La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/08/2023 | FRANCE | N°478713

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 14 août 2023, 478713


Vu la procédure suivante :

Mme D... E..., en son nom propre et au nom de ses enfants Mme B... A... et Mme C... A..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision en date du 19 juillet 2023 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a mis fin à sa prise en charge dans le cadre du dispositif hôtelier d'hébergement d'urgence à compter du 26 juillet 2023 et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de rétablir sa prise

en charge avec ses deux enfants dans une structure d'hébergement d...

Vu la procédure suivante :

Mme D... E..., en son nom propre et au nom de ses enfants Mme B... A... et Mme C... A..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision en date du 19 juillet 2023 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a mis fin à sa prise en charge dans le cadre du dispositif hôtelier d'hébergement d'urgence à compter du 26 juillet 2023 et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de rétablir sa prise en charge avec ses deux enfants dans une structure d'hébergement d'urgence dans le délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 150 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, dans l'attente de leur orientation vers une structure d'hébergement stable ou un logement adapté à leur situation. Par une ordonnance n° 2304338 du 29 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces conclusions.

Par une requête, enregistrée le 8 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2304338 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de reprendre en charge la famille, dans le cadre de l'hébergement d'urgence, dans un lieu adapté à leur situation, et ce dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros à la SCP Melka-Prigent-Drusch sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision de mettre fin à sa prise en charge hôtelière et à celle de ses enfants les laisse sans abri, dans une situation de grande détresse et de grande vulnérabilité, tant au niveau sécuritaire que sanitaire ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- il est porté une atteinte à l'intérêt supérieur de ses filles, âgées de trois et quatre ans, dès lors que le refus de prise en charge par le préfet de Haute-Garonne les place dans une situation de grande détresse ;

- le refus de leur prise en charge par le préfet de Haute-Garonne méconnaît son droit à l'hébergement d'urgence en ce qu'elle constitue une carence de l'Etat dès lors que, en premier lieu, le préfet de Haute-Garonne n'a établi ni la saturation des hébergements d'urgence dans le département, ni l'impossibilité de poursuivre sa prise en charge hôtelière et celle de ses enfants, en deuxième lieu, il n'est pas établi que le coût de leur hébergement ferait peser une charge financière impossible à assumer pour l'Etat et, en dernier lieu, l'existence d'un risque grave pour sa santé et sa sécurité, ainsi que celles de ses enfants, constitue une circonstance exceptionnelle justifiant qu'elles bénéficient d'un hébergement d'urgence.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) / 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ". L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services qu'appelle leur état. L'article L. 345-2-2 du même code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. / Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. / L'hébergement d'urgence prend en compte, de la manière la plus adaptée possible, les besoins de la personne accueillie, (...) ". Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 2, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. Mme E... relève appel de l'ordonnance du 29 juillet 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse , saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision du 19 juillet 2023 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a mis fin à sa prise en charge dans le cadre du dispositif hôtelier d'hébergement d'urgence à compter du 26 juillet 2023 et de lui enjoindre de rétablir cette prise en charge. Pour rejeter cette demande, le juge des référés a retenu que la demande d'asile de l'intéressée a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 juillet 2021, que Mme E... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire le 24 septembre 2021 et que si elle fait valoir qu'elle a deux enfants, âgés respectivement de quatre et trois ans, d'une part, elle a bénéficié pendant près de trois ans de différents dispositifs d'hébergement et du temps nécessaire à la préparation de son retour au Nigéria, d'autre part, alors que l'administration faisait état devant le juge des référés pour la semaine du 17 au 23 juillet 2023, malgré l'accroissement des places depuis plusieurs années, d'une saturation du dispositif d'hébergement avec 197 refus d'hébergement dont 34 familles comprenant des enfants en très bas âge, elle ne fait pas état de risque particulier grave et immédiat pour sa santé et sa sécurité et celles de ses enfants. Mme E... n'apporte, en appel, aucune pièce ou précision sur ces différents points, ni de manière générale aucun élément de nature à remettre en cause les appréciations retenues par le premier juge. Il y a, par suite, lieu de rejeter sa requête, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... E... ainsi qu'au préfet de la Haute-Garonne.

Fait à Paris, le 14 août 2023

Signé : Nicolas Boulouis


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 478713
Date de la décision : 14/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 aoû. 2023, n° 478713
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:478713.20230814
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award