La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2023 | FRANCE | N°466959

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 13 novembre 2023, 466959


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur (EPF PACA) à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, en sa qualité d'acquéreur évincé, du fait, d'une part, de l'illégalité d'une décision de préemption du 12 août 2011 et, d'autre part, de la mauvaise exécution du jugement annulant cette décision. Par un jugement n° 1607376 du 19 décembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20MA0

0603 du 27 juin 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur (EPF PACA) à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, en sa qualité d'acquéreur évincé, du fait, d'une part, de l'illégalité d'une décision de préemption du 12 août 2011 et, d'autre part, de la mauvaise exécution du jugement annulant cette décision. Par un jugement n° 1607376 du 19 décembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20MA00603 du 27 juin 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 25 août 2022, 25 novembre 2022 et 8 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 213-11-1 et L. 213-12 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B... et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de l'EPF PACA ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 12 août 2011, l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur (EPF PACA) a exercé son droit de préemption en vue de l'acquisition, pour un montant de 355 000 euros, d'un entrepôt d'une superficie de 880 m2 qui avait fait l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner au prix de 370 000 euros. Par un jugement n° 1106458 du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision pour incompétence de son auteur, en raison de l'absence de publication de la décision du maire de Marseille déléguant son droit de préemption à l'EPF PACA. Le tribunal a, par ce même jugement, enjoint à l'EPF PACA de proposer à M. B..., acquéreur évincé, l'acquisition du bien en litige à un prix rétablissant autant que possible les conditions de la transaction initiale, sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties. En application de ce jugement, l'EPF PACA a proposé à M. B..., par un courrier du 7 août 2014, d'acquérir le bien préempté, dépourvu de sa toiture, au prix de 432 939 euros, en justifiant ce montant par les travaux de dépose du toit qu'il avait entrepris dans le but d'éviter que le bien soit irrégulièrement occupé. M. B... ayant refusé cette offre, il a, après plusieurs échanges infructueux avec l'EPF PACA, demandé le 12 septembre 2016 au tribunal administratif de Marseille de condamner cet établissement à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis en sa qualité d'acquéreur évincé. Cette demande a été rejetée par le tribunal administratif par un jugement du 19 décembre 2019. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Si les mentions portées sur l'arrêt attaqué se bornent à faire état de ce que les parties ont été convoquées à une audience au cours de laquelle elles ont été entendues, sans préciser que cette audience a revêtu un caractère public, il ressort des pièces de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel que tel a bien été le cas. Le moyen tiré de ce que la cour aurait méconnu l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur la demande de réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision de préemption :

3. En premier lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.

4. Pour juger que M. B... n'était pas fondé à demander réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité de la décision de préemption du 12 août 2011, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que cette décision avait été annulée pour incompétence de son auteur et que l'EPF PACA faisait valoir sans être contredit qu'elle était justifiée par un motif d'intérêt général. En écartant ainsi l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le préjudice subi par M. B... et le vice d'incompétence entachant la décision de préemption, la cour administrative d'appel n'a pas, contrairement à ce qui soutenu, commis d'erreur de droit.

5. La cour administrative d'appel ayant jugé sans erreur de droit que le vice d'incompétence entachant la décision de préemption n'était pas, en l'espèce, de nature à ouvrir droit à réparation des préjudices allégués, le moyen tiré de ce qu'elle aurait dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis en jugeant, par des motifs surabondants, que ces préjudices n'étaient par ailleurs pas justifiés ne peut qu'être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur la demande de réparation du préjudice résultant des fautes commises dans l'exécution du jugement du 30 mai 2013 :

6. Aux termes de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, issu de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité./ Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. À défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4. /A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition./ Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2 ". Il résulte de ces dispositions que, s'il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l'ancien propriétaire ou l'acquéreur évincé, d'exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu'implique l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de la décision de préemption, il appartient au juge judiciaire, en cas de désaccord sur le prix auquel l'acquisition du bien doit être proposée, de fixer ce prix. Ces dispositions se sont appliquées immédiatement, s'agissant de la compétence du juge de l'expropriation, aux litiges en cours devant le juge de l'exécution lorsque le prix d'acquisition du bien n'avait pas encore été fixé par une décision juridictionnelle, quelle que soit la date du jugement dont l'exécution était poursuivie.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ainsi qu'il a été dit, qu'à la suite de l'annulation de la décision de préemption du 12 août 2011 par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 mai 2013, l'EPF PACA a proposé à M. B... d'acquérir le bien préempté au prix de 432 939 euros et que celui-ci, estimant ce prix trop élevé, n'a pas donné suite à cette offre. La cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, qu'en dépit du désaccord qui l'opposait à l'EPF PACA au sujet du prix auquel ce dernier devait, en exécution de l'injonction que lui avait adressée le tribunal administratif par son jugement du 30 mai 2013, lui proposer l'acquisition du bien illégalement préempté, M. B... s'était abstenu de saisir le juge de l'expropriation afin que celui-ci fixe ce prix en application des dispositions précitées. En jugeant que, dans ces conditions, le préjudice qu'il alléguait avoir subi, tenant à la perte de chance de réaliser une plus-value à l'occasion de la revente du bien en cause, ne trouvait pas sa cause directe et certaine dans une faute qu'aurait commise l'EPF PACA dans l'exécution du jugement du 30 mai 2013, la cour n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit, ni d'erreur de qualification juridique des faits.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'EPF PACA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que cet établissement public demande au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : les conclusions présentées par l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : la présente décision sera notifiée à M. B... et à l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, président de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat, Mme Marie Prévot, maître des requêtes et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 13 novembre 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mahé

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 466959
Date de la décision : 13/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2023, n° 466959
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466959.20231113
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award