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18/10/2023 | FRANCE | N°488621

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 octobre 2023, 488621


Vu la procédure suivante :

Mme C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, d'enjoindre à la commune de Limay de mettre en œuvre, dans un délai de quarante-huit heures, tous les moyens humains et matériels afin de lui permettre d'exercer ses fonctions de professeur de flûte à bec, de musique ancienne et de chant choral, de la faire bénéficier d'un suivi médical spécifique, en deuxième lieu, d'enjoindre à la commune de Limay, dans un délai d

e quarante-huit heures, de mettre en place une organisation provisoire ...

Vu la procédure suivante :

Mme C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, d'enjoindre à la commune de Limay de mettre en œuvre, dans un délai de quarante-huit heures, tous les moyens humains et matériels afin de lui permettre d'exercer ses fonctions de professeur de flûte à bec, de musique ancienne et de chant choral, de la faire bénéficier d'un suivi médical spécifique, en deuxième lieu, d'enjoindre à la commune de Limay, dans un délai de quarante-huit heures, de mettre en place une organisation provisoire lui permettant de ne plus se trouver sous l'autorité de l'actuel directeur du conservatoire à rayonnement communal de cette commune, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, en dernier lieu, de mettre à la charge de la commune de Limay la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2307298 du 13 septembre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Versailles a, d'une part, enjoint à la commune de Limay, dans un délai de quarante-huit heures, de mettre en œuvre tous les moyens humains et matériels afin de permettre à Mme A... d'exercer ses fonctions, de mettre en place une organisation lui permettant de ne plus se trouver sous l'autorité du directeur du conservatoire et, enfin, de mettre en place le soutien psychologique recommandé par le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de Versailles et, d'autre part, mis à la charge de la commune de Limay le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à Mme A....

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 septembre et 10 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Limay demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance attaquée ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité faute de signature du magistrat qui l'a rendue ;

- elle repose sur une appréciation erronée des faits en retenant une présomption de harcèlement moral de la part du directeur du conservatoire alors que le volume horaire d'activité de Mme A... n'a pas diminué entre 2012, année de son retour de congé maternité, et 2023, que la fonction de cheffe de chœur ne lui a pas été retirée pour être confiée à l'épouse du directeur du conservatoire, que l'avis du 20 octobre 2022 du directeur du conservatoire défavorable à l'autorisation du cumul d'activités qu'elle avait demandée a été rendu en considération du seul intérêt du service et sans intention de nuire à l'intéressée et que l'existence d'un harcèlement moral subi par Mme A... a été écarté par une enquête administrative réalisée par le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de Versailles.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire enregistrés les 4 et 11 octobre 2023, Mme A... conclut au rejet de la requête d'appel de la commune de Limay et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Limay et, d'autre part, Mme A... ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 12 octobre 2023, à 10 h 30 :

- Me Farge, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de la commune de Limay ;

- le représentant de la commune de Limay ;

- Me de la Burgade, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A... ;

- la représentante de Mme A... ;

- Mme A... ;

à l'issue de laquelle la juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. Mme B..., agent titulaire de la fonction publique territoriale, exerce depuis 1998 les fonctions de professeur de flûte à bec, de musique ancienne et de chant choral au sein du conservatoire de la commune de Limay. S'estimant victime de harcèlement moral de la part du directeur du conservatoire, elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de Limay de mettre en œuvre tous les moyens humains et matériels afin de lui permettre d'exercer ses fonctions d'enseignement, de la faire bénéficier d'un suivi médical spécifique et de mettre en place provisoirement une organisation lui permettant de ne plus se trouver sous l'autorité de l'actuel directeur du conservatoire. La commune de Limay relève appel de l'ordonnance du 13 septembre 2023 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande.

3. L'article L. 133-2 du code général de la fonction publique dispose que : " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue pour un agent une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment des explications fournies à l'audience, que les relations entre Mme B... et le directeur du conservatoire de Limay se sont progressivement détériorées à partir de l'année 2012. Si, comme l'a relevé la juge des référés du tribunal administratif, Mme B... a fourni des éléments susceptibles de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral dont elle serait victime, au soutien de sa requête d'appel, et alors qu'elle n'avait pas défendu en première instance, la commune de Limay a produit diverses pièces et donné à l'audience des explications dont il ressort que depuis son retour de congé de maternité en 2012, Mme B... n'a pas vu son nombre d'heures de cours diminuer puisqu'elle a même obtenu un temps plein en 2016. Elle a aussi poursuivi son activité de cheffe des trois chœurs de jeunes amateurs du conservatoire et a assuré un cours de chant choral en formation musicale. Elle a été mise à même d'organiser 37 concerts et évènements entre 2016 et 2019. Si le chœur des adolescents dont elle était chargée a été supprimé en 2020, cette décision, qui a été prise par la commune et non par le seul directeur du conservatoire, a été justifiée par le manque de participants sans qu'il ne soit établi qu'il résulte de la concurrence de l'activité chorale prise en charge par l'épouse du directeur du conservatoire dans le cadre de la maîtrise. Par ailleurs, si Mme B... se prévaut de l'avis défavorable émis par le directeur du conservatoire le 20 octobre 2022 à sa demande d'autorisation de cumul d'activités, elle n'a pas contesté à l'audience le caractère isolé de cet avis défavorable que la commune a justifié par les incidences des activités accessoires en cause sur les cours et spectacles que Mme B... devait assurer en même temps au conservatoire. Il n'est dès lors pas établi, en l'état de l'instruction, au vu des éléments apportés par Mme B... et des explications invoquées pour la première fois en appel par la commune, qu'il a été porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de Mme B... de ne pas subir de harcèlement moral. Au demeurant, si Mme B... a fait état à l'audience du climat très tendu dans lequel s'est passé son retour au conservatoire en septembre à raison du soutien manifesté au directeur par une partie des enseignants, elle a pu bénéficier du soutien psychologique ordonné par la juge des référés du tribunal administratif de Versailles. Par ailleurs, le 11 septembre, la commune a approuvé le nouvel organigramme du conservatoire qui a créé un échelon intermédiaire entre le directeur et les enseignants. Mme A... n'est désormais plus placée sous l'autorité directe du directeur du conservatoire mais dépend d'un responsable des études. Il a été indiqué à l'audience que cette organisation, qui avait été préparée dès le printemps 2023, revêt un caractère pérenne.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'urgence, ni sur l'autre moyen de la requête, que la commune de Limay est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'elle attaque, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à la requête de Mme B.... Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Limay, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme à ce titre.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 13 septembre 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 2 : La requête de Mme B... présentée devant la juge des référés du tribunal administratif de Versailles et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Limay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Limay et à Mme C....

Fait à Paris, le 18 octobre 2023

Signé : Nathalie Escaut


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 488621
Date de la décision : 18/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2023, n° 488621
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488621.20231018
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