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04/08/2023 | FRANCE | N°457315

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 04 août 2023, 457315


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 octobre 2021 et 20 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule;

- l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 octobre 2021 et 20 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la consommation ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En raison d'une amélioration progressive de la situation sanitaire, les mesures de santé publique destinées à prévenir la circulation du virus de la covid-19 prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ont été remplacées, après l'expiration de celui-ci le 1er juin 2021, par celles de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. En particulier, le paragraphe II de son article 1er permettait au Premier ministre d'instituer un dispositif dit de " passe sanitaire ". Il pouvait ainsi subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19, l'accès à certains lieux, établissements ou évènements. En application de ces dispositions, le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire avait notamment fixé, à l'article 47-1, la liste des lieux, services et événements concernés et défini certaines modalités d'application. A la suite d'une nouvelle dégradation de la situation épidémique, la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a modifié la loi du 31 mai 2021 afin de permettre au Premier ministre d'étendre le champ d'application du " passe sanitaire ". Les articles 12 à 19 de la même loi du 5 août 2021 ont en outre institué une obligation de vaccination contre la covid-19, sauf contre-indication, pour certaines personnes dont les professionnels de santé. Le décret du 7 août 2021 a modifié le décret du 1er juin 2021 pour notamment, d'une part, introduire ou modifier des dispositions règlementaires concernant les justificatifs, le certificat de rétablissement, les cas de contre-indication et le contrôle. Il a, d'autre part, conditionné à la présentation du " passe sanitaire " l'accès à des lieux ou activités supplémentaires.

2. En premier lieu, M. A... ne saurait utilement soulever des moyens tirés de ce que les dispositions législatives sur le fondement desquelles a été pris le décret attaqué ne seraient pas adaptées ou nécessaires.

3. En deuxième lieu, selon les informations disponibles à la date du décret attaqué, les personnes vaccinées avaient douze fois moins de risque de contracter le virus de la covid-19 que les personnes non vaccinées et, en cas de contamination, avaient quatre fois moins de risque de le transmettre que les personnes non vaccinées. Le pouvoir réglementaire n'a, par suite, en tout état de cause, pas méconnu le principe de précaution en permettant l'accès à certains lieux des personnes vaccinées et en les dispensant du port du masque.

4. En troisième lieu, le moyen tiré de ce qu'il aurait été préférable d'instaurer un contrôle plus strict aux frontières plutôt que d'imposer un " passe sanitaire " n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. En quatrième lieu, la différence de traitement instaurée par le décret attaqué entre les personnes titulaires d'un " passe sanitaire " et les autres personnes est fondée sur une différence de situation entre les personnes concernées au regard du risque de transmission du virus. Cette différence de traitement, qui est en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit, n'est pas manifestement disproportionnée au regard de cette différence de situation et du motif d'intérêt général tiré de la nécessité de limiter la propagation de l'épidémie de covid-19.

6. En cinquième lieu, les dispositions relatives à l'accès aux établissements de santé répondaient à des risques particuliers de transmission du virus aux professionnels, notamment ceux indispensables à la continuité des soins, et aux personnes que ces services et établissements accueillent, notamment celles exposées aux formes graves de la maladie. Eu égard aux dérogations prévues, notamment en cas d'urgence, et à la part d'appréciation confiée au chef de service ou à l'encadrement dans le cas où il existerait un risque d'empêcher l'accès aux soins du patient dans des délais utiles à sa prise en charge, elles ne sauraient être regardées comme ayant méconnu l'interdiction des discriminations dans l'accès à la prévention et aux soins instituée par l'article L. 1110-3 du code de la santé publique.

7. En sixième lieu, le fait de demander la présentation d'un " passe sanitaire " ne saurait être constitutif d'un refus de vente au sens des dispositions de l'article L. 121-11 du code de la consommation.

8. En septième lieu, d'une part, l'authentification des données d'identification incluses dans le " passe sanitaire " est nécessaire pour contrôler que le passe présenté est bien celui de la personne qui s'en prévaut. D'autre part, ainsi que l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, le contrôle du " passe sanitaire " imposé par le législateur pour l'accès à certains lieux ou établissements, ne peut être réalisé que par les forces de l'ordre ou les exploitants de ces lieux ou établissements. Par ailleurs, la présentation de ces documents est réalisée sous une forme ne permettant pas d'en connaître la nature et ne s'accompagne d'une présentation de documents d'identité que lorsque ceux-ci sont exigés par les forces de l'ordre. Alors même que le " passe sanitaire " comporte l'identité de la personne concernée, sa présentation, eu égard à la nature des lieux où elle est obligatoire qui ne concernent pas l'accès aux biens de première nécessité, ne saurait être regardée comme une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il suit de là que l'article 1er du décret attaqué pouvait, sans méconnaître ce même principe ni la loi du 5 août 2021 sur le fondement de laquelle il a été pris, prévoir qu'à l'occasion du contrôle des justificatifs requis, les personnes chargées du contrôle du " passe sanitaire " puissent lire les nom, prénom et date de naissance de la personne concernée par le justificatif.

9. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation vaccinale méconnaîtrait le principe de précaution n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des dispositions du décret du 7 août 2021 qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre et à la Haute autorité de santé.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 457315
Date de la décision : 04/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 aoû. 2023, n° 457315
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Delsol
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:457315.20230804
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