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27/06/2023 | FRANCE | N°462744

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 27 juin 2023, 462744


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur, révélée par le courrier du 3 février 2022 de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, lui refusant l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier de la direction générale de la sécurité intérieure, dénommé CRISTINA ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiqu

er les informations le concernant figurant dans ce fichier ;

3°) à titre subsidiaire, d'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur, révélée par le courrier du 3 février 2022 de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, lui refusant l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier de la direction générale de la sécurité intérieure, dénommé CRISTINA ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer les informations le concernant figurant dans ce fichier ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rectifier, mettre à jour et effacer les données le concernant, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 2016679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée ;

- le décret n° 2018-687 du 1er août 2018 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. B..., et d'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé la commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux données à caractère personnel et intéressant la sûreté de l'Etat qui sont contenues dans les traitements mis en œuvre pour le compte de l'Etat, dont la liste est fixée par l'article R. 841-2 du même code. Figure notamment au nombre de ces traitements le fichier de la direction générale de la sécurité intérieure, dénommé CRISTINA.

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes mentionnées au point 2 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement (...) ".

4. M. B... a saisi la CNIL afin de pouvoir accéder aux données susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par la direction générale de la sécurité intérieure, dénommé CRISTINA. La commission a désigné, en application de l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978, un membre pour mener toutes investigations utiles et faire procéder, le cas échéant, aux modifications nécessaires. Par une lettre du 3 février 2022, la présidente de la commission a informé M. B... qu'il avait été procédé à l'ensemble des vérifications demandées et que la procédure était terminée, sans lui apporter d'autres informations. M. B... demande l'annulation du refus, révélé par ce courrier, du ministre de l'intérieur de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner et figurant dans le fichier de la direction générale de la sécurité intérieure, qu'il soit enjoint au ministre de lui communiquer les informations le concernant, de les effacer ou éventuellement les rectifier ainsi que de l'indemniser du préjudice moral subi.

5. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a produit devant le Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, un mémoire en défense portant sur les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressé.

6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

7. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre et la CNIL. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point 6 et qui n'a révélé aucune illégalité et alors que M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ni des dispositions de l'article 15 du règlement général sur la protection des données pour le fichier considéré, que ses conclusions doivent être rejetées, y compris celles à fin d'injonction et d'indemnisation.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; et M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 27 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Courrèges

Le secrétaire :

Signé : M. Valéry Cérandon-Merlot


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 462744
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2023, n° 462744
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Courrèges
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462744.20230627
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