'autre part, à l'état de conservation de l'espèce dans le département d'Indre-et-Loire et, dans une moindre mesure, dans le département des Côtes d'Armor où elle n'apparaît pas particulièrement vulnérable et, enfin, à l'ampleur des dégâts que cette espèce a causé dans l'Aisne, où sa présence reste significative bien qu'elle y soit classée en statut " quasi-menacé " sur la liste rouge de l'union internationale pour la conservation de la nature, l'urgence ne justifie pas la suspension de l'exécution de l'arrêté dans cette mesure.

En ce qui concerne la fouine :

12. Il résulte de l'arrêté attaqué que la fouine peut être piégée toute l'année, uniquement à moins de 250 mètres d'un bâtiment ou d'un élevage particulier ou professionnel ou sur des terrains consacrés à l'élevage avicole, ainsi qu'à moins de 250 mètres des enclos de pré-lâcher de petit gibier chassable et sur les territoires des unités de gestion cynégétiques désignés dans le schéma départemental de gestion cynégétique où sont conduites des actions visant à la conservation et à la restauration des populations de petit gibier chassable qui font l'objet de prédations nécessitant la régulation de ces prédateurs. Elle peut également être détruite à tir, hors des zones urbanisées, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet dès lors que l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé entre la date de clôture générale et le 31 mars au plus tard.

13. Eu égard, d'une part, à ces restrictions, d'autre part, à la présence significative de cette espèce dans les départements de l'Eure et de la Seine-Maritime et, dans une moindre mesure, du Territoire de Belfort, et à l'ampleur importante des dégâts qu'elle a causés dans ces départements et dans le Calvados, et en dépit d'un état de conservation moins favorable dans ce dernier département, il ne résulte pas de l'instruction que l'exécution de l'arrêté litigieux emporterait des effets tels sur la conservation de cette espèce ou sur sa contribution à l'écosystème dans lequel elle vit qu'il y aurait lieu, en urgence, de la suspendre dans l'attente du jugement du recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté dans cette mesure.

En ce qui concerne l'étourneau sansonnet :

14. L'arrêté litigieux prévoit que cette espèce peut être détruite à tir entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard, et jusqu'à la date d'ouverture générale de la chasse sur autorisation individuelle délivrée par le préfet et dès lors qu'il n'existe aucune autre solution satisfaisante et que l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé. Le tir s'effectue à poste fixe matérialisé de main d'homme, sans être accompagné de chien, dans les cultures maraîchères, les vergers et les vignes et à moins de 250 mètres autour des installations de stockage de l'ensilage. Le tir dans les nids est interdit. L'étourneau sansonnet peut en outre être piégé toute l'année et en tout lieu.

15. Eu égard à ces restrictions et à l'état de conservation de l'étourneau sansonnet en Meurthe-et-Moselle, dans l'Oise et dans le Calvados, bien que cette espèce soit classée comme " quasi-menacée " à l'échelle de la région Basse-Normandie, ainsi que, dans une moindre mesure, dans la Manche où elle a causé d'importants dégâts au cours de la période 2018-2022, il n'est pas établi que l'urgence justifierait la suspension de l'exécution de l'arrêté en tant qu'il s'applique à cette espèce dans ces départements.

En ce qui concerne le geai des chênes :

16. Il résulte de l'arrêté attaqué que le geai des chênes peut être, d'une part, détruit à tir, à poste fixe matérialisé de main d'homme et sans chien, hors des nids, entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet et dès lors qu'il n'existe aucune autre solution satisfaisante et que l'un au moins des intérêts mentionnés à l'article R. 427-6 du code de l'environnement est menacé et, d'autre part, piégé du 31 mars au 30 juin dans les vergers et du 15 août à l'ouverture générale dans les vergers et les vignobles.

17. Eu égard à ces restrictions et à l'état de conservation de cette espèce dans le département du Lot-et-Garonne, et alors même que sa population apparaît en déclin depuis une dizaine d'années et que le montant des dégâts qui lui sont imputés pour la période 2018-2022 est faible, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie à cet égard.

En ce qui concerne le renard roux :

18. L'arrêté attaqué permet, dans les départements ou parties de départements qu'il énumère, de piéger en tout lieu et de déterrer les renards roux dans les conditions fixées à l'article 3 de l'arrêté du 18 mars 1982, et de les détruire par tir sur autorisation individuelle délivrée par le préfet entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard, ainsi que, au-delà de cette date, sur des terrains consacrés à l'élevage avicole.

19. Le dossier fait ressortir que cette espèce est répandue de manière significative dans 85 des 88 départements mentionnés dans l'arrêté, y compris ceux où une épidémie de gale sarcoptique a sévi au cours de la période récente. En outre, il résulte de l'instruction que la présence du renard roux, avérée bien qu'elle ne présente pas un caractère significatif, connaît une dynamique positive dans l'Orne, en dépit de l'épidémie précédemment mentionnée, ainsi qu'en Haute-Saône. Enfin, si les productions successives du ministre laissent subsister de fortes incertitudes quant au nombre annuel de prélèvements au cours de la période de référence 2018-2022 en Meurthe-et-Moselle, il résulte de l'instruction que cette espèce n'y n'apparaît pas davantage menacée à court terme.

20. Eu égard aux conditions de la destruction de cette espèce autorisée par l'arrêté contesté, à son état de conservation et aux dégâts qu'elle cause, en particulier aux exploitations agricoles, et quand bien même, ainsi que le soutient l'association requérante, ces dégâts sont, dans certains cas, concentrés sur une partie seulement du département alors que le classement couvre l'intégralité du territoire départemental, comme c'est le cas dans l'Orne notamment, et que le renard a un rôle utile dans la préservation des équilibres écologiques et dans la lutte contre l'extension géographique de la maladie de Lyme, l'exécution de l'arrêté litigieux en ce qui concerne cette espèce ne crée pas, en l'état de l'instruction, une situation d'urgence justifiant l'intervention du juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, avant que la requête en annulation soit jugée.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'Association pour la protection des animaux sauvages doit être rejetée, y compris les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de la fédération nationale des chasseurs et autres est admise.

Article 2 : La requête de l'Association pour la protection des animaux sauvages est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association pour la protection des animaux sauvages, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la fédération nationale des chasseurs, première intervenante dénommée pour l'ensemble des intervenantes.

Fait à Paris, le 20 novembre 2023

Signé : Alexandre Lallet


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 489082
Date de la décision : 20/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 nov. 2023, n° 489082
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:489082.20231120
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