Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 438790 du 15 décembre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi du centre communal d'action sociale (CCAS) de Rosporden, a annulé le jugement n° 1801737 du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait, à la demande de Mme B... A..., annulé les décisions des 20 novembre 2017 et 24 janvier 2018 de refus du président du CCAS de lui verser l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) et enjoint au CCAS de la lui verser, et lui a renvoyé l'affaire.
Par un jugement n° 2106424 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du président du CCAS de Rosporden des 20 novembre 2017 et 24 janvier 2018 et renvoyé Mme A... devant le CCAS de Rosporden pour qu'il soit procédé, au calcul et au versement des ARE qui lui sont dues.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre et 5 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CCAS de Rosporden demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le décret n°95-654 du 9 mai 1995 ;
- l'arrêté du ministre du travail du 25 juin 2014 portant agrément de la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage et de son règlement général annexé;
- l'arrêté du 4 mai 2017 portant agrément de la convention du 14 avril 2017 relative à l'indemnisation du chômage et de son règlement général annexé ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du centre communal d'action sociale de Rosporden et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de sa démission de l'emploi qu'elle occupait depuis le 1er octobre 2013 au centre communal d'action sociale (CCAS) de Rosporden, qui l'a acceptée par un arrêté du 4 mai 2017, et à l'issue du dernier des contrats à durée déterminée conclus entre le 1er juillet et le 31 août 2017 avec le CCAS de Scaër, le CCAS de Rosporden a rejeté la demande de Mme A... tendant au versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE), par une décision du 20 novembre 2017, confirmée le 24 janvier 2018 sur recours gracieux. A la suite de l'annulation, prononcée par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 15 décembre 2021, d'un premier jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes, ce tribunal, auquel l'affaire a été renvoyée, a, par un jugement du 6 juillet 2022 contre lequel le CCAS de Rosporden se pourvoit en cassation, annulé les décisions attaquées et a renvoyé Mme A... devant le CCAS pour qu'il soit procédé, au calcul et au versement des ARE qui lui sont dues.
Sur les textes applicables au litige :
2. Aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi, ceux dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants du présent code ou à l'article L. 421-12-2 du code de la construction et de l'habitation et ceux dont le contrat de travail a été rompu d'un commun accord selon les modalités prévues aux articles L. 1237-17 et suivants, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre. ". Aux termes de l'article L. 5421-2 du même code : " Le revenu de remplacement prend, selon le cas, la forme : 1° D'une allocation d'assurance, prévue au chapitre II (...) ". Aux termes de l'article L. 5422-1 de ce code : " Ont droit à l'allocation d'assurance les travailleurs involontairement privés d'emploi (...), aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activités antérieure ". Aux termes de l'article L. 5424-1 de ce code : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422 : 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'État et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires ; 2° Les agents non titulaires des collectivités territoriales et les agents non statutaires des établissements publics administratifs autres que ceux de l'État (...) ". ". Il résulte de ces dispositions ainsi que de celles des articles L. 5422-2, L. 5422-3 et L. 5422-20 du même code que les agents publics involontairement privés d'emploi ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions définies par l'accord prévu par l'article L. 5422-20, dès lors qu'un tel accord est intervenu et a été agréé et qu'il n'est pas incompatible avec les règles qui gouvernent l'emploi des agents publics.
3. Par un arrêté du ministre du travail du 25 juin 2014 a été agréée la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage, prise en application de l'article L. 5422-20 du code du travail, puis, par un arrêté de la ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 4 mai 2017, la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage, prise également en application de l'article L. 5422-20 du code du travail.
4. Il résulte des termes même de son article 14 que la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage mentionnée au point précédent ne s'applique qu'aux salariés involontairement privés d'emploi dont la fin de contrat de travail est intervenue à compter du 1er octobre 2017. Il en résulte qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 4 du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 pour juger que Mme A... avait droit à l'allocation de retour à l'emploi, alors que la fin du dernier contrat de travail de Mme A... était intervenue le 31 août 2017, le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit.
