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24/07/2023 | FRANCE | N°448161

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 24 juillet 2023, 448161


Vu la procédure suivante :

La société Yvoire a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017 à raison de locaux dont elle est propriétaire au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis). Par un jugement n° 1809268 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de l'imposition en litige au titre de l'année 2017 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un pourvoi, enregis

tré le 24 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la rela...

Vu la procédure suivante :

La société Yvoire a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017 à raison de locaux dont elle est propriétaire au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis). Par un jugement n° 1809268 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de l'imposition en litige au titre de l'année 2017 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 24 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'État d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement.

Il soutient que le tribunal administratif de Montreuil :

- a commis une erreur de droit et entaché son jugement d'une contradiction de motifs en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de substituer au taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères appliqué en 2017 le taux voté l'année précédente au motif que ce dernier taux, bien que non manifestement disproportionné aux dépenses prévisibles en 2016, était plus élevé ;

- a dénaturé les pièces du dossier en estimant que le taux de la taxe voté pour l'année 2016 était plus élevé que le taux voté pour l'année 2017.

Le pourvoi a été communiqué à la société Yvoire, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 11 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Yvoire, qui possède des locaux situés au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), a sollicité la décharge de ses cotisations primitives de taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre des années 2016 et 2017, en invoquant, par la voie de l'exception, l'illégalité des délibérations de l'établissement public de coopération intercommunale Est-Ensemble ayant fixé les taux de ces taxes. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre les articles 1er et 2 du jugement du 2 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande au titre de l'année 2017.

2. D'une part, aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article

1379-0 bis du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal ".

3. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les articles L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, relatives à ces opérations. Les dépenses susceptibles d'être prises en compte sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe.

4. D'autre part, aux termes du III de l'article 1639 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " La notification a lieu par l'intermédiaire des services préfectoraux pour les collectivités locales et leurs groupements, par l'intermédiaire de l'autorité de l'Etat chargée de leur tutelle pour les chambres de commerce et d'industrie, et directement dans les autres cas. / A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les décisions de l'année précédente ". Ces dispositions autorisent l'administration, au cas où la délibération d'une collectivité territoriale ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition mise en recouvrement, à demander au juge de l'impôt, à tout moment de la procédure, que soit substitué, dans la limite du taux appliqué à cette imposition, le taux retenu lors du vote de l'année précédente.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que lorsque la délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition au motif que ce taux est manifestement disproportionné par rapport aux dépenses à couvrir l'année en litige, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une demande en ce sens, de rechercher s'il y a lieu de lui substituer le taux résultant de la délibération applicable à l'année précédente. Tel n'est pas le cas lorsque le taux de l'année précédente est manifestement disproportionné au regard du montant des dépenses estimées au titre de l'année en litige.

6. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que pour écarter la demande de substitution présentée par l'administration fiscale sur le fondement des dispositions citées au point 4, le tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur la circonstance que le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères fixé au titre de l'année 2016 s'élevait à 8,83 % et était ainsi plus élevé que celui fixé au titre de l'année 2017 qui s'élevait, d'après le tribunal, à 8,69 %. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les taux votés pour les années 2016 et 2017 s'élevaient respectivement à 7,81 % et 7,88 %. Il suit de là qu'en estimant que le taux fixé au titre de l'année 2016 était plus élevé que celui fixé au titre de l'année 2017, le tribunal administratif de Montreuil a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 du jugement qu'il attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 2 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Montreuil.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Yvoire.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et Mme Cécile Nissen, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 24 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Nissen

La secrétaire :

Signé : Mme Katia Nunes

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Yvoire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 448161
Date de la décision : 24/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2023, n° 448161
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Nissen
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:448161.20230724
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