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17/07/2023 | FRANCE | N°475754

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 juillet 2023, 475754


Vu la procédure suivante :

Mme E... B... et M. D... C..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fils mineur, A... C..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de les reprendre en charge sans délai au titre de l'hébergement d'urgence, à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 200 euros par jour de re

tard. Par une ordonnance n° 2303592 du 26 juin 2023, le juge des...

Vu la procédure suivante :

Mme E... B... et M. D... C..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fils mineur, A... C..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de les reprendre en charge sans délai au titre de l'hébergement d'urgence, à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2303592 du 26 juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... et M. C... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance attaquée ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de les reprendre en charge dans le cadre de l'hébergement d'urgence, sans délai et sous astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'hébergement d'urgence dès lors que Mme B..., M. C... et leur fils n'ont aucune solution d'hébergement depuis la fin de leur prise en charge ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à l'intérêt supérieur de l'enfant en ce que l'état de santé de A... nécessite un traitement par des soins pluridisciplinaires et hebdomadaires, dont la mise en place est subordonnée à l'attribution d'un logement pérenne ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au principe de dignité de la personne humaine et au droit à ne pas être soumis à un traitement inhumain et dégradant dès lors que l'Etat n'a accompli aucune diligence pour leur permettre d'être hébergés et de bénéficier d'une orientation que, dès lors, le maintien d'une telle situation de précarité porte atteinte à leur intégrité psychique et physique, et pourrait emporter des conséquences graves sur le déroulement de sa grossesse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2023, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B... et M. C..., et d'autre part, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 13 juillet 2023, à 11 heures :

- Me Sebagh, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... et M. C... ;

- les représentantes de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 13 juillet 2023 à 18 heures 30 ;

Vu la pièce, enregistrée le 13 juillet 2023, présentée par Mme B... et autre ;

Vu le mémoire et les pièces, enregistrés le 13 juillet 2023, présentés par la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 juillet 2023, présentée par Mme B... et M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. Aux termes de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) / 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L 345-1 à L. 345-3 (...) ". L'article L. 345-2 du même code prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse. Ce dispositif de veille sociale est, en Ile-de-France, en vertu de l'article L. 345-2-1, mis en place à la demande et sous l'autorité du représentant de l'Etat dans la région sous la forme d'un dispositif unique. L'article L. 345-2-2 du même code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. / Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. / (...) ". Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 2, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne concernée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. Mme B... et M. C... relèvent appel de l'ordonnance du 26 juin 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de de la Haute-Garonne de les reprendre en charge, ainsi que leur enfant, sans délai dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence.

5. Il résulte de l'instruction qui s'est poursuivie à l'audience, que Mme B..., âgée de 31 ans, de nationalité nigériane et son compagnon M. C..., âgé de 27 ans, de nationalité ghanéenne, entrés en France en décembre 2018, sont devenus parents de A..., né en France le 30 décembre 2020. Après l'échec de leurs demandes d'asile en septembre 2022, ils ont bénéficié d'un hébergement d'urgence, dans le cadre du dispositif hôtelier, à compter 30 décembre 2022 auquel un arrêté du 15 juin 2023 du préfet de la Haute-Garonne a mis fin, à compter du 22 juin 2023. Par l'ordonnance attaquée du 26 juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande d'injonction analysée au point précédent et, par une ordonnance du 7 juillet 2023, le juge des référés du même tribunal a rejeté leur demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'arrêté préfectoral du 15 juin 2023. Par deux jugements, des 16 juin et 7 juillet 2023, les magistrats désignés par le président du tribunal administratif de Toulouse ont rejeté respectivement les demandes de Mme B... et de M. C... tendant chacune à l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés du 5 avril 2023 du préfet de la Haute-Garonne les concernant prononçant à leur encontre l'obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois. Il résulte encore de l'instruction qu'au terme de son premier trimestre de grossesse, Mme B... a présenté les 3 et 7 juillet 2023, des épisodes de saignements (métrorrargies) pour lesquelles elle a consulté successivement un médecin généraliste qui lui a délivré un certificat médical indiquant que son " état de santé et celle de son fils âgé de 2 ans justifient l'attribution urgente d'un logement " puis, aux urgences du centre hospitalier universitaire de Toulouse-hôpital Paule de Viguier, un praticien hospitalier gynécologue qui a prescrit le repos et une bonne hygiène de vie impliquant, afin de prévenir tout risque de fausse couche, qu'il soit mis fin rapidement à sa situation de " sans domicile fixe ". Dans le dernier état de l'instruction prolongée après l'audience, une attestation du directeur départemental de l'emploi, du travail et des solidarités a confirmé l'information donnée à l'audience selon laquelle le préfet de la Haute-Garonne a pris l'initiative de reconsidérer la situation de la famille et l'a placée, depuis le 10 juillet, de manière provisoire en hébergement d'urgence dans le cadre du dispositif hôtelier à Roques-sur-Garonne. Il ne résulte pas de l'instruction que cette mise à l'abri serait susceptible de s'interrompre rapidement en tout cas tant que la situation de santé de Mme B... n'est pas stabilisée. Cette mesure d'hébergement d'urgence est ainsi de nature, en l'état de l'instruction, à répondre, à l'état de détresse, notamment médicale, que rencontre actuellement cette famille et qui en fait, sans doute possible, compte tenu des risques particuliers, qui sont suffisamment attestés, liés à cette période de fin du premier trimestre de grossesse de Mme B..., une des familles les plus vulnérables justifiant l'action de l'Etat à ce titre. Dans ces conditions, et sans préjudice des mesures qui pourraient être prises par le préfet au titre de l'exécution des décisions d'éloignement qu'il a arrêtées, les conclusions des requérants tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin d'enjoindre à l'Etat de leur procurer, à bref délai, un hébergement d'urgence et un accompagnement social, sont, dès lors que la mesure prise par le préfet ne procédait pas de l'exécution de l'ordonnance attaquée, devenues sans objet. Il n'y a plus lieu, dès lors, d'y statuer.

6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que Mme B... et M. C... demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme B... et M. C... .

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Mme B... et M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E... B..., première requérante dénommée, ainsi qu'à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Fait à Paris, le 17 juillet 2023

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 475754
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2023, n° 475754
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:475754.20230717
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