5. Toutefois, d'une part, le règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage mentionnée au point 3, prévoit, en son article 1er que : " Le régime d'assurance chômage assure un revenu de remplacement dénommé allocation d'aide au retour à l'emploi, pendant une durée déterminée, aux salariés involontairement privés d'emploi qui remplissent des conditions d'activité désignées période d'affiliation, ainsi que des conditions d'âge, d'aptitude physique, de chômage, d'inscription comme demandeur d'emploi, de recherche d'emploi ". Aux termes de l'article 2 de ce règlement général : " Sont involontairement privés d'emploi ou assimilés, les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte : / (...) / d'une fin de contrat de travail à durée déterminée (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce règlement : " Les agents privés d'emploi justifiant d'une durée d'affiliation telle que définie aux articles 3 et 28 du même règlement doivent : / (...) / e) n'avoir pas quitté volontairement, (...) leur dernière activité professionnelle salariée, ou une activité professionnelle salariée autre que la dernière, dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifié d'une durée d'affiliation d'au moins 91 jours travaillés ou 455 heures travaillées ". D'autre part, le règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 mentionnée également au point 3 fixe les nouvelles modalités d'attribution par le régime d'assurance chômage d'un revenu de remplacement dénommé allocation d'aide au retour à l'emploi et prévoit aux termes de son article 4 que : " Les salariés privés d'emploi justifiant d'une période d'affiliation comme prévu aux articles 3 et 28 doivent : / (...) / e) n'avoir pas quitté volontairement, sauf cas prévus par un accord d'application, leur dernière activité professionnelle salariée, ou une activité professionnelle salariée autre que la dernière dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifié d'une période d'affiliation d'au moins 65 jours ou d'une période de travail d'au moins 455 heures ".
6. Il résulte du rapprochement des articles 4 des règlements annexés aux conventions des 14 mai 2014 et 14 avril 2017 relatives à l'indemnisation du chômage que, lorsqu'un salarié, après avoir quitté volontairement un emploi, a retrouvé un autre emploi dont il a été involontairement privé, il est, dans l'un ou l'autre cas, attributaire de droits à indemnisation au titre de l'assurance-chômage dès lors qu'il a travaillé au moins quatre cent cinquante-cinq heures dans ce dernier emploi. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a travaillé 676,68 heures pendant la période en litige, et remplissait ainsi la condition de durée prévue par les dispositions résultant de la convention du 14 mai 2014. Il y a lieu, par suite, de substituer d'office ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait et qui justifie sur ce point le dispositif du jugement attaqué au motif erroné retenu par le tribunal administratif fondé sur une disposition non applicable au litige.
Sur les autres moyens du pourvoi :
7. Aux termes de l'article R. 5424-2 du code du travail : " Lorsque, au cours de la période retenue pour l'application de l'article L. 5422-2, la durée totale d'emploi accomplie pour le compte d'un ou plusieurs employeurs affiliés au régime d'assurance a été plus longue que l'ensemble des périodes d'emploi accomplies pour le compte d'un ou plusieurs employeurs relevant de l'article L. 5424-1, la charge de l'indemnisation incombe à Pôle emploi pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L. 5427-1. / Dans le cas contraire, cette charge incombe à l'employeur relevant de l'article L. 5424-1, ou à celui des employeurs relevant de cet article qui a employé l'intéressé durant la période la plus longue ".
8. Il résulte de ces dispositions que, lorsque, après avoir quitté volontairement un emploi, un agent a retrouvé un autre emploi dont il a été involontairement privé, il a droit à une indemnisation au titre de l'assurance chômage dès lors qu'il a travaillé au moins quatre-vingt-onze jours ou quatre cent cinquante-cinq heures dans ce dernier emploi et que, dans cette hypothèse, la détermination de la personne à laquelle incombe la charge de l'indemnisation dépend de la question de savoir quel est l'employeur qui, dans la période de référence prise en compte pour l'ouverture des droits, l'a employé pendant la période la plus longue.
