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29/08/2023 | FRANCE | N°480996

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 août 2023, 480996


Vu les procédures suivantes :

I. Sous le numéro 480996, par une requête enregistrée le 10 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruct

ion des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts pour la période du 1er ...

Vu les procédures suivantes :

I. Sous le numéro 480996, par une requête enregistrée le 10 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2026, en ce qu'il inscrit sur cette liste la martre des pins dans les départements de l'Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Orientales et la belette d'Europe dans le département du Pas-de-Calais ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de l'arrêté porte une atteinte grave, immédiate et irréversible, en premier lieu, à la vie des animaux, en second lieu, à la protection de la biodiversité, avec des conséquences affectant l'état de conservation d'espèces en déclin ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, qui est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des conditions prévues par l'article R. 427-6 du code de l'environnement et méconnaît les dispositions de l'article L. 420-1 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 21 août 2023, la Fédération nationale des chasseurs, l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France, la Fédération départementale des chasseurs de l'Aude, la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Garonne, la Fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées, la Fédération départementale des chasseurs des Pyrénées-Orientales et la Fédération départementale des chasseurs du Pas-de-Calais concluent au rejet de la requête. Elles soutiennent que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II. Sous le numéro 482270, par une requête enregistrée le 10 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue pour la protection des oiseaux demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2026, en ce qu'il inscrit la martre des pins sur cette liste dans les départements de l'Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Orientales ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'arrêté contesté, en autorisant la destruction sans limite des espèces inscrites, comporte des effets graves et immédiats ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, qui est entaché d'irrégularité et méconnaît les conditions prévues par l'article R. 427-6 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 23 août 2023, la Fédération nationale des chasseurs, l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France, la Fédération départementale des chasseurs de l'Aude, la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Garonne, la Fédération départementale des chasseurs des Hautes Pyrénées et la Fédération départementale des chasseurs des Pyrénées Orientales concluent au rejet de la requête. Elles soutiennent que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association One Voice et la Ligue pour la protection des oiseaux, d'autre part, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la Fédération nationale des chasseurs, l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France, la Fédération départementale des chasseurs de l'Aude, la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Garonne, la Fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées, la Fédération départementale des chasseurs des Pyrénées-Orientales et la Fédération départementale des chasseurs du Pas-de-Calais ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 août 2023, à 14 heures :

- Me Lyon-Caen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association One Voice et de la Ligue pour la protection des oiseaux ;

- le représentant de l'association One Voice ;

- le représentant de la Ligue pour la protection des oiseaux ;

- les représentants du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;

- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération nationale des chasseurs et des autres intervenants ;

- le représentant de la Fédération nationale des chasseurs ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, l'association One Voice et la Ligue pour la protection des oiseaux demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 3 août 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement, fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2026, en ce qu'il inscrit sur cette liste, d'une part, la martre des pins dans les départements de l'Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Orientales et, d'autre part, la belette d'Europe dans le département du Pas-de-Calais.

3. La Fédération nationale des chasseurs, l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France et les Fédérations départementale des chasseurs de l'Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées, des Pyrénées-Orientales et du Pas-de-Calais justifient d'un intérêt suffisant au maintien des dispositions contestées. Par suite, leur intervention en défense est recevable.

4. L'urgence justifie la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l'acte en litige sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

5. Pour caractériser l'urgence qui s'attache, selon elles, à la suspension de l'arrêté contesté, les associations requérantes font valoir que son exécution est susceptible de conduire immédiatement à la destruction de martres et de belettes, sans formalité préalable et notamment sans qu'il soit besoin pour les piégeurs de solliciter une autorisation, et sans limite en nombre, alors que ces espèces, qui pâtissent par ailleurs de la chasse, figurent sur la liste des espèces menacées en France établie par le comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature, même si c'est en " préoccupation mineure ", et voient leurs effectifs baisser, dans des proportions non maîtrisées.

6. Toutefois, s'agissant de l'inscription de la martre des pins dans l'Aude, la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Orientales, la condition d'urgence doit être appréciée en tenant compte du risque que les martres sont susceptibles de présenter pour le grand tétras, une espèce dont il n'est pas contesté que, subsistant pour l'essentiel dans le massif des Pyrénées, elle est en mauvais état de conservation et fait l'objet d'une stratégie nationale d'action. Il résulte de l'instruction et des échanges à l'audience qu'eu égard à la gravité de la situation du grand tétras, à la grande vulnérabilité de celui-ci et au périmètre de l'inscription de la martre, restreint aux communes du massif dans lesquelles le grand tétras est susceptible de se trouver et de se reproduire, la condition d'urgence ne peut pas être regardée comme remplie. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à la légalité de cette inscription, les associations requérantes ne sont pas fondées à demander la suspension de l'exécution de ces dispositions.

7. S'agissant de l'inscription de la belette sur la liste des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts dans le Pas-de-Calais, aucun des moyens soulevés à l'encontre de cette inscription n'apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition d'urgence, l'association One Voice n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de ces dispositions.

8. Il résulte de ce qui précède que les requêtes de l'association One Voice et de la Ligue pour la protection des oiseaux ne peuvent qu'être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de la Fédération nationale des chasseurs et autres est admise.

Article 2 : Les requêtes de l'association One Voice et de la Ligue pour la protection des oiseaux sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association One Voice, à la Ligue pour la protection des oiseaux et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la Fédération nationale des chasseurs, première dénommée pour l'ensemble des intervenants.

Fait à Paris, le 29 août 2023

Signé : Suzanne von Coester


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 480996
Date de la décision : 29/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 aoû. 2023, n° 480996
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:480996.20230829
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