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20/10/2023 | FRANCE | N°488672

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 20 octobre 2023, 488672


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hexacath France demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 août 2023 portant modification des conditions d'inscription et radiation de certaines indications et références relatives au stent nu Titan Optimax de la société Hexacath France inscrit au titre III de la liste des produits et prestations re

mboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hexacath France demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 août 2023 portant modification des conditions d'inscription et radiation de certaines indications et références relatives au stent nu Titan Optimax de la société Hexacath France inscrit au titre III de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'arrêté du 2 août 2023 porte une atteinte grave et particulièrement immédiate, d'une part, à sa situation financière au regard des conséquences négatives que son exécution entraînera sur son chiffre d'affaires, avec une baisse évaluée à plus de 95% en réel, et sur ses parts du marché, et, d'autre part, à la situation des patients, qui perdront une chance d'avoir accès à un dispositif médical novateur, reconnu et adapté au traitement de leur pathologie ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne comprend aucune motivation précise mais seulement une motivation par référence aux avis rendus le 21 juillet 2020 et le 13 avril 2021 par la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) ;

- il méconnaît le principe d'égalité de traitement au regard des conditions d'inscription sur la liste des produits et prestations remboursables, d'une part, entre les stents Titan Optimax et les stents actifs, alors que les premiers sont aussi efficaces que les seconds et, d'autre part, entre le stent Titan Optimax et le stent concurrent Pro Kinetic, alors que la CNEDiMTS a cherché à aligner le traitement de ces deux produits ;

- il est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il se fonde sur deux avis de la CNEDiMTS qui ont disqualifié les études scientifiques comparatives qu'elle avait produites ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il ne respecte pas les indications de la notice d'utilisation du dispositif médical Titan Optimax et a inscrit ce dernier sous ligne générique ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il se fonde sur les avis de la CNEDiMTS qui classent le stent Titan Optimax dans la catégorie des stents nus, alors qu'il conviendrait de le classer dans la catégorie des stents actifs, eu égard à l'absence de différence significative entre le stent Titan Optimax et les stents actifs en termes d'efficacité et de fonctionnalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La Haute Autorité de santé (HAS) a présenté des observations, enregistrées le 12 octobre 2023. Elle demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Hexacath au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Société Hexacath France et d'autre part, le ministre de la santé et de la prévention, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et la Haute Autorité de santé ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 16 octobre 2023, à 10 heures 30 :

- Me Poulet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Hexacath France ;

- les représentants de la société Hexacath France ;

- les représentants du ministre de la santé et de la prévention ;

- les représentants de la Haute Autorité de santé ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. La société Hexacath exploite le dispositif médical Titan Optimax qui est une endoprothèse coronaire (" stent ") enrobée d'oxyniture de titane. Par un arrêté du 5 février 2015, ce dispositif a été inscrit sur la liste des produits et prestations remboursables, prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, dans les indications thérapeutiques suivantes : sténoses courtes (( 20 mm) des vaisseaux coronaires, quel qu'en soit le diamètre ; sténoses longues (de 20 à 40 mm) sur des vaisseaux de diamètre supérieur ou égal à 3 mm ; sténoses de greffons veineux ; occlusions coronaires totales ; accidents aigus de l'angioplastie : dissections, occlusions. Par un arrêté du 17 décembre 2017, cette inscription a été renouvelée jusqu'au 31 mars 2020. En mai 2018, dans un rapport d'évaluation de l'intérêt thérapeutique et des conditions de remboursement des différents types de stents, la Haute Autorité de santé (HAS) a recommandé de restreindre les indications prises en charge pour la catégorie de stents dont relèvent les stents Titan, qualifiés de stents non actifs présentant un intérêt thérapeutique comparable à celui des stents nus, en les réservant au traitement de " l'insuffisance coronaire imputable à une ou des lésion(s) de novo des artères coronaires natives à bas risque de resténose (lésion(s) = 15 mm de vaisseau(x) = 3 mm de diamètre chez un patient non diabétique) ayant un risque hémorragique élevé ou des difficultés prévisionnelles concernant la prise de bithérapie [antiagrégante plaquettaire] ". En 2020, la société Hexacath a sollicité le renouvellement de l'inscription sur la liste des produits et prestations remboursables du stent Titan Optimax en demandant une extension des indications prises en charge. Dans ses avis du 21 juillet 2020 et du 13 avril 2021, la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des produits de santé (CNEDiMTS) s'est prononcée en faveur d'une inscription du stent Titan Optimax dans la seule indication thérapeutique préconisée en 2018 par la HAS et uniquement pour les références en cohérence avec cette indication, soit les diamètres supérieurs ou égaux à 3 mn pour les longueurs de 7, 10, 13, 16 et 19 mn. Par une décision du 14 février 2022, les ministres chargés de la santé et de sécurité sociale ont notifié à la société leur refus de prise en charge du stent Titan Optimax dans les autres références que celles retenues par la CNEDiMTS. Les ministres ont par la suite informé la société, par un courrier du 30 juin 2022, de leur intention de modifier les conditions d'inscription sur la liste des produits et prestations remboursables du stent Titan Optimax, en radiant les références non retenues par la commission dans son avis du 13 avril 2021. Enfin, par un arrêté du 2 août 2023, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont modifié les conditions d'inscription du stent Titan Optimax sur la liste des produits et prestations remboursables, en procédant à la radiation des indications et références autres que celles retenues par la CNEDiMTS et en modifiant certaines des modalités de prescription et d'utilisation de l'endoprothèse pour les mettre notamment en accord avec l'indication désormais retenue.

4. La société Hexacath France demande la suspension de l'exécution des dispositions de cet arrêté.

5. Pour caractériser l'urgence qui s'attache, selon elle, à la suspension de l'exécution de cet arrêté, la société Hexacath France soutient qu'il porte une atteinte grave et immédiate à sa situation financière dès lors que la radiation d'environ deux tiers des références des stents Titan Optimax inscrites jusqu'alors sur la liste des produits et prestations remboursables va entraîner une perte évaluée au minimum à 44 % de son chiffre d'affaires. Toutefois, d'une part, la société requérante se borne à produire des attestions comptables relatives à son chiffre d'affaires global pour les exercices 2021 et 2022. Elle ne justifie ainsi, dans ce chiffre d'affaires, ni de la part liée aux stents Titan Optimax, ni de la part liée aux seules références de ce produit radiées par l'arrêté du 2 août 2023. D'autre part, s'il résulte des éléments recueillis à l'audience que la décision du 14 février 2022 refusant la prise en charge du stent Titan Optimax dans les autres références que celles retenues par la CNEDiMTS n'a pas été mise en œuvre et n'a eu ainsi aucune conséquence sur les modalités de remboursement de ce produit, les données non contestées produites en défense par le ministre font apparaître que les ventes du dispositif Titan Optimax connaissent depuis plusieurs années un net fléchissement, le nombre d'unité remboursé par l'assurance maladie ayant été réduit de près de moitié entre 2019 et 2022, ce qui traduit une pratique médicale, confortée par les recommandations des autorités sanitaires, déjà marquée par une baisse sensible de l'utilisation de ce type de stents. Au demeurant, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'arrêté litigieux concrétise une restriction des conditions de prise en charge du type de stents commercialisé par la société requérante devenue prévisible à la suite du rapport d'évaluation de la HAS de mai 2018 et de l'avis du 13 avril 2021 de la CNEDiMTS, quand bien même la société requérante en conteste le bienfondé.

6. Si la société Hexacath France invoque également l'intérêt public qui s'attache à ce que les patients puissent avoir accès à une endoprothèse adaptée à leur pathologie, l'arrêté du 2 août 2023 procède uniquement à la radiation des références du stent Titan Optimax dont, conformément à l'avis de la CNEDiMTS, le service a été jugé insuffisant. Il résulte en outre de l'instruction que pour les indications et références non retenues par l'arrêté litigieux, la HAS recommande le recours à une autre catégorie de stents, dont il n'est pas contesté qu'ils sont disponibles sur le marché et inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie en l'espèce. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sur la légalité de la décision contestée, il y a lieu de rejeter la requête, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la Haute Autorité de santé, qui n'a pas la qualité de partie à la présente instance.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société Hexacath France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Haute Autorité de santé sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Hexacath France, au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la Haute Autorité de santé.

Fait à Paris, le 20 octobre 2023

Signé : Alban de Nervaux


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 488672
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2023, n° 488672
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP L. POULET-ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488672.20231020
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