9. En premier lieu, en retenant que Mme A... n'avait pas, postérieurement à sa démission, bénéficié de contrats de travail de complaisance destinés à lui permettre de faire état d'au moins quatre-vingt-onze jours travaillés ou d'au moins quatre cent cinquante-cinq heures travaillées et n'avait pas cherché à contourner frauduleusement les refus de financement de la formation d'infirmier qui ont pu lui être opposés antérieurement à sa démission, le tribunal administratif a, pour écarter le moyen tiré de l'existence d'une manœuvre frauduleuse de la part de l'intéressée, porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
10. En deuxième lieu, il ressort des énonciations du jugement attaqué que le dernier contrat de travail à durée déterminée conclu par Mme A... avec l'EHPAD du Chêne, avant sa demande d'allocation d'aide au retour à l'emploi, était un contrat de droit public ayant pour objet d'assurer du 1er juillet au 31 août 2017 le remplacement d'agents publics en congé et que Mme A... a soutenu, sans être valablement contredite, que cet employeur ne lui a pas proposé de renouveler son contrat de travail. En en déduisant que Mme A... devait être regardée comme ayant été involontairement privée d'emploi au sens de l'article L. 5421-1 du code du travail, le tribunal administratif, qui a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce. Le CCAS de Rosporden ne saurait par ailleurs utilement critiquer le motif surabondant par lequel le tribunal administratif a relevé qu'en tout état de cause, Mme A... aurait justifié d'un motif légitime de refus d'une éventuelle proposition de renouvellement de son dernier contrat de travail.
11. En troisième lieu, en vertu de l'article 4 du règlement général mentionné au point 3, les bénéficiaires de l'allocation de retour à l'emploi, doivent, au titre des conditions d'attribution de ce droit, notamment : " a) être inscrits comme demandeur d'emploi ou accomplir une action de formation inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi ; / b) être à la recherche effective et permanente d'un emploi ". Il résulte de ces dispositions que les personnes qui accomplissent une action de formation inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi peuvent bénéficier de l'allocation de retour à l'emploi alors même qu'elles ne sont, de ce fait, pas immédiatement disponibles pour occuper un emploi, au sens de l'article L. 5411-6 du code du travail.
12. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'aux dates des décisions attaquées, Mme A... était inscrite en tant que demandeur d'emploi depuis le 29 avril 2017. Elle a été reçue par un conseiller de Pôle emploi le 22 mai 2017 afin d'élaborer son projet personnalisé d'accès à l'emploi. À cette date, Mme A... était déjà admise à l'institut de formation des professionnels de santé de Quimper et il ressort du courrier du 22 mai 2017 adressé par Pôle emploi à Mme A..., produit par le CCAS de Rosporden, qu'une action d'aide à la réalisation de son projet de formation auprès de cet institut a été arrêtée à l'occasion de l'entrevue du même jour. La formation d'infirmier qui a débuté le 5 septembre 2017 a ensuite donné lieu, le 13 septembre 2018, à une notification d'inscription à un stage, confirmant que cette formation avait été validée dans le cadre de son projet personnalisé d'accès à l'emploi pour la période du 4 septembre 2017 au 5 juillet 2020. La circonstance que Mme A... n'était, dans ces conditions, pas immédiatement disponible pour occuper un emploi, au sens de la condition posée par l'article L. 5411-6 du code du travail, est dès lors sans incidence sur son droit à percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi. En jugeant que le CCAS de Rosporden ne peut valablement faire valoir que la formation d'infirmier, envisagée par Mme A..., ne lui a pas été soumise pour validation en tant qu'ex-employeur en charge de son indemnisation en vertu des dispositions du second alinéa de l'article R. 5424-2 du code du travail, au motif que celles-ci régissent uniquement la prise en charge financière de l'indemnisation du demandeur d'emploi et ne transfèrent pas à l'ex-employeur le contrôle de la recherche d'emploi, lequel relève, même dans cette situation, des missions de Pôle emploi, le tribunal administratif n'a, contrairement à ce qui est allégué, pas dénaturé les pièces du dossier.
13. Enfin, en jugeant que l'état de l'instruction ne permettait pas de déterminer le montant exact des droits de Mme A... pour renvoyer cette dernière devant le CCAS afin que soient calculées et versées, dans un délai de trois mois, les allocations d'aide au retour à l'emploi qui lui sont dues à compter du 1er septembre 2017, le tribunal administratif n'a pas méconnu son office de juge de plein contentieux.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le CCAS de Rosporden n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes.
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS de Rosporden la somme de 3 000 euros à verser à Mme A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme que demande le CCAS de Rosporden à ce même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du centre communal d'action sociale de Rosporden est rejeté.
Article 2 : Le centre communal d'action sociale de Rosporden versera à Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre communal d'action sociale de Rosporden et à Mme A....
Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 12 juillet 2023.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Rousselle
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet